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Chronique environnement

La pie qui pleure

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Rituel funéraire des pies

Rituel funéraire des pies

Saskatoon, juillet 2013. La caméra de Guy Odishaw est centrée sur une pie d’Amérique, inerte sur la route. Pas de doute, l’animal est mort, vraisemblablement fauché par une voiture. L’image a de quoi attrister mais, malheureusement pour les automobilistes chevronnés que nous sommes, ceci est loin d’être un cas isolé.

L’intérêt de la vidéo est ailleurs. Très rapidement, d’autres pies se rassemblent et se mettent à crier en entourant l’animal défunt, dans ce qui s’apparente à une cérémonie funéraire d’adieu. Difficile de ne pas virer à l’anthropomorphisme en visionnant la fin de la vidéo où une pie reste seule, piquant avec délicatesse le cadavre et criant vers le ciel comme si la réalité était trop dure à encaisser.

Dr Bekoff, professeur d’écologie et de biologie de l’évolution  à l’Université du Colorado, a également été témoin d’une cérémonie funéraire chez des pies d’Amérique, allant jusqu’à voir des pies déposer de l’herbe autour de leur congénère et veiller sur lui pendant plusieurs secondes.

Si ces comportements sont bien souvent plus perceptibles chez nos animaux de compagnie, il est toujours difficile d’imaginer des animaux sauvages s’adonner à un deuil ou des rites funéraires quand on sait que toute dépense d’énergie est diaboliquement calculée pour se déplacer, se nourrir ou se reproduire. Alors que pourrait bien être l’avantage évolutif – si ce n’est impératif – d’afficher son chagrin ?

Si Aristote fut l’un des premiers à penser que les animaux pouvaient avoir une âme, il était néanmoins convaincu qu’elle était plus faible que celle de l’homme car ils ne ressentaient pas d’émotions, le deuil étant réservé aux humains !

Aujourd’hui, nos connaissances ont changé et il a été largement observé que des animaux non humains de diverses espèces présentent un comportement affectif à la suite de la mort d'un sujet proche. Bien souvent, les réponses des animaux à un décès sont différentes des nôtres, donc incomprises. Néanmoins, certaines espèces ont des rites funéraires particulièrement orchestrés et similaires aux nôtres. Les éléphants vont par exemple jusqu’à couvrir le mort de branches et de poussière, manipulant les ossements avec la plus grande précaution.

Des chercheurs ont montré que le deuil apparaissait plus souvent chez des espèces à stratégie « K », à savoir des espèces animales présentant une espérance de vie relativement longue et une reproduction rare et tardive, plutôt que chez des espèces à stratégie « R » misant quant à elles sur la production d’un grand nombre de jeunes le plus tôt possible, mais présentant une mortalité élevée.

Éléphants contre souris, baleines contre lapins… Chez les espèces à stratégie « K », le lien maternel représente l’un des liens les plus forts dans le monde naturel. Le deuil aiderait alors à créer un lien entre les membres du groupe et, par défaut, à renforcer la nécessité d’assurer la sécurité des jeunes.

Il n’est pas facile de démêler la complexité des questions relatives au deuil des animaux. Le deuil restant une émotion personnelle, il revêt ainsi toujours une part de mystère. 

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