Skip Navigation
Carol Léonard

La Roche Miette (ou Mâyatihk?), le Gibraltar de Jasper

Roche Miette en Alberta

Roche Miette en Alberta

Chantier pharaonique à la construction duquel se sont longuement attardées les plaques tectoniques, la vallée de la rivière Athabasca abrite une jolie ville engoncée entre des monts colossaux. Elle a pour nom Jasper. À l’entrée de cette vallée se dresse, tel un sphinx, une vigie gigantesque, la Roche Miette.

Formidable monument à la mémoire du temps, la « roche » s’élève en un plan incliné puis se dresse à la verticale, haute, dominante, vertigineuse pour culminer à 2 300 mètres en contre-haut de la vallée.

Si la Roche Miette concède à d’autres géants de la vallée la victoire d’une hauteur à laquelle ils ont su porter leurs pinacles,  aucun ne rivalise avec elle pour capter les regards et l’attention des randonneurs.

Falaise toute dressée, la montagne affronte, s’impose, défie. La confrontation de sa falaise avec l’homme pourrait avoir inspiré le nom de ce Gibraltar à la robuste dignité. À moins que le toponyme trouve son explication, hypothèse qui n’est pas biscornue, dans la présence de chèvres ou de mouflons ayant choisi cette montagne pour aire de leur fréquentation.

Deux explications rivalisent et se font concurrence pour donner sens à l’oronyme Roche Miette.

La plus répandue relate l’ascension de l’abrupte paroi par un employé de la Baie d’Hudson, un certain Miette ou Millette. Au terme de son escalade et après s’être assis sur une saillie en surplomb de l’abîme, il aurait, impassible, fumé nonchalamment sa pipe les pieds ballant au-dessus d’un vide abyssal.

Lors de son exploit, notre homme aurait fait impression, ce qui aurait conduit tout droit ses acclamateurs à nommer la montagne en son nom.

De ce Miette ou Millette, nous ne savons pour ainsi dire rien. Certains évoquent un voyageur canadien-français dont l’exploit a nourri la légende. On affirme sa présence dans la vallée vers les années 1830. Don Beers, auteur de Jasper-Robson – A Taste of Heaven* soutient, sans véritable preuve, l’avoir identifié. Il se serait agi de Baptiste Millette engagé dans la région de l’Athabasca au cours des années 1812 et 1813.

Seuls trois contrats d'engagement de la traite portent les noms de Millette (ou Millet) prénommés Jean-Baptiste. Ils sont tous trois de Sorel. Il pourrait s’agir d’un seul et même homme. Aucun de ces contrats ne stipule une obligation du ou des signataires à se rendre dans des régions aussi éloignées que celles des rivières aux Anglais (Churchill) ou Athabasca.

Si Jean-Baptiste Millet était bel et bien présent dans le bassin de la rivière Athabasca au cours de l'année 1813, il aura dû reprendre en toute hâte le chemin vers la vallée laurentienne puisque le 3 janvier 1814, on le retrouve à Montréal et s'engageant une fois de plus, mais pour le compte des associés McTavish, McGillivrays & Co., Thomas Thain et Alexander Mackenzie.

Or, le 9 mai de la même année, le célèbre Gabriel Franchère pend note du nom « Roche à Miette » lors de son passage dans la vallée. Le toponyme était donc déjà bien établi.

S’il s’agit d’un nom dédicatoire en l’honneur d’un engagé répertorié de la région de l’Athabasca, ce ne peut être Baptiste Millette. Le mystère entourant la véritable identité de notre rochassier reste entier, pour le moment.

L’explication concurrente sur l’origine du nom Roche Miette s’appuie sur la présence de mouflons (ovis canadensis) ou de chèvres des montagnes (oreamnos americanus) sur les flancs ou dans les parages immédiats de la Roche Miette. Le nom « miette » dissimulerait le terme en langue crie « mâyatihk» (ᒫᔭᑎᕁ) lequel signifie « mouflon ou chèvre de montagne»** selon le contexte.

