Skip Navigation
Festival Cinergie 2024
Bruno Cournoyer Paquin (Francopresse) 
/ Categories: Société, Francophonie

Insécurité linguistique dans la fonction publique fédérale

Quarante-quatre pour cent des francophones seraient mal à l’aise d’utiliser le français au travail, révèle un sondage du Commissariat aux langues officielles auquel ont répondu plus de 10000 fonctionnaires fédéraux. Des données qui ne surprennent pas certains experts qui rappellent que le phénomène est documenté depuis de nombreuses années.

Parmi les autres constats du sondage, on apprend que 43 % des fonctionnaires francophones et 39 % des anglophones aimeraient avoir plus d’occasions d’utiliser le français au travail.

Le sondage révèle aussi que les personnes qui se sentent mal à l’aise de s’exprimer dans leur langue première sont surtout préoccupées par les inconvénients qu’ils causent à leurs collègues, alors que ceux qui éprouvent la même réticence lorsqu’ils s’expriment dans leur langue seconde sont rebutés par l’effort supplémentaire qui est requis ou par la crainte d’être jugés. 

Le professeur Matthieu LeBlanc, du Département de traduction et de langues de l’Université de Moncton, observe que c’est la première fois que l’insécurité linguistique fait l’objet d’un rapport distinct du Commissariat aux langues officielles (CLO), même si la notion a souvent été soulevée dans les rapports annuels du CLO. 

Matthieu LeBlanc

Pour Matthieu LeBlanc, professeur au Département de traduction et des langues de l’Université de Moncton, ce sondage passe un peu sous silence l’unilinguisme, une des causes importantes de l’insécurité linguistique.

Crédit : courtoisie

«Ça vient confirmer ce que plusieurs d’entre nous avons observé, vécu. Il n’y a pas de grande surprise dans ce sondage et dans ses résultats», évalue François Larocque, professeur à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche sur le monde francophone, droits et enjeux linguistiques.

Si le phénomène de l’insécurité linguistique dans la fonction publique fédérale est bien connu, ajoute Matthieu LeBlanc, le sondage permet cependant de mieux comprendre les raisons de cette insécurité puisque les fonctionnaires fédéraux y recensent les raisons derrière leur malaise à s’exprimer dans l’une des deux langues officielles.

Des pistes de solutions déjà explorées

Les répondants au sondage ont aussi avancé quelques pistes de solution à l’insécurité linguistique. Les anglophones proposaient surtout de multiplier les occasions d’apprentissage linguistique, alors que les francophones prônaient un plus grand leadeurship de la direction pour «promouvoir un milieu de travail où les deux langues peuvent être lues et entendues».

Encore une fois, selon François Larocque, ces pistes de solution ont «déjà été exprimées ailleurs».

Matthieu LeBlanc rappelle que «[l’importance du] leadeurship de la haute direction, ça fait longtemps qu’on le mentionne dans les études du CLO, et ça fait aussi pas mal d’années qu’on le signale dans les rapports». 

«J’ai moi-même participé en 2003 à la rédaction d’un rapportLe français à suivre, et déjà à ce moment-là on faisait référence au leadeurship de la haute direction», souligne le professeur de l’Université de Moncton. 

Pour François Larocque, si cette étude reprend des constats familiers, ce qui diffère ici est son «timing» : «[C’est] le fait qu’elle sorte en janvier 2021, alors que le gouvernement se prépare à nous présenter un livre blanc sur les langues officielles qui promet de proposer des changements innovants et de nouvelles pistes en matière de politiques des langues officielles au Canada.»

François Larocque
François Larocque, professeur à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche sur le monde francophone, droits et enjeux linguistiques.
Crédit : Valérie Charbonneau
 Des obstacles passés sous silence

Le rapport omet d’aborder un obstacle majeur au bilinguisme en milieu de travail, soit l’unilinguisme, souligne Matthieu LeBlanc. Il précise que dans le contexte de la fonction publique fédérale, on parle d’unilinguisme anglophone. 

«Ça ne peut pas être passé sous silence : dès que dans une équipe il y a des unilingues anglophones qui s’expriment dans la langue de la majorité, la langue dominante, c’est certain que la dynamique de la réunion est modifiée. Les francophones, qui ont un réflexe naturel de passer à l’anglais dans cette situation, vont le faire», explique l’expert en sociolinguistique.

La persistance de l’insécurité linguistique, selon Matthieu LeBlanc, s’explique en partie par une situation de diglossie : pour toutes sortes de raisons historiques et politiques, les deux langues officielles «n’ont pas le même poids, le même prestige».

«Les pratiques établies font que c’est l’anglais qui demeure la langue de travail, que dans les perceptions, les gens estiment que l’anglais est une langue plus légitime – la langue des affaires, la langue du commerce», de sorte que si le français et l’anglais ont une égalité de statut, celle-ci ne se traduit pas dans les pratiques, identifie Matthieu LeBlanc.  

