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Bien dans sa langue, bien dans sa peau

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REGINA - Plus qu’un moyen de communication, la langue affecte toutes les sphères de la vie, de l’intimité à la collectivité. Les deux chercheuses de l’Université de Regina Anna-Leah King et Andrea Sterzuk ont dévoilé le 22 janvier à la Cité francophone les résultats de leur étude sur la réappropriation de la langue autochtone anishinaabemowin. Elles se penchent ainsi sur les multiples facettes d’un héritage linguistique qui va bien au-delà des mots.

Depuis deux ans, Andrea Sterzuk et sa collègue Anna-Leah King, toutes deux professeures adjointes au baccalauréat en éducation, mènent un projet de recherche en matière de revitalisation linguistique et culturelle au sein de la Première Nation de Keeseekoose. Se fondant sur un modèle de transmission mentors-apprentis, l’expérience, profondément humaine, est avant tout centrée sur les besoins de la communauté.

« Ce sont les membres de Keeseekoose qui nous ont approchées, ainsi que l’université, notamment Cheryl Quewezance dont vient l’idée d’implanter ce modèle d’apprentissage oral. C’est un réel privilège de participer à ce projet, d’assister à cette expérience et d’étudier sur le terrain ses bienfaits », indique Mme Sterzuk avec grand enthousiasme.

La langue au service du mieux-être

Les deux chercheuses le constatent : les bienfaits sont nombreux, autant pour les mentors que pour les apprentis. Parmi eux, un sentiment de fierté, d’espoir et de rapprochement. L’un des apprentis aurait déclaré que, grâce à cet apprentissage, il avait retrouvé son identité. Les mentors, eux aussi, disent se sentir bien et compris lorsqu’ils peuvent s’exprimer dans leur langue maternelle avec d’autres locuteurs, ce qui contribue à briser l’isolement et le sentiment de solitude.

Le bien-être, individuel et collectif, est d’ailleurs au cœur de l’étude menée par les deux chercheuses. « Les liens positifs entre la langue, la culture, le sentiment de mieux-être et l’état de santé ont déjà été établis par la recherche. Dans le prochain volet de l’étude, nous allons nous pencher plus précisément sur ces questions. »

Sauver le patrimoine linguistique

Les langues sont aussi vivantes qu’en péril. Une langue disparaît toutes les deux semaines d’après le Commissariat aux langues officielles. D’autant plus que la transmission linguistique repose parfois sur l’oralité comme seul flambeau d’une génération à l’autre.

C’est ce qui interpelle le plus Jean Dufresne, spécialiste de l’apprentissage des langues et directeur du baccalauréat en éducation à l’Université de Regina, présent à la conférence. « L’écrit occupe une place tellement importante dans nos vies, c’est un outil de connaissance indispensable, cela représente un énorme défi pour une langue de devoir compter uniquement sur la transmission orale. L’enfant apprend de cette manière, par l’écoute, mais l’adulte, lui, tend à s’appuyer sur l’écrit. »

Difficile, certes, mais pas impossible. Surtout lorsque cette langue n’est pas uniquement une façon de s’exprimer, mais aussi une façon d’être qui fait partie intégrante d’une culture qui, elle, n’a pas dit son dernier mot. « Même s’il n’y a pas de ressources, pas de livres ni d’écoles, la langue est encore bien ancrée dans les traditions entourant les cérémonies et les rituels de la communauté », précise la chercheuse Andrea Sterzuk.

Un pas vers la réconciliation

L’universitaire explique que les piliers du savoir sont les gardiens de la langue et de la culture, des aînés qui ont réussi à préserver, malgré l’isolement et les interdits, une langue, un mode de vie qui leur ressemblent. « Nous avons aussi, en tant que chercheuses, une responsabilité : celle de nous engager dans la revitalisation des langues autochtones, qui, autrement, risquent de disparaître », souligne Andrea Sterzuk.

Pour Jean Dufresne, cette expérience est un pas vers la réconciliation. « Cette approche est une façon de laisser aux Premières Nations le soin de décider comment elles veulent transmettre leur langue et leur culture. Du point de vue des chercheurs, cela prend courage et humilité, car il faut s’ouvrir à l’autre, se laisser porter par l’expérience et abandonner son besoin de tout savoir, faire confiance et accepter de perdre le contrôle. »

Une vidéo a même été réalisée par Pete Kytwayhat, un étudiant en cinéma à l’Université de Regina et membre de la Première Nation de Makwa Sahgaiehcan, mettant en scène l’expérience des mentors et des apprentis dans le cadre du projet de recherche.

Anoogeemin: Stories of Anishinaabemowin Reclamation

Created on Treaty 4 by filmmaker Pete Kytwayhat, this video contains cultural knowledge and language reclamation stories from members of Keeseekoose First Nation, a 2200 member Saulteaux band in Saskatchewan, Canada. Since January 2018, four language mentors and four language apprentices have been working together to reclaim their language - Anishinaabemowin. The project has also grown to include community language camps.