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Le 7e art - chronique cinéma

Le Musée des objets perdus

Le Musée des objets perdus
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Le Musée des objets perdus, publié aux Éditions de la nouvelle plume, 2024

Tableau 7 (extrait)

(…)

FRANK

J’avais pas eu de fun comme ça depuis longtemps.

JULIE-ANNE

Non. Moi non plus… Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?

FRANK, se dirigeant vers les boutons

C’est quoi ce bouton-là ? Il me semble qu’y’était pas là tantôt.

Il appuie sur l’interrupteur et la chanson de Serge Reggiani « Les Objets perdus » résonne dans la pièce. Julie-Anne invite Frank à danser et ils dansent tout doucement, un slow collés-collés.

(Lorsque la chanson se termine, ils restent enlacés.)  

JULIE-ANNE

Oh que c’est beau.

FRANK

Oui. Pauvre Serge Reggiani.

JULIE-ANNE

Y’a perdu beaucoup de choses… pis même sa Marie.

FRANK

Pis il les voit toujours dans sa tête. Pis moi je t’ai pas perdue.

JULIE-ANNE

Pis moi aussi. Pis moi non plus.

(Ils cessent de s’enlacer, mais se tiennent par la main.)

FRANK

Qu’est-ce que tu vois toi ? Dans ton musée des objets perdus ?

JULIE-ANNE

Je vois ma tuque bleue et rose.

FRANK

Ah oui ! Tu l’avais lancée en l’air quand j’avais gagné la course de tacot au Cégep. Tu t’en souviens ?

JULIE-ANNE

Comment oublier ça ? Je la verrai toujours, cette super tuque qui a disparu dans les airs. Qui est retombée dieu sait où. J’ai jamais pu la retrouver.

FRANK

Qu’est-ce tu vois d’autre ? Dans ta tête ? Dans ton musée des objets perdus ?

JULIE-ANNE

Je vois… je vois… Notre innocence. Nos rêves encore frais.

FRANK

Nos rêves d’inconnu et de merveilles, notre enthousiasme naïf.

JULIE-ANNE

On a tous un musée des objets perdus. Dans la vie on perd tout. Éventuellement.

FRANK

Y compris la capacité de s’émerveiller.

JULIE-ANNE
Mais pas nous.

FRANK

T’as raison. Nous ça, la capacité de s’émerveiller, on va pas la perdre. Jamais.

(Silence)

Qu’est-ce que tu vois maintenant dans ton musée des objets perdus ?

 

JULIE-ANNE

Je vois un livre sur le Douanier Rousseau que je regardais souvent le soir avant d’aller me coucher quand j’étais ado. Qu’est-ce que j’ai faite avec ce livre-là ? Y’a disparu sans que je m’en rende compte.

(Silence)

Pis toi ? Dans ta tête ? Dans ton musée des objets perdus ?

FRANK

Moi, je vois mon sac de couchage oublié queque part dans les Rocheuses. Je l’ai tellement regretté. C’était le meilleur sac de couchage que j’ai jamais eu.

JULIE-ANNE

Je vois toutes les lettres que j’ai écrites à ma mère. Quand on a vidé la maison, je les ai jetées.

FRANK

Ça existe pu des lettres. T’aurais peut-être pas dû les jeter. C’est tellement dommage. Qu’est-ce que tu vois d’autre ?

JULIE-ANNE

Je vois le foulard de laine qu’Olga m’avait tricoté.

FRANK

Peut-être que quelqu’un l’aime quelque part ton foulard.

JULIE-ANNE

Peut-être qui est enroulé autour du cou d’un clochard.

FRANK

Ou de son chien.

JULIE-ANNE

Son chien labrador.

FRANK

Avec un œil qui coule.

JULIE-ANNE

Pauvre chien.

FRANK

Mais y est aimé, alors il est peut-être pas si pauvre que ça.

JULIE-ANNE

C’est vrai ça. Le clochard l’aime son chien !

FRANK

Pis nous aussi on l’aime… même si c’est un chien imaginaire.

JULIE-ANNE

Surtout parce que c’est un chien imaginaire…

(Silence)

Qu’est-ce tu vois maintenant ?

FRANK

Je vois quand on dansait dans le salon avec la gang. J’me demande… Il est où le tapis jaune qu’on roulait pour mieux danser ?

JULIE-ANNE

J’sais pas. On a dû s’en débarrasser quand on a déménagé. Quelqu’un l’a peut-être acheté dans un magasin d’occasion.

FRANK

Disons un gars qui allait vivre en appartement.

JULIE-ANNE

Pour la première fois.

FRANK

Y sait pas encore comment c’est merveilleux de se souvenir d’un premier appart.

(…)

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