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Le Commissariat aux langues officielles épingle l’aéroport de Winnipeg

Le Commissariat aux langues officielles épingle l’aéroport de Winnipeg
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FRANCOPRESSE – Selon un rapport préliminaire d’enquête du Commissariat aux langues officielles dont Francopresse a obtenu copie, l’Administration aéroportuaire de Winnipeg ne respecte pas toutes ses obligations en matière de bilinguisme qui sont prévues dans la Loi sur les langues officielles. Sur les 26 plaintes déposées, le commissaire a jugé que 25 étaient fondées.

Les plaintes déposées au Commissariat aux langues officielles (CLO) entre le 1er septembre 2020 et le 31 aout 2021 contre l’Administration aéroportuaire de Winnipeg (AAW) portent sur la signalisation, les services et la communication fournis par l’aéroport international James-Armstrong-Richardson de Winnipeg.

Le Commissariat a mené une enquête pour déterminer si l’AAW respecte les obligations linguistiques stipulées dans la Loi sur les langues officielles (LLO), qui s’applique aux communications avec le public, mais aussi à la prestation de services.

L’enquête a aussi examiné si le Règlement sur les langues officielles — communications avec le public et prestations des services, qui précise dans quelles circonstances une institution fédérale est soumise à certaines obligations de la LLO, a été respecté.

Le fonctionnement d’une plainte
Lorsqu’une personne constate une violation de ses droits linguistiques dans un organisme assujetti à la Loi sur les langues officielles (institutions fédérales, mais aussi dans certaines entreprises privées comme Air Canada), elle peut porter plainte auprès du Commissariat aux langues officielles.Généralement, les plaintes recevables mènent à des enquêtes réalisées par le commissaire aux langues officielles auprès d’institutions fédérales ou à des recours judiciaires.Au terme de l’enquête, le Commissariat rédige un rapport préliminaire, que les parties concernées sont invitées à commenter. Un rapport final vient par la suite conclure l’enquête.

 

Restauration et boites vocales

Le rapport du Commissariat précise que, conformément à ces mesures législatives, «l’ensemble des communications et des services assurés par l’AAW à l’intention du public (y compris du public voyageur), tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’aéroport, doivent être fournis simultanément dans les deux langues officielles et être de qualité égale en français et en anglais». Des dispositions s’appliquent également à la communication sur les plateformes de médias numériques. Or, le Commissariat a conclu que l’AAW avait failli à ses obligations.

Les plaignants ont, entre autres, remarqué des manquements à la loi dans les aires de stationnement, aux guichets automatiques bancaires, dans les services de location de voiture et de restauration. Des panneaux, des affiches, des menus et des inscriptions n’étaient qu’en anglais, tout comme des parties du site Internet de l’aéroport et certaines de ses publications sur les réseaux sociaux.

«Sur le site Internet, le logo et le nom même de l’aéroport sont encore en anglais, ainsi que les adresses URL», remarque Jonathan Savard, plaignant et juriste spécialisé en droits linguistiques.

Pourtant, la Loi sur les langues officielles s’applique également au nom de domaine dans une adresse URL. Jonathan Savard s’était aussi plaint de publications rédigées exclusivement en anglais sur Twitter et Instagram.

«J’avais aussi pu remarquer que certaines boites vocales étaient seulement en anglais lorsqu’on téléphone à l’aéroport, au service de clientèle ou au service média», poursuit le plaignant.

À noter que le message d’accueil de la boite vocale de la personne responsable des langues officielles est à ce jour toujours en anglais!

En réponse, l’AAW «a affirmé que chaque message d’accueil dans la boite vocale des numéros destinés au public est bilingue depuis décembre 2021. Cependant, elle a signalé que le message du numéro pour les médias et des numéros des employés qui ne servent pas le public ne seront pas modifiés. Si une personne laisse un message en français, l’AAW la rappellera et la servira dans la langue officielle de son choix», peut-on lire dans le rapport préliminaire.

Or, le Commissariat rappelle que la boite vocale et les services téléphoniques constituent des communications au public et doivent être accessibles dans les deux langues officielles.

Toutefois, l’AAW a signalé au Commissariat «qu’elle examine actuellement la situation et qu’elle explore la possibilité d’afficher les URL en français. Elle a aussi affirmé qu’afin d’améliorer sa prestation de services dans les deux langues officielles, elle a ajouté un nouveau poste au sein de son équipe de communication qui exige la maîtrise du français et de l’anglais», stipule le rapport.

Mesures proactives ou solutions coercitives?

«Les violations que les plaignants ont trouvées ne sont pas des violations cachées ou difficiles à trouver», observe Jonathan Savard.

Pour lui, les problèmes liés aux moyens de communication pourraient être facilement résolus. «Je ne sais pas si ça existe, mais si une personne avait pour mandat, une fois par mois par exemple, de prendre le temps de faire le tour de tous les menus sur Internet, d’aller faire un tour à l’aéroport, etc. Cela pourrait régler déjà pas mal de choses. Ce n’est pas normal que l’aéroport ne prenne pas de mesures proactives.»

Reste la question du personnel, plus difficile, mais pas impossible à résoudre selon le juriste. «Les aéroports évoquent souvent la pénurie de main-d’œuvre, mais dans ces villes-là, il y a des francophones. Les aéroports pourraient aussi faire des formations linguistiques pour apprendre le français.»

Mais pour le plaignant, la route pour parvenir à un respect total du bilinguisme est encore longue. «Les mesures ne sont pas encore suffisantes. Cela va se reproduire, notamment dans les restaurants.»

«L’institution indique dans le rapport qu’elle va rappeler aux tiers leurs obligations, mais il faudrait qu’au-delà des contrôles et des rappels, il y ait vraiment des pénalités, juge Jonathan Savard. Sinon ça ne fonctionne pas […] Les aéroports interprètent très différemment la Loi sur les langues officielles pour essayer de minimiser leurs obligations linguistiques.» Du moins jusqu’à ce qu’il soit question d’argent.

Le juriste cite l’affaire Michel Thibodeau. En avril 2022, la Cour fédérale a condamné deux aéroports en Alberta et à Terre-Neuve à payer près de 20 000 $ au plaignant pour des violations à la Loi sur les langues officielles.

Selon lui, cette décision montre la nécessité de ce type de recours. Les recommandations ne suffisent pas. «Le seul moyen de leur faire respecter la Loi, c’est l’argent malheureusement.»

La situation s’améliorera-t-elle?

 «En tant qu’institution fédérale, l’AAW doit s’assurer de tenir compte de façon croissante et proactive des besoins des Canadiens francophones dans le cadre des communications et des services destinés au public», précise le commissaire aux langues officielles.

Le rapport souligne néanmoins les efforts déployés par l’institution pour se conformer à la Loi et reconnait les difficultés auxquelles est confrontée l’industrie des voyages aériens en raison de l’actuelle pandémie de COVID-19.

L’Administration aéroportuaire de Winnipeg a de son côté assuré à Francopresse qu’elle «s’engage à fournir des services aux voyageurs et aux visiteurs de l’aéroport international Richardson de Winnipeg dans les deux langues officielles».

Elle a cependant déclaré ne pas pouvoir «en ce moment» commenter le rapport préliminaire : «Nous l’avons reçu la semaine dernière et sommes encore en train de l’examiner», a-t-elle fait savoir à la rédaction.

«On espère que l’aéroport va corriger les violations une bonne fois pour toutes et surtout qu’il y aura des opérations de suivi pour que cela ne se reproduise pas, pour qu’on puisse avoir des services auxquels on a droit», conclut Jonathan Savard.