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Le point sur le RIF - Chronique du Réseau en immigration francophone de la Saskatchewan

Retour sur le Cas Mercure

Adaptation d’un texte de Laurier Gareau – Revue historique Vol. 11 No. 3 mars 2011

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Père André MercureIl était une fois, un curé de campagne qui a entrepris une cause qui allait chambarder l'histoire de notre province au point où elle est redevenue, pendant quelques courts mois en 1988, une province bilingue. Son nom : André Mercure, o.m.i.

Tout au long de sa vie, le père Mercure s'est dévoué au développement des jeunes francophones. Il a donné l'impulsion à la fondation de l'Association des Scouts francophones de la Saskatchewan. Pendant douze ans, il a aussi été le coeur et l'âme des voyages Saskatchewan Étudiante Voyage (SEV).

En novembre 1980, le père Mercure reçoit une contravention pour excès de vitesse... rédigée uniquement en anglais! Il consulte son avocat, Maître Raymond Blais de North Battleford, et ils décident de poursuivre cette affaire en cours et d'exiger un procès en français. De plus, ils ont demandé que les statuts suivants leur soient remis en français : The Vehicle Act; The Summary Offences Procedures Act; The Interpretation Act; The Saskatchewan Evidence Act; et The Provincial Court Act.

Selon Maître Blais, son client avait droit à ces documents en français en fonction de la Loi de la Saskatchewan de 1905. En effet, l'Acte de l'Amérique du Nord Britannique de 1867 et l'Acte des Territoires du Nord-Ouest, tel qu'amendé en 1886 garantissaient:

  • 1) l'usage du français devant les tribunaux;
  • 2) que le procès puisse se dérouler en français, à la demande de l'accusé;
  • 3) que le juge puisse comprendre et diriger le procès dans cette langue;
  • 4) que les statuts soient disponibles en français.

Cette requête était basée sur l'article 110 de l'Acte des Territoires du Nord-Ouest, qui avait été le fondement de l'Acte de la Saskatchewan de 1905. Selon l'avocat de la couronne, l'article 110 n'était plus en vigueur et, que même s'il l'était encore, sa portée était très limitée.

Leur décision allait forcer les tribunaux à rendre un jugement sur le statut légal du français dans la province.

Dans son jugement rendu le 15 avril 1981, le juge Deshaye reconnaissait que l'article 110 était bel et bien encore en vigueur. Mais, il a seulement accordé au père Mercure le droit à un interprète à son procès. De plus, il ajoutait : « I therefore conclude that the defendant has no basis on which to insist that provincial legislation be printed in both English and French. » Il en arrivait à cette conclusion parce qu'à son avis, le pouvoir de rédiger des statuts relevait de l'Acte de la Saskatchewan et non pas de l'Acte des Territoires du Nord-Ouest.

Le père André Mercure et Maître Raymond Blais en ont appelé de la décision du juge Deshaye. Le 29 octobre 1985, soit quatre ans plus tard, les juges de la Cour d'appel ont maintenu la décision du juge Deshaye. La prochaine étape était donc de faire appel à la Cour suprême du Canada.

L'Eau vive du 3 mars 1988Toutefois, la santé du père Mercure préoccupait les leaders de la francophonie canadienne. Il avait été diagnostiqué avec un cancer. Le 15 avril 1986, le Conseil d'administration de l'ACFC a donc décidé de demander à la Cour suprême d'intervenir dans cette cause afin qu’elle se poursuive advenant la mort du père Mercure.

Heureuse décision pour la communauté fransaskoise car deux semaines plus tard, le 29 avril 1986, le père André Mercure décède. D'autres associations francophones et anglophones se sont ajoutées à la liste d'intervenant. En décembre 1987, la juge Claire L'Heureux-Dubé a accepté que l'Association canadienne-française de l'Alberta et l'Alliance Québec interviennent avec l'ACFC dans le Cas Mercure. Le cas a été entendu par la Cour suprême du Canada en décembre 1987. Son jugement a été rendu en février 1988, une semaine seulement après le jugement Wimmer qui accordait aux Fransaskois le droit de gérer leurs écoles.

Le 25 février 1988, la Cour suprême du Canada a reconnu que l'article 110 de l'Acte des Territoires du Nord-Ouest avait bel et bien été incorporé dans l'Acte de la Saskatchewan de 1905 et que cet article était donc encore en vigueur. Le français avait encore un statut légal à l'Assemblée législative et devant les tribunaux de la province. De plus, les lois de la province devaient être adoptées en anglais et en français. Toutes les lois adoptées depuis 1905 n'étaient donc pas valides.

Le plus haut tribunal du pays laissait toutefois une porte de sortie à la province. Puisque les droits des francophones ne font pas partie de la constitution de la Saskatchewan, l'Assemblée législative de la province pourrait, si elle le voulait, « adopter une loi pour abroger l'article 110 et ainsi continuer la Saskatchewan dans ses traditions unilingues. »

À la fin mars 1988, l'ACFC a proposé au gouvernement Devine certains amendements pour garantir les droits des francophones à l'Assemblée législative et devant les tribunaux. De plus, elle a suggéré un échéancier pour la traduction des lois en français. La province a répondu à l'ACFC le 4 avril par le dépôt du projet de la Loi 2 visant à abroger l'article 110. Le nom de Bob Andrew, ministre de la justice à l'époque, est le plus associé à la Loi 2. Les droits des francophones étaient dorénavant remis entre les mains du Cabinet ou de l'Assemblée législative.

La Saskatchewan aura été province bilingue pour un peu moins de deux mois. 

 

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