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Budget fédéral : des appuis au journalisme local et aux médias en milieu minoritaire

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Hélène Eddie

Hélène Eddie

Le gouvernement n’a pas retenu les solutions proposées par les médias francophones, selon la chercheure Marie Hélène Eddie, de la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques de l’Université d’Ottawa.
Photo : Gracieuseté
Le budget du 2 aux Communes le 27 février prévoit deux nouvelles initiatives pour aider la presse en difficulté. Une aide nationale de 50 millions sur cinq vise le journalisme local. L’autre vise les médias en milieu minoritaire dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles 2018-2023, lequel comprendra 400 millions de nouveaux fonds.

« Le gouvernement comprend les défis auxquels sont confrontées les communautés de langue officielle », souligne l’énoncé budgétaire de 300 pages. Les investissements qui s’ajouteront au milliard du plan 2013-2018 porteront sur l’immigration, l’éducation, la petite enfance, la justice, les activités artistiques et culturelles, ainsi que les radios et journaux.

La veille du budget, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada a menacé de mener une campagne contre les libéraux lors des élections fédérales de 2019 si les communautés ne recevaient pas les 575 millions supplémentaires exigés pour compenser dix ans de stagnation. L’organisme s’est buté depuis l’élection de 2015 au refus du premier ministre Trudeau d’une rencontre face à face.

« Sur les investissements, 400 millions, ça paraît bien, a déclaré le président Jean Johnson. C’est bien sûr encourageant que le budget parle spécifiquement des communautés, ça fait des années que ça ne s’est pas produit. Mais il reste à voir quelle part ira spécifiquement aux organismes et aux institutions francophones sur le terrain qui en ont cruellement besoin. »

L’approche fédérale en matière d’aide aux médias rassure Marie Hélène Eddie, doctorante en sociologie à l’Université d’Ottawa, qui étudie le journalisme au sein des minorités de langue officielle.

Un tiers des radios et journaux en péril

« On sait que tous les médias sont dans une situation difficile, mais que les médias en milieu minoritaire sont dans une situation particulièrement délicate. Le gouvernement semble comprendre l’urgence de la situation, que l’aide n’a pas besoin de viser tous les médias de façon égale. »

Entre 2009 et 2015, environ 43 % des emplois liés à la presse écrite au Québec auraient disparu, ainsi que 27 quotidiens et 275 hebdomadaires. Un tiers des 50 radios et journaux en milieu minoritaire seraient en péril et il n’est pas évident que les mesures annoncées changeront la donne. On attend la répartition en mars des sommes promises dans le prochain plan d’action.

« Ce que demandent les médias communautaires, incluant la presse régionale anglo-québécoise, est modeste, déclarait en décembre le secrétaire général de l’Alliance des radios communautaires, François Côté. Si on accordait les 4,7 millions qu’on demande par année, on pourrait y arriver. On est loin des 650 millions ce que le gouvernement a investi dans Radio-Canada. »

Selon le budget Morneau, les 10 millions par année dispensés à l’échelle nationale seront versés « à une ou plusieurs organisations non gouvernementales indépendantes qui soutiendront le journalisme local dans les communautés mal desservies. Il pourrait s’agir de nouveaux moyens, pour les journaux, d’innover et d’obtenir le statut d’organisme de bienfaisance en tant que fournisseur de journalisme à but non lucratif, compte tenu de leurs services dans l’intérêt du public. »

Le statut d’organismes de bienfaisance

Marie Hélène Eddie est favorable à l’idée que l’aide transite par des structures indépendantes. « Le gouvernement avait suggéré qu’il ne financerait pas les modèles qui ne sont pas viables, ce qui avait beaucoup inquiété les médias, pour qui le virage numérique n’est pas rentable, du moins pour le moment. »

Que le fédéral accorde de l’argent par le biais de tiers, soutient-elle, signifie notamment que « les médias perçus comme ayant du mal à s’adapter ne seront pas pénalisés. »

La chercheuse déplore qu’Ottawa n’ait pas retenu les solutions proposées par les groupes de presse. « On ne parle pas du fonds d’aide aux périodiques, ni du crédit d’impôt qui bénéficie aux géants comme Facebook et Google, ni des publicités fédérales, toutes des mesures proposées par les médias pour remédier à la situation. »

Le président de l’Association de la presse francophone, Francis Sonier, déplore que la question des annonces fédérales n’ait pas été mentionnée. « C’est essentiel pour les journaux et c’est une question qu’on va continuer à soulever. »

Le porte-parole se dit toutefois encouragé par les priorités du gouvernement. « Quand on mentionne les journaux deux fois dans un budget, c’est important. Ça veut dire qu’on a été entendus et que les journaux sont essentiels pour les communautés. »

Francis Sonier regrette que l’aide ne sera pas débloquée rapidement. « On ne sait pas comment les fonds seront distribués. On attend les détails sur le plan d’action d’ici la fin mars. Le besoin est pressant. »