L’on serait donc en présence du résultat d’une attraction paronymique interlinguistique. Des oreilles non exercées et peu familières de la langue crie auront assimilé le mot mâyatihk  au nom Miette et l’usage de l’involontaire contrefaçon se sera implanté.

Cela dit, nous ne pouvons écarter une troisième hypothèse, celle de l’origine indépendante de chacun des deux noms pour ce même lieu. Ailleurs, un tel phénomène*** s’est déjà vu.


* Beers, D. (1996). Jasper-Robson, a taste of heaven : a guide to the trails and the rich history of Jasper National Park and Mount Robson Provincial Park: Calgary, Alta. : Highline Pub., c1996.

**Nehiyaw  Masinahikan – Online Cree Dictionary.

***Léonard, C. J. (2001). La collision de Cole Rapids et Lacolle Falls : un délice toponymique. Onomastica Canadiana, 83(1), 1-13.

Print
22769

Carol LéonardCarol Léonard

Other posts by Carol Léonard
Contact author

Contact author

x
Au CÉF, l’école se veut communautaire et citoyenne !

Au CÉF, l’école se veut communautaire et citoyenne !

Entretien avec Ronald Ajavon, directeur général du Conseil des écoles fransaskoises

Le CÉF travaille à établir un modèle unique d’école communautaire citoyenne en Saskatchewan. Il vise à favoriser à la fois la réussite des élèves et l’épanouissement des communautés.

Tuesday, November 19, 2019/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (23162)/Comments (0)/
École et descendance française : Les francophones doivent-ils se satisfaire du minimum?

École et descendance française : Les francophones doivent-ils se satisfaire du minimum?

Une semaine après que les Franco-Colombiens aient demandé de meilleures écoles devant la Cour Suprême…

Saturday, November 2, 2019/Author: Réjean Paulin/Number of views (22649)/Comments (0)/
Sciences infirmières : un examen national décrié par les francophones

Sciences infirmières : un examen national décrié par les francophones

Le NCLEX (National Council Licensing Examination) fait trembler bien des candidats francophones au programme de sciences infirmières. Si dans sa version anglaise plus de 80 % d’entre eux réussissent au niveau national, le taux de réussite tombe à 30 % pour les candidats en français.

Thursday, October 31, 2019/Author: Lucas Pilleri/Number of views (27543)/Comments (0)/
Une communauté dévouée pour son école

Une communauté dévouée pour son école

Un nouveau terrain de jeu pour l'École Providence de Vonda

Grâce à la mobilisation des parents, du personnel et de la ville, l’École Providence de Vonda s’est paré d’un terrain de jeu flambant neuf pour le plus grand plaisir des enfants.

Monday, September 23, 2019/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (30102)/Comments (0)/
Coup d'oeil sur l'École Mgr de Laval de Regina

Coup d'oeil sur l'École Mgr de Laval de Regina

L’école Monseigneur de Laval, Pavillon secondaire des Quatre Vents à Regina, n’a rien à envier aux établissements de la majorité.

Monday, September 23, 2019/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (23805)/Comments (0)/
La langue michif au programme d'une école de Saskatoon

La langue michif au programme d'une école de Saskatoon

Un programme offert de la maternelle à la 3e année

SASKATOON - Les étudiants de la maternelle à la 3e année de l’école St. Michael Community School à Saskatoon auront l’occasion de suivre le premier programme d’apprentissage de la langue michif offert dans la ville et l’un des deux seuls programmes à l’échelle de la province.

Sunday, September 15, 2019/Author: Jean-Philippe Deneault/Number of views (26112)/Comments (0)/
Retrouvailles au Collège Mathieu

Retrouvailles au Collège Mathieu

45 ans après avoir terminé leurs études au Collège Mathieu d'anciens élèves se sont rencontrés à Gravelbourg.