Pour le juriste François Larocque, les pistes de solution passent par une plus grande valorisation du bilinguisme : il souligne d’ailleurs que la prime au bilinguisme n’a pas augmenté depuis vingt ans.

«Il faut se mettre dans la position d’un anglophone de la majorité linguistique. Pourquoi est-ce qu’il apprendrait le français? Qu’est-ce qui viendrait le motiver? Savoir que certains postes ne lui seraient pas accessibles s’il ne démontre pas un haut niveau de bilinguisme, ou savoir que son revenu annuel va être majoré s’il démontre les compétences requises. C’est reconnaitre que le bilinguisme est une compétence dans le contexte fédéral canadien», illustre François Larocque.

Revoir les régions désignées bilingues sous la partie V de la Loi?

Fait intéressant, plus de 4000 fonctionnaires qui travaillent en dehors des régions désignées bilingues (soit certaines régions du Québec et de l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et la région de la capitale nationale) ont tenté de répondre au sondage, même si celui-ci ne s’adressait qu’aux fonctionnaires travaillant dans les régions désignées bilingues.

Le CLO se questionne donc sur les délimitations des zones désignées bilingues sous la partie V de la Loi sur les langues officielles, qui demeurent inchangées depuis 1977. 

«La désignation actuelle des régions visées par la partie V […] ne semble pas traduire les besoins, les réalités et les valeurs» des fonctionnaires fédéraux, peut-on lire dans le rapport du sondage. 

Qu’est-ce que l’insécurité linguistique?

L’insécurité linguistique se définit comme «le sentiment de malaise, d’inconfort ou d’anxiété ressenti lorsqu’on utilise ou tente d’utiliser sa première langue ou une langue seconde à cause de divers facteurs : environnement, perceptions, relations interpersonnelles, organisation et dimension culturelle et sociale», selon le rapport.

Matthieu LeBlanc explique que l’insécurité linguistique est inséparable des représentations que les gens se font de leur langue. «Par exemple, si un francophone en situation minoritaire voit l’anglais comme la langue dominante, comme la langue légitime, la langue du travail, la langue des affaires, la langue du commerce, ça peut expliquer pourquoi en milieu de travail il opte pour cette langue.»

François Larocque, rappelle pour sa part que l’insécurité linguistique peut aussi être vécue au sein du même groupe linguistique, par exemple lorsqu’un accent régional se voit dévalorisé par rapport à un accent «standard».

Print
8670

Bruno Cournoyer Paquin (Francopresse) Francopresse

Other posts by Bruno Cournoyer Paquin (Francopresse) 
Contact author

Contact author

x
Les Fransaskois obtiennent enfin une nouvelle école

Les Fransaskois obtiennent enfin une nouvelle école

Après plusieurs années d’attente et une entente de principe avec le gouvernement de la Saskatchewan qui tardait à se concrétiser, une nouvelle école primaire francophone verra finalement le jour dans la capitale provinciale.

Monday, July 13, 2020/Author: Lucas Pilleri/Number of views (25833)/Comments (0)/
Immersion : Cinquante ans d’une formule éprouvée

Immersion : Cinquante ans d’une formule éprouvée

Le tout premier programme d’immersion en Saskatchewan est apparu à Saskatoon en 1968. Cinquante ans plus tard, ils sont plus de 16 500 à travers la province à se retrouver sur les bancs du programme qui fait de plus en plus d’adeptes.

Wednesday, July 8, 2020/Author: Lucas Pilleri, avec les informations de Diane Lacasse/Number of views (23451)/Comments (0)/
Un jardin communautaire à l’école Mgr de Laval à Regina

Un jardin communautaire à l’école Mgr de Laval à Regina

Produire local, le nouveau défi des francophones de Regina

REGINA - LAssociation canadienne-française de Regina a inauguré son tout premier jardin communautaire le 15 juin dernier sur le terrain de l'École Mgr de Laval.

Wednesday, July 1, 2020/Author: Leslie Diaz – Initiative de journalisme local – APF /Number of views (28547)/Comments (0)/
Les Fransaskois applaudissent la victoire des parents franco-colombiens en Cour suprême

Les Fransaskois applaudissent la victoire des parents franco-colombiens en Cour suprême

Après 10 ans de lutte judiciaire, la Cour suprême du Canada a tranché en faveur des parents franco-colombiens. Cette décision historique a été chaudement saluée par la communauté fransaskoise.

Monday, June 29, 2020/Author: Lucas Pilleri – Initiative de journalisme local – APF/Number of views (24718)/Comments (0)/
L’histoire de la fransaskoisie narrée aux jeunes

L’histoire de la fransaskoisie narrée aux jeunes

Ateliers scolaires Gardiens de lys'toire par la Société historique de la Saskatchewan

À travers sa série d’ateliers pédagogiques, la Société historique de la Saskatchewan (SHS) donne vie à l’histoire dans la salle de classe des écoles de la province. 

