Alors que le pays a souligné la Semaine contre la violence faite aux femmes du 25 novembre au 10 décembre, peu de choses se sont passées en Saskatchewan, pourtant la province la plus concernée par le sujet.
Selon la Gendarmerie royale du Canada (GRC), la Saskatchewan a connu une hausse des cas de violence familiale et conjugale en 2023.
En effet, chaque mois de l’année dernière, la GRC a recensé 718 victimes de violences familiales et conjugales en moyenne dans la province.
Ces données placent la Saskatchewan en tête des provinces, devancée seulement par les territoires.
Une situation qui inquiète Jo-Anne Dusel, directrice générale de l'Association provinciale des maisons d'hébergement pour femmes de la Saskatchewan (PATHS).
« Le taux de violence rapportée à la police, dont les féminicides, a augmenté à travers le pays ces dernières années », se désole-t-elle.
Les zones rurales plus touchées
Plusieurs facteurs pourraient expliquer une telle hausse selon la directrice, qui cite « une réaction de rejet mondiale contre les droits des femmes, la normalisation de la misogynie, surtout sur internet, les conditions économiques et le manque de logement accessible ».
En Saskatchewan, la situation est d’autant plus difficile en milieu rural où l’accès aux logements de secours ou à long terme est limité.
« Les taux de violence conjugale sont plus élevés dans ces régions, souligne Jo-Anne Dusel. Les normes de genre et les valeurs traditionnelles peuvent masquer la violence familiale et dissuader les victimes de parler ou quitter le foyer. »
« Beaucoup plus de travail de prévention doit être fait », réclame la directrice de PATHS.
« Les interventions préventives peuvent empêcher l’escalade des abus. Il faut aussi améliorer les services pour les personnes qui sont à risque de perpétrer la violence dans leurs relations. Et on devrait se pencher sur notre système de justice… »
En Alberta, la police a le droit de retirer le partenaire abusif du foyer et de laisser la garde des enfants et du logement à la victime, ce qui n’est que très rarement le cas en Saskatchewan, regrette Jo-Anne Dusel.
Quelle action gouvernementale ?
Pour rendre le sujet visible, les autorités disent célébrer les Seize jours d’action contre la violence genrée, « un moment pour amplifier les voix et agir pour mettre fin à toutes formes de violence », souligne le Bureau de la condition féminine du gouvernement provincial.
La ministre responsable, Alana Ross, interrogée par L’Eau vive, assure : « Notre gouvernement est engagé dans le soutien aux survivants et dans la lutte contre le cycle de la violence. »
Pour preuve de sa bonne volonté, la femme politique met de l’avant la mise en œuvre du Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe.
« Nous continuons de nous concentrer sur la sécurité et le bien-être des femmes afin que la Saskatchewan puisse se libérer de la violence basée sur le genre », dit-elle.
« Chaque instance de violence genrée est inacceptable. Notre gouvernement s’engage à investir dans la prévention, l’intervention et l’imputabilité des personnes qui perpétuent de tels actes. Nous devons avancer vers une société qui assure un avenir sécuritaire aux femmes et aux filles », ajoute la ministre.
Plus d’argent requis
Malgré la bonne volonté, l’argent manque. Du côté de la communauté fransaskoise, le Regroupement des femmes Entr’Elles demande plus de financement pour offrir des services contre la violence conjugale.
Mais, comme le sujet concerne toute la population, il ne reste bien souvent que des miettes, voire rien du tout, pour l’organisme francophone.
« Il n’est pas facile pour nous de compétitionner avec les autres organismes de la majorité, nous demandons de l’argent depuis plusieurs années », souligne Émilie Lebel, coordinatrice de projets pour Entr’Elles.
Malgré tout, l’organisme suit des formations depuis 2022 via l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC).
« Il y aussi eu des partenariats pour créer des ateliers d’intervention et de prévention et des modules sur les droits de la femme, précise l’agente. En fait, c’est une cause qui touche à plusieurs organismes francophones, pas seulement Entr’Elles. »
Une approche conjointe qui est aussi plébiscitée par l’association PATHS : « Nous devons examiner les attitudes de notre population de façon générale », souligne Jo-Anne Dusel.
Pour ce faire, plus de campagnes de sensibilisation ainsi que des curriculums scolaires adaptés seront nécessaires d’après la directrice. Et, bien sûr, plus de financement gouvernemental.
« Il faut que les organisations d’aide aux victimes soient bien financées. Nous apprécions les initiatives du gouvernement, mais nous aimerions être inclus dans le développement des politiques contre la violence genrée, et nous avons besoin d’un plan d’action spécifique sur la question », précise la directrice de PATHS.
En définitive, des moyens plus ambitieux seront nécessaires pour mettre fin à « l’épidémie de violence contre les femmes », peut-être en regardant du côté d’autres provinces comme le Québec, « qui a investi des ressources considérables ces dernières années pour combattre le problème », ponctue Jo-Anne Dusel.