De nos jours, donner n’est plus un acte simple et spontané. Comme à peu près tout dans notre vie d’hommes et de femmes supposément modernes, il faut désormais que ce soit orchestré, provoqué, planifié. Voici mon billet d’humeur sur la générosité intéressée.
Maintenant pour faire un don, il faut d’abord se vider un seau d’eau glacée sur la tête. Si vous n’êtes pas adepte de Facebook, vous avez sans doute échappé à la folie du Ice Bucket Challenge qui a sévi pendant plusieurs mois : on se vide un seau d’eau glacée dessus, on signe un chèque pour faire avancer la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique (ça aura au moins eu le mérite de faire connaître cette maladie) et on nomme des amis qui à leur tour doivent se vider un seau sur la tête et signer un chèque. Et ainsi de suite. Cette idée simple (ou simplette pour certains...) a engendré des millions pour la recherche, de nombreuses stars et des milliers d’anonymes ont joué le jeu. Soudainement, donner son argent était devenu le fun et cool. Pendant ce temps-là, des milliers de personnes mourraient du virus Ebola sans qu’aucun défi ou collecte ne soit organisé. En Afrique, c’est difficile de se jeter de l’eau sur la tête quand on n'en a même pas assez à boire, alors c’est sur que c’est plus difficile à vendre sur les réseaux sociaux...
Oui, désormais il faut s’amuser pour donner : on se laisse pousser la moustache, ou on rase la tête de son patron, on s’habille en rose, on court des marathons. Toute excuse est bonne pour sensibiliser. Ça part d’une bonne intention. Mais de plus en plus d’argent est dépensé dans des campagnes de marketing, et peut-être qu’un peu plus de générosité spontanée permettrait parfois de l’éviter.
Les vrais généreux existent toujours, heureusement!
À Regina par exemple, un monsieur a offert un sandwich et un breuvage à un sans-abri assis dans un café. Comme cela, sans raison. Cet acte gratuit a tellement touché le sans-abri qu’il s’est mis à pleurer de reconnaissance. L'épisode aurait pu en rester là si une autre cliente du café n’avait pas été émue par cette scène et ne l’avait filmée. L’histoire a fait le tour du pays, une page Facebook a été créée et le bon samaritain, qui n’en demandait pas tant, a été retrouvé et remercié, glorifié et presque sanctifié. Et tout cela pour avoir offert un café, mais surtout un peu d’humanité, sur le chemin du travail.
Notre communauté fransaskoise est petite. Pas toujours unie. Pas exempte de défis. Mais le profond attachement de certains a permis des avancées non négligeables. La campagne pour le Francothon ou l’achat du bâtiment du Rendez-vous francophone grâce à des levées de fonds en sont des exemples. Mais un discours pendant le Rendez-vous fransaskois m’a tout particulièrement touchée. C’est même lui qui m’a menée à rédiger cet article aujourd’hui.
Je n’ai pas eu la chance de connaître Suzette Fafard. Pourtant, comme beaucoup d’entre vous je pense, j’ai été touchée par son histoire. Cette jeune mère de famille et enseignante réginoise est disparue trop tôt, emportée cet été par un cancer, dans la fleur de l’âge à seulement 33 ans. Son époux, devenu veuf, a approché la Fondation fransaskoise pour réaliser la volonté de Suzette et faire un don de 50 000 $ destiné à soutenir des projets scolaires. C’est le premier legs posthume reçu par la Fondation. Et un vrai exemple d’acte de générosité désintéressé.
Donner peut prendre plusieurs formes. Que l’on fasse don de son argent selon ses moyens, de son temps ou de son savoir, on a tous quelque chose à partager. Alors, en cette fin d’année, à votre bon cœur messieurs dames! Si vous décidez de donner, ne le faites pas parce que vous avez été nommé par un ami, parce que des chanteurs et acteurs le font, parce que c’est cool et le fun. Faites-le parce que votre cœur vous le dit, car c’est de là que part la générosité, la vraie. Celle qui se perd, malheureusement.