Sunday, June 28, 2020/Author: Lucas Pilleri – Initiative de journalisme local – APF/Number of views (25295)/Comments (0)/
La pandémie risque de nuire à la francophonie des universités

La pandémie risque de nuire à la francophonie des universités

Les universités francophones du pays misent sur l’inscription d’étudiants internationaux. Les mesures sanitaires en place affecteront directement les inscriptions.

Sunday, June 14, 2020/Author: André Magny (Francopresse)/Number of views (20623)/Comments (0)/
Toujours pas de déblocage pour le Campus Saint-Jean

Toujours pas de déblocage pour le Campus Saint-Jean

Trois semaines après que l’Association canadienne-française de l’Alberta a lancé une campagne de mobilisation pour sauver le Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, l’incertitude règne toujours quant à l’avenir de l’établissement.

Saturday, June 13, 2020/Author: Guillaume Deschênes-Thériault – Francopresse /Number of views (22119)/Comments (0)/
Conseil des écoles fransaskoises: À vos pupitres, citoyens!

Conseil des écoles fransaskoises: À vos pupitres, citoyens!

Si tout va bien à la rentrée de septembre, le Conseil des écoles fransaskoises (CEF) ira de l’avant avec un concept nouveau en Saskatchewan, mais qui a fait ses preuves dans d’autres provinces: l’école communautaire citoyenne.

Saturday, June 13, 2020/Author: André Magny (Initiative de journalisme local – APF – Ouest)/Number of views (23232)/Comments (0)/
La Cour suprême donne gain de cause aux parents franco-colombiens

La Cour suprême donne gain de cause aux parents franco-colombiens

La Cour suprême du Canada a donné raison aux francophone de la Colombie-Britannique, qui réclame depuis dix ans devant les tribunaux que le système scolaire de langue française soit mis à égalité avec le système anglophone.

Friday, June 12, 2020/Author: Marc Poirier – Francopresse /Number of views (27111)/Comments (0)/
André Moquin, récit vivant de la fransaskoisie

André Moquin, récit vivant de la fransaskoisie

Fils et petit-fils de colons de l’Ouest, André Moquin a œuvré toute sa vie pour l’avancement de l’éducation en français dans sa province.

Tuesday, June 2, 2020/Author: Lucas Pilleri – Initiative de journalisme local – APF /Number of views (29112)/Comments (0)/
L'École Mgr de Laval slame ses accents à Regina

L'École Mgr de Laval slame ses accents à Regina

L'école fransaskoise remporte un prix international

Six élèves de la 8e année du Pavillon secondaire des Quatre Vents de l'école de Monseigneur on remporté un des deux Prix du public offerts dans le cadre du concours « Slame tes accents » du Centre de la Francophonie des Amériques.

Saturday, May 23, 2020/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (26764)/Comments (0)/
Un vent de solidarité au Canada pour sauver le Campus Saint-Jean

Un vent de solidarité au Canada pour sauver le Campus Saint-Jean

L’appel à l’action de l’ACFA dans le cadre de la campagne «Sauvons Saint-Jean» a été entendu d’un bout à l’autre du pays, et même au-delà de nos frontières. 

Tuesday, May 19, 2020/Author: Guillaume Deschênes-Thériault (Francopresse)/Number of views (22747)/Comments (0)/
Une miniécole de médecine pour y voir clair

Une miniécole de médecine pour y voir clair

Le premier volet de la 24e édition de la Miniécole de médecine de l’Université d’Ottawa s’est consacré entièrement au sens de la vue, présentant l’anatomie de l’œil et jetant les bases de la prévention des troubles de la vision.

Tuesday, May 19, 2020/Author: Sébastien Durand/Number of views (29187)/Comments (0)/
Des élèves fransaskois se livrent face à la pandémie

Des élèves fransaskois se livrent face à la pandémie

Déjà un peu plus d’un mois que les jeunes Fransaskois sont passés de la salle de classe à la table du salon et ont échangé leurs stylos pour un clavier. Comment vivent-ils cette transition et quel regard portent-ils sur la situation?

Saturday, May 16, 2020/Author: Leslie Diaz/Number of views (32184)/Comments (0)/
La francophonie de l’Ouest menacée : «Sauvons Saint-Jean!»

La francophonie de l’Ouest menacée : «Sauvons Saint-Jean!»

L’Association canadienne-française de l’Alberta, soutenue par plusieurs associations, est partie en croisade pour défendre le Campus Saint-Jean dont l'avenir est menacé par d’importantes coupes budgétaires.

Saturday, May 16, 2020/Author: Geoffrey Gaye – (Le Franco)/Number of views (20041)/Comments (0)/
RSS
First2345791011Last

 - Thursday 9 May 2024