 

Thursday, August 29, 2019/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (26637)/Comments (0)/
Portraits de professeurs francophones de l’Université de la Saskatchewan

Portraits de professeurs francophones de l’Université de la Saskatchewan

SASKATOON - Sur près de 1 200 professeurs à l’Université de la Saskatchewan, on compte une vingtaine de francophones. L'Eau vive en a rencontré six.

Sunday, July 21, 2019/Author: Jean-Philippe Deneault/Number of views (27853)/Comments (0)/
Amélie Boutin, diplômée de l'École canadienne-française de Saskatoon

Amélie Boutin, diplômée de l'École canadienne-française de Saskatoon

Née à Saskatoon, Amélie a effectué tout son parcours scolaire à l’École canadienne-française, depuis la garderie jusqu’à la 12e année. Elle part maintenant étudier les sciences en français à l’Université d’Ottawa.

Friday, July 19, 2019/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (24734)/Comments (0)/
Quand les jeunes s’investissent pour la science !

Quand les jeunes s’investissent pour la science !

Remise des prix Expo-science 2019

REGINA - Le 20 juin dernier, à l’école Monseigneur de Laval de Regina, on a pu assister à un spectacle de chansons, de danses concocté par les classes de 3e année,ainsi qu'à la remise des prix aux gagnants de l’Expo-sciences qui s‘était déroulée au début du mois.

Tuesday, July 16, 2019/Author: Linda Morales/Number of views (25386)/Comments (0)/
Deux enseignants reconnus pour leur engagement sportif

Deux enseignants reconnus pour leur engagement sportif

Terry Gaudet et Michel Forest honorés par la Saskatchewan High Schools Athletic Association

Terry Gaudet et Michel Forest, enseignants respectivement à l’École St-Isidore à Bellevue et à l’École Mathieu de Gravelbourg, ont chacun reçu le Prix du service de la Saskatchewan High Schools Athletic Association (SHSAA). Ces récompenses viennent souligner l’implication remarquable des deux instituteurs pour le sport à l’école.

Saturday, July 13, 2019/Author: Lucas Pilleri/Number of views (27601)/Comments (0)/
Une foire des sciences totalement en français

Une foire des sciences totalement en français

Expo-sciences à Mgr de Laval

REGINA - Le jeudi 6 juin 2019 avait lieu la foire des sciences de l’école Monseigneur de Laval. Les élèves de la 3e et de la 5e année étaient présents pour exposer leurs projets de recherche. 

Saturday, June 22, 2019/Author: Linda A. Morales/Number of views (26188)/Comments (0)/
Une première cohorte de juristes obtient des certifications en français

Une première cohorte de juristes obtient des certifications en français

SASKATOON - Pour la première fois, cinq étudiantes de l’Université de la Saskatchewan ont reçu ce 5 juin à Saskatoon une certification de common law en français de l’Université d’Ottawa. 

Friday, June 21, 2019/Author: Lucas Pilleri/Number of views (30295)/Comments (0)/
62,6 millions de dollars pour lutter contre la pénurie d’enseignants

62,6 millions de dollars pour lutter contre la pénurie d’enseignants

VANCOUVER - Le lundi 13 mai 2019, la ministre des Langues officielles Mélanie Joly a annoncé une stratégie nationale de recrutement et de rétention des enseignants francophones.

Tuesday, June 4, 2019/Author: Lucas Pilleri/Number of views (33519)/Comments (0)/
Lettre du président de la SCFPA: Déménagement à l’Académie Rivier

Lettre du président de la SCFPA: Déménagement à l’Académie Rivier

Malgré le fait que l’édifice des Sœurs de la Présentation de Marie ait été construit dans les années 1960, sauf la piscine (années 1980), il s’agit d’une occasion de créer, au-delà du concept de centre scolaire communautaire, un pôle d’attraction et de développement unique en Saskatchewan et dans l’Ouest canadien.

Thursday, April 25, 2019/Author: Michel Dubé/Number of views (27484)/Comments (0)/
RSS
First45679111213Last

 - Saturday 18 May 2024