L’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC) vient de lancer son rapport final suite à une enquête pancanadienne sur les priorités des femmes francophones et acadiennes du Canada. L’objectif de cette enquête était de sonder les femmes de milieux francophones minoritaires afin de cibler leurs principaux enjeux. La présentation de ce rapport coïncide avec la sortie de la série documentaire Maman! Mommy!, de Sandra Fortin, qui fait la lumière sur les défis des mères élevant des enfants en contexte francophone minoritaire.
Avec son documentaire, Sandra Fortin met en avant-plan le rôle primordial que jouent les mères dans la transmission de la langue. La réalisatrice et sa collaboratrice, Sylvie Pelletier, ont suivi 5 Vancouvéroises francophones issues de milieux très différents et avec des types de familles variés. Les deux femmes souhaitaient dresser un portrait différent de la vie de mère que celui projeté dans les médias dernièrement. « Pourquoi on ne ferait pas une série qui met en valeur des femmes qui doivent relever des défis à tous les jours, des défis que toutes les femmes relèvent, mais on le présente d’une manière positive, explique Mme Fortin. En arrière-plan de tout cela, on présente le fait français. Comment elles font pour que leur enfant continue à parler français. » Elle est d’avis que c’est encore la mère qui a le rôle principal dans la transmission de la langue. « On dit langue maternelle, alors à la base une langue est transmise par la mère, poursuit-elle. Toutefois, sans l’appui du père, ça ne se fera pas. »
Comme les mères demeurent plus souvent au foyer pour s’occuper des jeunes enfants et qu’elles sont souvent plus proches d’eux physiquement et émotionnellement dans leurs premières années de vie, elles deviennent garantes de la transmission linguistique. La directrice générale de Réseau-Femmes Colombie-Britannique, Maryse Beaujeau, explique que les femmes jouent un rôle important car elles sont des mères, mais aussi par leur statut. « Les femmes sont beaucoup impliquées dans le communautaire, elles sont beaucoup impliquées dans tous les métiers de l’éducation, que ce soit les services de garde ou l’enseignement », souligne-t-elle.
Tout un village pour élever un enfant
Comme il revient beaucoup aux femmes de jouer un rôle de premier plan dans la transmission de la langue, il faut tout un réseau pour leur assurer un certain support. Selon Maryse Beaujeau, un des grands défis est le manque de financement des organismes de soutien aux femmes et de soutien à l’éducation des enfants en français. « Il y a encore beaucoup de travail à faire pour scolariser son enfant en français et surtout avoir un service de garde en français », affirme-t-elle. De plus, tous les organismes qui participent au soutien de la famille en français, que ce soit un service de garde après l’école, des activités sportives ou de socialisation, sont importants pour permettre à l’enfant d’acquérir du vocabulaire en français à l’extérieur du noyau familial.
Même son de cloche en Saskatchewan où la présidente de la Fédération provinciale des Fransaskoises, Stéphanie Gaudet, rencontre ces défis. « Dans certaines parties de la province, raconte-t-elle, il n’y a pas de services de garde en français, alors certaines mamans choisissent plutôt de rester à la maison parce que leurs enfants ne vont pas apprendre le français dans une garderie anglophone ». Aussi, certaines ressources sont absentes, tels que les soutiens sociaux comme un groupe de mamans francophones, des livres en français dans les bibliothèques et des écoles francophones dans certaines régions de la Saskatchewan.
Des enjeux à l’échelle nationale
Ces préoccupations, on les retrouve dans le Rapport de l’enquête pancanadienne sur les priorités des femmes francophones et acadiennes du Canada, de l’AFFC. Les femmes sondées ont établi trois grandes priorités à l’échelle nationale : l’accès aux services de santé en français, l’équité salariale dans les secteurs privé et public et le système de garderie universel pour les francophones.
Les acteurs du milieu de soutien aux femmes s’entendent pour dire qu’il est important pour la femme de pouvoir s’exprimer dans sa langue maternelle quand vient le temps de consulter un médecin, de parler avec une éducatrice concernant les besoins de son enfant ou d’obtenir du support en cas de besoin. D’où l’importance, selon le rapport, des organismes communautaires qui permettent de rejoindre et de mobiliser les femmes francophones dispersées à travers une province et de créer des partenariats avec des organismes d’autres provinces afin de se serrer les coudes et de se faire entendre.