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Chronique environnement

Le langage secret des spermophiles

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Spermophile de Richardson (gopher)
Le 22 juillet dernier, Radio-Canada rapportait une hausse de la population des spermophiles de Richardson, communément appelés « gophers », au centre Wascana de Regina ce qui donne du fil à retorde aux employés de l’entretien. Le temps chaud et sec aurait favorisé la hausse de la population selon les employés du parc qui s’efforcent de rendre la cohabitation avec les usagers la plus sécuritaire possible. Ces écureuils terrestres, bien qu’indésirables dans les champs, font partie de l’écosystème des Prairies et sont un sujet d’étude fascinant pour certains chercheurs canadiens.

Vous êtes-vous déjà demandé ce que pouvaient bien se raconter les spermophiles de Richardson, lorsqu’ils nous observent par le trou de leur tanière? Eh bien le Dr. James F. Hare et son équipe à l’Université du Manitoba ont consacré nombre d’années de recherche à décoder les différents sons émis par ces petites bestioles de la prairie canadienne.

Tout d’abord, il faut décortiquer leurs cris. Généralement, les spermophiles s’expriment par des sifflements aigus ou des gazouillis à amplitude variable. Cependant, ils peuvent aussi faire varier la tonalité vers ce qui ressemble plutôt à un gazouillis étouffé. Ce sont ces modulations appelées « chuck » qui permettent au membre de distinguer qui a émis le cri d’alerte. Les sifflements sont utilisés pour signaler la présence d’un prédateur terrestre ce qui provoque une vigilance accrue des écureuils. Les écureuils se placent alors debout et aux aguets. Par opposition, les gazouillis vont indiquer un prédateur aviaire et les écureuils vont se réfugier dans leur terrier. L’addition d’un étouffement, permet d’ajouter de l’urgence dans le cri et provoque une réaction de vigilance de plus longue durée qu’un appel sans étouffement. Les chercheurs ont même dépisté des populations produisant des ultrasons, inaudibles à notre oreille, à l’approche de prédateurs humains. Il est suggéré que ce serait un mécanisme pour déjouer les fermiers voulant se débarrasser des bêtes fouisseuses.

Les spermophiles tirent avantage d’une colonie plus populeuse car ils sont capables de juger du degré de danger en fonction du nombre de cris d’alerte émis pendant un laps de temps. Plus de cris veut probablement dire un prédateur plus près de nous. Le gazouillis étouffé aurait pour deuxième fonction de positionner celui qui donne l’alerte par rapport aux autres. De ce fait, les spermophiles seraient en mesure de trianguler la position d’un prédateur sans même avoir à regarder, en se fiant à leurs compères. Cette hypothèse est testée à l’aide d’enregistrements sonores joués dans les champs et déclenchant des réactions différentes en fonction de l’emplacement de la source sonore. Si le son d’un prédateur se rapproche, la fréquence et le positionnement des cris d’alerte vont informer l’individu de la position du prédateur et celui-ci pourra prendre la décision de se cacher ou de poursuivre ses activités.

Vivre en colonie veut dire partager un espace restreint avec ses frères et sœurs mais aussi ses cousins et autres inconnus. L’équipe du Dr. Hare a également testé si l’effort de surveillance et d’alerte était plutôt dirigé vers la protection de membres d’un clan que pour l’ensemble de la colonie. Ils n’ont pas relevé de différence entre l’effort d’alerte en présence ou non de membres proches ce qui indiquerait un système d’altruisme pour l’ensemble de la colonie.

Gare aux écureuils qui crieraient au loup. En effet, les spermophiles ont une excellente mémoire en ce qui a trait à la fiabilité des individus dans leurs cris d’alerte. En envoyant des faux signaux de prédation près des colonies, les chercheurs ont montré que lorsqu’un individu émet trop de fausses alertes, les autres membres vont avoir tendance à l’ignorer dans le futur. Les membres adultes d’une colonie vont aussi ignorer les cris des juvéniles inexpérimentés et souvent trop prompts à relâcher des cris d’alarme. Ce même système de fiabilité existe chez les primates. Cela contribuerait à améliorer la performance du groupe en discriminant les mauvaises alertes minimisant les entrées et sorties de la tanière ce qui permet de consacrer plus de temps à s’alimenter par exemple.

Malgré leur petit air innocent, une intelligence se cache dans le langage intriguant des spermophiles de Richardson. En attendant l’hiver, soyez vigilants en marchant dans les parcs pour ne pas tomber dans une tanière et profitez-en pour avoir une petite conversation sifflée avec les petits rongeurs.

Merci à Kevin Bairos-Novak, étudiant à la maîtrise à l’Université de la Saskatchewan pour l’information et les références


Sources

Pour explorer leur habitat
http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/797957/camera-360-spermophile-richardson-gopher

Hausse de population à Régina
http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1046693/population-hausse-spermophiles-rongeurs-parc-wascana-regina-trous

Publications du Dr. Hare et son équipe
http://www.umanitoba.ca/Biology/research/publications/hare/

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