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Horizons - chronique littéraire du Cercle des écrivains de la Saskatchewan

Quelle réalité Papa ?

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Un robot-Uber la prit en charge à la sortie de l’aéroport. Scrutant les alentours, curieuse et avide de voir ces gens du Nouveau Continent, Katou fut surprise de voir qu’il n’y avait… personne. Dans les rues, dans un silence opaque, des voitures autoguidées de la taille d’une grosse valise à celle d’un camion trois-remorques circulaient à vive allure dans une chorégraphie minutieuse, suivant des corridors précis visibles sur l’asphalte colorié de lignes et de formes tout droit tirées d’un tableau de Picasso.

Dans les airs des drones pressés, tenant dans leurs griffes des boîtes enrubannées et dans leur ventre des caisses bien attachées, certaines même surimposées. Sur les trottoirs, de petits chars aux mini-chariots remplis de colis de toutes dimensions, furetant comme des souris pour calculer précisément les déplacements afin de livrer dans le meilleur temps les colis à leurs clients impatients.

Dans cette vive compétition, chaque instant vaut de l’argent. En haut, en bas, au-dessus, en dessous, tout a un coût. Plus vite vous l’aurez, plus de « j’aime » vous recevrez. Publicité et visibilité, chacun rivalise d’audace.

Enfin un être de chair apparaît, empilant des boîtes de carton dans un camion, suivi d’un cycliste transportant des sacs de plastique remplis de vivres et de biens indispensables.

S’ensuit une caravane de personnages aux creux visages, assis sur les trottoirs, broyant du noir, yeux vides et hagards, soudain surpris de voir cette inconnue bien réelle les suivre du regard, abasourdie devant leur désespoir. Instant bref et retour à leur réalité de tous les jours.

Certains besognent, plusieurs pitonnent, quelques jeunes jouent avec leur téléphone. Assis au bord du trottoir,ou marchant doucement le long des maisons grises, ils cherchent on ne sait quoi sur leur écran. Les couleurs des visages passent des basanées aux rosacées avec toute la palette des cuivrées.

- « Mais qui sont ces gens » demande Katou à son chauffeur électronique?

- « C’est un quartier défavorisé, pour la plupart des immigrés. Vous savez mademoiselle, il faut bien quelque part que quelqu’un livre toutes ces marchandises qui sont commandées. Il y a bien les drones, les transports et les robots pour ce qui est commun et facile à expédier; mais pour les denrées, ce qui est périssable ou plus compliqué, il ne reste rien de mieux que des humains pour les différencier, les évaluer et les préparer.

- « Et ceux qui ne travaillent pas » rajoute Katou?

- « Ils cherchent de l’emploi, mais seulement avec un téléphone il y a peu à prendre, vous devez être au goût du jour pour pouvoir seulement avoir une entrevue décente. Les gens qui ne peuvent se permettre la Réalité virtuelle ont beaucoup de difficulté. »

- « Mais c’est idiot, c’est le chat qui se mord la queue, comment se procurer une RV si ont a pas d’emploi pour se l’acheter? »

- « Je suis désolé, mais je ne suis pas autorisé à répondre aux questions d’éthique, vous devez upgrader mon programme de conversation IA. C’est 50$. Nous acceptons les débits, les crédits et les applications courantes. Veuillez présenter l’écran de votre téléphone dans mon miroir svp. » Katou n’avait pas du tout l’intention d’entamer une conversation philosophique avec un ordinateur, surtout un qui demande un supplément quand la conversation devient intéressante. N’empêche, se dit-elle, j’ai franchement intérêt à ne pas perdre mon téléphone.

Après avoir franchi un parc vide de tout être humain, mais rempli de petits robots jardiniers, le taxi s’arrêta devant la grille d’un complexe résidentiel d’une dizaine de bâtiments à condominium. Cette fois, il y avait bien quelques personnes qui profitaient du soleil, assis sur des bancs de parc devant une fontaine à triples branches où s’amusaient des oiseaux. Les gens étaient tous d’un certain âge sauf une jeune fille toute de vert vêtue qui s’avançait à pas rapides vers le taxi.

La porte s’ouvrit mécaniquement, et avec un large sourire Annie l’enlaça doucement en l’embrassant, puis prit son téléphone et tapa frénétiquement.

Soudain, et pour la première fois, la sonnerie du téléphone de Katou résonna; un texto.

« Tu ne peux pas savoir comment je suis contente de te voir pour vrai. C’est formidable.

« Allez viens, je vais te présenter à ma famille »

Puis « Ils sont si impatients de te voir, tu ne peux pas savoir, c’est super cool. Wôw»

* Extrait d'un roman en chantier

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