70 ans de CFRG : l’épopée de la radio francophone en Saskatchewan
Si les premières stations de radio sont apparues en Saskatchewan il y a près de 100 ans, les francophones de la province ont dû faire preuve de détermination et de patience pour faire entendre leurs voix sur les ondes. C'est le 1er juin 1952, il y a 70 ans, que la première station francophone en Saskatchewan voit le jour : CFRG.
Au début du 20e siècle, les premières stations de radio saskatchewanaises sont privées et surtout anglophones. Il faudra attendre 1933 pour qu'une programmation bilingue soit diffusée en Saskatchewan grâce à la Commission canadienne de radiodiffusion (CCR).
Or, le partage des ondes entre l’anglais et le français ne se fait pas sans heurts.
Selon les historiens Richard Lapointe et André Lalonde, deux des auteurs du livre 50 ans de radio : Tant de choses à se dire, des groupes tels que les orangistes, les Sons of England et le Ku Klux Klan se mettent à protester contre les émissions françaises ou bilingues du CCR.
L'inauguration de CFRG fait la une du journal La Liberté et le Patriote. (Archives)
Crédits : RADIO-CANADA / MATT HOWARD
Malgré l'arrivée de CBC/Radio-Canada dans la province en 1939, la vaste majorité de la programmation qui y est diffusée demeure en langue anglaise.
La lutte pour la radiodiffusion en français est alors menée par des fers de lance de la société canadienne-française de la Saskatchewan. Parmi ces derniers, on retrouve le chef du secrétariat de l’Association catholique franco-canadienne Antonio de Margerie et l’abbé Baudoux de Prud'homme. Résolus à entendre leurs voix sur les ondes, les francophones prennent eux-mêmes les choses en main.
D’Assiniboia à Wauchope en passant par Bellegarde et Ponteix, des campagnes de financement vont se succéder en 1945 et en 1951. L’objectif : recueillir assez de fonds pour permettre l'ouverture de deux stations pour couvrir la Saskatchewan.
Un moteur culturel
C'est finalement le 1er juin 1952 que CFRG, la première station de radio francophone de la Saskatchewan, voit le jour. Quelques mois plus tard, en novembre, ce sera au tour de CFNS, à Saskatoon, d'ouvrir ses portes.
CFRG s’installe à Gravelbourg. Au premier étage de l'édifice, on retrouve les studios, une vaste discothèque et les bureaux, tandis que des appartements sont à l’étage supérieur. L’émetteur et l'antenne sont installés à quelques kilomètres à l’est du village sur un terrain offert gratuitement par l'agriculteur Roland Pinsonneault.
Dumont Lepage était le gérant de CFRG de 1951 à 1972.
Crédits :COLLECTION DU MUSÉE DE GRAVELBOURG
L’émetteur de CFRG est d’abord limité à 250 watts avant de voir sa puissance augmentée à 5 000 watts en 1956. La portée réelle de CFRG à l'époque demeure toutefois incertaine.
Les auditeurs de CFRG pouvaient écouter des émissions d'actualités locales, mais aussi du contenu culturel et éducatif. Jeanne Beauregard animait une émission destinée aux enfants, Maryvonne Kendergi proposait des émissions culturelles et Marie-Antoinette Papen était au micro d’une émission sur la vie des femmes dans le monde moderne.
« C'était la voix de la communauté », se rappelle André Moquin, un résident de Gravelbourg et ancien employé de CFRG. « C’était un très haut niveau de langue, même si c’était l'accent canadien-français de l'Ouest qu’on entendait. »
Le Fransaskois Michel Vézina explique que certaines des émissions diffusées sur les ondes de CFRG étaient tirées du réseau de Radio-Canada. « L'émission possiblement la plus écoutée à l'époque devait être le hockey, raconte-t-il. Le côté religieux était très présent aussi : CFRG diffusait le chapelet en famille. »
Des soucis financiers chroniques
Pour survivre, la station de Gravelbourg devait vendre des publicités. Un représentant parcourait la province pour vendre du temps d’antenne aux entreprises qui désiraient annoncer leurs produits et services.
Le sociologue Wilfrid Denis note toutefois que « les commandites n’arriveront jamais à combler les déficits ». Même si des levées de fonds sont organisées, les problèmes financiers de CFRG « menacent perpétuellement la survie du poste », explique-t-il.
Maryvonne Kendergi a été animatrice à la station de radio CFRG et professeure d'initiation artistique à Gravelbourg avant de partir pour Montréal, en 1956. Crédits :COLLECTION DU MUSÉE DE GRAVELBOURG
C'est finalement Radio-Canada qui lui viendra en aide à la fin des années 1960. Plus de la moitié des revenus de CFRG à cette époque proviendront de la société d'État, indique Wilfrid Denis.
La loi fédérale sur la radiodiffusion de 1968 donne un nouveau mandat à Radio-Canada, celui de « contribuer au développement de l'unité nationale et d'exprimer constamment la réalité canadienne ». Un changement qui ouvre la porte à l’établissement de bureaux de productions dans toutes les provinces.
En 1972, Radio-Canada achète la radio de Gravelbourg. CFNS, à Saskatoon, sera également vendue au diffuseur public. Les profits de cette vente seront investis dans un nouvel organisme, la Fondation de la radio française, qui promet d'offrir des bourses aux étudiants et aux organismes culturels francophones de la Saskatchewan. En 1997, cet organisme deviendra la Fondation fransaskoise.
La radio, un média de proximité
« Depuis que les francophones sont établis en Saskatchewan, il y a toujours eu cette question de survie de la langue et de la culture, raconte Michel Vézina. Il faut développer tous les moyens possibles, de la radio à la télévision et à l'internet parce qu'on n'a pas un environnement qui favorise le français. »
« On vit dans une mer d'anglophones, ponctue André Moquin. La radio permet aux gens de se rejoindre, de s'entendre, de combler cette distance. C'est important et de plus en plus important à cause des médias sociaux. »
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