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Fonds publics et organismes porte parole francophones

La diversification du financement permettrait aux organismes de mieux servir la population francophone que ne le fait le gouvernement. Mais en jouant ce rôle, les porte-parole dans les provinces et territoires ont-ils compromis leur capacité de revendiquer et éloigné le citoyen du processus décisionnel ?

La semaine dernière, les 16 organismes nationaux sollicités ont partagé l’essentiel de leurs états financiers. Cette semaine, la réponse des organismes porte-parole dans les provinces et territoires traduit une certaine résistance.

On craint qu’un sommaire dans un tableau ne tienne pas compte de la complexité des différentes réalités, selon le directeur général de la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador, Gaël Corbineau. « Les réalités de nos organismes sont extrêmement différentes. Ne donner qu’un montant brut sans dissocier les financements de base des projets n’a pas de sens, car ça ne démontre rien sur les ressources nécessaires à l’accomplissement de nos missions.

« En fonction de la réalité de chaque province et territoire, écrit-il, certains n’assument qu’un rôle de porte-parole alors que d’autres gèrent plusieurs dossiers sectoriels : culture, santé, jeunesse, immigration. Les mettre côte à côte dans un beau tableau en ne les comparant qu’avec leurs revenus n’amènera que des confusions. »

La directrice générale de l’Association franco-yukonnaise, Isabelle Salesse, précise davantage. « Pour certaines organisations telles que l’AFY, la totalité du financement permet d'offrir de nombreux services à la communauté. On a 25 employés à temps plein et des  contrats à mi-temps pour certains projets. Il est important de saisir ce concept de guichet unique pour comprendre la diversité et le niveau du financement de l'organisation. »

Le politicologue Éric Forgues reconnaît qu’une meilleure compréhension nécessiterait davantage de détails et de mise en contexte. Mais il a trouvé matière à analyse, en particulier sur la diversification des revenus et ses conséquences.

« Tous reçoivent des fonds de Patrimoine canadien, note le directeur général de l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques. Au moins huit ont du financement pour appuyer l’immigration et au moins sept reçoivent des subventions provinciales ou territoriales. Deux groupes obtiennent aussi de l’aide de fondations.

 « La diversification est dans le discours, signale-t-il, mais est-ce qu’on en fait assez du côté privé ? On en a besoin pour éviter une dépendance sur les gouvernements qui réduit la marge de manœuvre. La diversification a aussi son côté pervers : gérer les demandes et rendre des comptes, ça alourdit l’administration.

« L’autre enjeu, selon Éric Forgues, c’est l’écartèlement entre les rôles de livreur de services et de porte-parole. Quand on accepte de jouer les deux rôles, ça peut mettre les associations dans une situation ambivalente. » 

Les conséquences se font sentir sur la vitalité, selon le professeur de science politique. « La situation me fait penser à l’expression suivante : si ton seul outil est un marteau, tout ce que tu vois c’est des clous. On offre des services, mais va-t-il rester une population active pour les demander ? Il y a une perte d’effectifs et de compétences linguistiques. Qu’est-ce qu’on fait pour revitaliser les populations ?

« Il y a aussi de l’innovation dans la gouvernance, estime Éric Forgues. Mais on voit une résistance à partager la prise de décisions concernant l’avenir des communautés. »

Le politicologue de l’Université de Moncton évoque le récent refus au Nouveau-Brunswick d’établir une assemblée délibérante, comme chez les Fransaskois et les Franco-Ontariens. « Les organismes ne veulent pas donner plus de pouvoir aux citoyens. Ils veulent continuer à décider entre eux l’allocation des fonds. Des intérêts sont en jeu. Alors on a un problème de participation : le citoyen n’a pas vraiment de prise sur les décisions et il se désintéresse. »

Bras politique national, la Fédération des communautés francophones et acadienne affirme que le citoyen peut trouver sa place, contrairement à ce qui a été allégué dans l’article de la semaine dernière. L’assemblée annuelle est ouverte à tous, explique le directeur des communications, Serge Quinty.

« Nous envoyons annuellement plusieurs centaines d’invitations et depuis l’arrivée des médias sociaux, nous nous en servons pour publiciser largement cet événement. Il n’est pas rare que des étudiants ou des citoyens se sentent interpellés et viennent y assister. Depuis deux ans, nous faisons un ‘livetweeting’ des discussions. Certes, seuls les organismes membres de la FCFA peuvent voter aux assemblées. »

Le tableau montre une variété de sources de financement. On constate que les revenus ne sont pas proportionnels au nombre de francophones mais en fonction des dossiers assumés. Ainsi l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) a le budget le plus élevé chez les organismes porte-parole du pays, mais l’ACF offre des services à la population dans des secteurs complexes comme l’immigration. 


Tableau des produits annuels ($) des organismes porte-parole provinciaux/territoriaux pour les années financières se terminant en 2014 et 2015.[1]

 

Nom de l’organisme

Produits

2014 réel

Produits

2015 estimé

Sources de financement

Assemblée communautaire fransaskoise (ACF)

2,1 millions

2,2 millions

Patrimoine canadien

Citoyenneté et immigration Canada

Ministères de l’Éducation, de l’Économie (SK)

Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA)

2,08 millions[2]

2,08 millions

Patrimoine canadien

Citoyenneté et immigration Canada

Fondation de l’ACFA

Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO)

1,18 million

1,71 million

Patrimoine canadien et Service Canada

Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l’Ontario

Fondation Trillium

Office des Affaires Francophones (Ontario)

Association des francophones du Nunavut (AFN)[3]

 

 

 

Association franco-yukonnaise (AFY)

2,09 millions

2,1 millions

Patrimoine canadien

Agence de développement économique du Nord

Citoyenneté et immigration Canada

Emploi et développement social Canada

Gouvernement du Yukon et Yukon College

Consortium national de formation en santé

Société santé en français

Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE)

0,89 million

0,89 million

Patrimoine canadien

Citoyenneté et immigration Canada

Industrie Canada et Service Canada

Gouvernement de la Nouvelle-Écosse

Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB)

1,11 million

1,17 million

Patrimoine canadien

Gouvernement de la CB

Citoyenneté et Immigration Canada

Fédération des francophones de Terre-Neuve et Labrador (FFTNL)

0,70 million

0,79 million

Patrimoine canadien

Réseaux immigration, santé et culturel

Fédération franco-ténoise (FFT)

0,83 million

0,82 million

Patrimoine canadien

Citoyenneté et Immigration Canada

Société santé en français

Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB)

0,98 million

0,98 million

Patrimoine canadien

Programme d’appui aux droits linguistiques

Citoyenneté et immigration Canada

Affaires intergouvernementales du NB

Secrétariat à la croissance démographique NB

Société franco-manitobaine (SFM)

1,93 million

1,78 million

Patrimoine canadien

Citoyenneté et immigration Canada

Province du Manitoba

Société Saint-Thomas d’Aquin (SSTA)

0,76 million

0,87 million

Patrimoine canadien

Province de l’ÎPÉ

Conseil économique des provinces de l’Atlantique

Organismes signataires

 



[1] Les chiffres dans ce tableau comprennent les fonds de programmation et de projets ainsi que les produits de cotisations, frais de services et vente de produits.

[2] Le montant indiqué comprend les produits du journal Le Franco, qui représente 25 % du budget de l’ACFA.

[3] L’AFN n’a pas partagé ses données et elles n’ont pas été trouvées sur ses pages web.

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