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L'Écho du bel âge

L'ancien directeur de l'APF inquiet des manipulations démocratiques

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Carol-Guillaume Gagné

Carol-Guillaume Gagné

Après deux ans à la direction de l’Association des parents fransaskois (APF), Carol-Guillaume Gagné a remis sa démission au début de l’année. L’Eau vive a voulu recueillir les raisons qui ont poussé, un deuxième directeur de l’APF à démissionner en deux ans.

EV : Quels défis principaux avez-vous dû relever au cours des deux années à la direction l’APF ?
CGG : J’ai eu assez rapidement des défis budgétaires, une fois le grand projet Le Canada c’est Moi terminé. Pour défendre les droits des parents, on manque souvent de financement.

On a, quand même, réussi de beaux partenariats avec la Société historique de la Saskatchewan et avec les Centres éducatifs pour la petite enfance (CEPE). Après avoir été à la fondation du système scolaire fransaskois, l’APF devait consolider les CEPE. Nous y avons travaillé très fort. Mais quand le fédéral a annoncé un financement important dans le domaine, le Conseil des écoles fransaskoises (CÉF) s’est montré intéressé.

Le Ministère nous avait reconnus comme étant les porteurs du dossier. Nous avons commencé ensuite à discuter avec le CÉF. En mai 2018, le CÉF a embauché des consultants pour développer un protocole d’entente pour travailler ensemble. Leurs consultants ont déposé ce protocole lors d’une rencontre, le 26 juin, sans que les CEPE, ni l’APF n’aient pu le voir avant. Les directions des CEPE ont alors demandé plus de temps pour l’étudier. On a eu jusqu’à la fin août, mais on n’était pas prêt. Alors ce qu’on a fait, c’est développer un protocole d’occupation des locaux et un autre pour la collaboration école-CEPE. C’est toujours en cours. Je ne sais pas où c’en est maintenant.

EV : Certaines personnes affirment qu’il y a eu un coup de force à l’AGA de novembre 2018. Que s’est-il passé ?
CGG : On a avait six postes vacants pour les élections. Le conseil d’administration a donc fait des démarches pendant plusieurs mois pour recruter des volontaires qui collaborent déjà avec l’APF. Nous avions donc trouvé nos candidats pour former un conseil d’administration de gens compétents et surtout qui connaissaient bien l’APF.

À ma grande surprise, à l’AGA, un groupe d’une trentaine de personnes est arrivé en plein milieu de l’assemblée pour venir voter. Ces gens n’ont même pas participé au reste du symposium. Notre équipe n’avait jamais vu ces gens avant. Ils ne connaissaient pas l’APF, ni ne participaient à nos activités. Certains n’étaient même pas des parents. En plus, il y a eu une demande que des éducatrices, qui étaient en formation durant le symposium, soient invitées à venir pour le vote. On avait donc une soixantaine de nouvelles personnes qui sont venues juste pour voter. Tout cela a ralenti le déroulement de l’assemblée. Il a fallu toutes les inscrire. Certaines en venant s’inscrire me disaient qu’il venait voter pour telle ou telle personne. Ça m’a questionné énormément sur leur motivation à venir voter.

Il y a des gens qui ont été transportés jusqu’à l’AGA uniquement pour venir voter pour telle ou telle personne. J’ai vu un cadre d’une institution fransaskoise déchirer son bulletin de vote pour en donner un bout à une autre personne. Voyons donc! On bafoue les règles démocratiques d’une organisation.

Finalement, les volontaires que nous avions recrutés n’ont pas été élus sauf une dans le nord de la province. Je me suis donc retrouvé avec un conseil de quatre personnes du sud de la province qui ne connaissaient rien à l’APF.

EV : Est-ce un facteur dans votre décision de démissionner ?
CGG : J’étais assez découragé. Quand tu as un nouveau conseil d’administration qui arrive et une nouvelle présidence, il faut les former et les sensibiliser à notre planification stratégique, c’est très lourd. Ça prend beaucoup de temps faire cela sans compter que j’étais déjà débordé par la tâche même de direction de l’association. Ça m’a découragé. Je commençais vraiment à manquer d’énergie. Je ne voyais plus ma famille qu’une fin de semaine par mois, le reste du temps j’étais au bureau, en congrès, en meeting, en formation, etc, etc.

Cette assemblée générale a vraiment été la goutte qui a fait déborder le vase. Je ne pensais plus que j'avais l'énergie pour cela.

EV : Comment réagissez-vous au fait que des nouveaux-venus se mobilisent ainsi pour prendre le contrôle d’un organisme ?
CGG : Ce qui m’inquiète le plus, c’est que les enfants et les petits-enfants des Fransaskois qui se sont battus pour que l’on reconnaisse leurs droits scolaires, s’impliquent beaucoup moins que leurs parents.

Il y a, selon moi, une incroyable défection du tronc commun des francophones. Quand on regarde la démographie de la communauté fransaskoise, il y a à peu près 88 % des Fransaskois qui sont de deuxième ou troisième générations en Saskatchewan. Ils veulent faire partie d’une communauté stimulante et plaisante, ils ne veulent pas la politicaillerie. Je sais que des parents engagés ont été vraiment déçus par la tournure de cette assemblée. Je me demande s’ils vont continuer à s’impliquer. J’en doute.

Tout cela m’inquiète énormément. C’est super que les nouveaux arrivants participent, mais il ne faut surtout pas abandonner les 2e et 3e générations. Ces gens connaissent bien le milieu, ils ont des compétences professionnelles pour renforcer nos associations. Les exclure ainsi c’est vraiment dommage. On est malheureusement en train de perdre la majorité de nos francophones et sans compter tous les jeunes de l’immersion.

EV : Qu’allez-vous retenir de votre séjour en Saskatchewan ?
CGG : Il y a des personnes en Saskatchewan qui m’ont profondément marqué. Je ne pourrais jamais enlever de mon coeur la fransaskoisie. Je garderai toujours en tête ma connexion avec la Saskatchewan. Ma famille est encore là. Ils vont me rejoindre progressivement, le temps que mes enfants finissent leurs études.

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