L’œuvre de l'artiste visuelle Anne Brochu Lambert, de Regina
Crédit : Anne Brochu Lambert
Au cours des 18 derniers mois, j’ai eu la chance de me plonger dans un ambitieux projet d’installation artistique. Il s’agit d’un triptyque de 8 pieds de longueur, par 4 pieds de hauteur, racontant l’histoire de la créativité transmise entre quatre générations de femmes francophones issues de ma propre famille.
Cette œuvre réalisée grâce à un alliage de techniques est, de plus, une aventure technologique. Elle comporte une bande sonore qui se déclenche par le mouvement du spectateur grâce à une cellule photosensible. Celle-ci est reliée à un lecteur MP3 et à un système de son installés à l’arrière de la pièce.
Pour cette création, j’ai recueilli la collaboration de ma mère de 84 ans, de ma fille artiste de la scène, d’une collègue experte en création multimédia, d’un spécialiste du son et d’un technologue. Ce fut une véritable odyssée artistique à laquelle est venu se greffer un autre défi : celui d’un tournage documentaire. Le tout… en pleine pandémie !
J’étais déjà bien lancée à la fin de l’été 2020 lorsque l’envergure du projet a capté l’attention Francis Marchildon, réalisateur de l’Atelier culturel. Il m’a proposé de documenter mon parcours durant plusieurs mois. C’est ainsi qu’entre confinements et mesures sanitaires de tous acabits la petite équipe de deux s’est pointée à l’atelier, masquée et chargée comme un mulet. L’enthousiasme était palpable et l’arsenal impressionnant. Il y avait un assortiment de caméras, de lentilles spécialisées, d’éclairages, et même un drone ! Tout ça pour filmer une artiste en action et discuter d’inspiration, de doutes et de résilience.
Nous voulions tant rester dans cette bulle créative. La plupart du temps, je me sentais privilégiée d’être dans l’atelier et faire abstraction de cette terrible maladie pendant quelques heures par jour. La vérité est que j’ai dû mettre la création de côté plusieurs fois pour faire face aux contrecoups de cette pandémie qui fait trembler la planète. Ma mère et mon fils ont traversé des moments périlleux, leur vie même dans la balance. Il fallait être là pour eux malgré la douloureuse distance géographique.
De son côté, l’équipe de l’Atelier culturel a fait preuve d’ingéniosité pour bâtir le court documentaire en jonglant avec les contraintes de la COVID, surtout lorsque le troisième tournage a été reporté, à deux reprises, pour finalement être annulé. Puisque j’avais à cœur cette documentation inestimable, j’ai mis la main à la pâte ! Je me suis filmée moi-même, grâce aux directives de Francis, à l’aide d’un vieux trépied, d’un téléphone intelligent et de patience pour faire de très nombreuses prises… J’y ai gagné une perspective toute neuve sur mon travail d’artiste !
J’ai, de plus, tenu un journal dédié au projet et manipulé la photographie. Ce matériel s’est aussi révélé utile pour le réalisateur. Et, surtout, savoir que l’équipe avait besoin de mes contributions à des moments clés fut une motivation supplémentaire pour tenir le rythme de ce projet-marathon, en plus des autres attentes.
Aujourd’hui, ma mission est accomplie. Le grand triptyque est accroché au mur de mon atelier, en attendant d’être prochainement emballé pour son périple vers Edmonton, en Alberta. L’œuvre s’intègrera aux côtés de celles de six autres artistes féminins de l’Ouest, toutes sélectionnées pour l’exposition Présence de femmes, sous l’égide de la commissaire Sabine Lecorre-Moore, grâce à l’appui du Conseil des arts du Canada.
Si vous êtes curieux, je vous invite à voir le très beau reportage de l’Atelier culturel intitulé Voix et passages. Mille mercis à Francis Marchildon et au caméraman Cory Herperger, deux artistes à part entière.