L’héritage de Jérôme Simard
Texte de Roxanne Masson 2015 9ème année, École Monseigneur de Laval, Regina
L’héritage de Jérôme Simard
Par: Roxanne Masson
2015
9ème année, L’École Monseigneur de Laval, Regina
(Enseignant : Monsieur S. Dabo)
Je tousse.
- Es-tu sûr que c’était une bonne idée?
- Tu ne vas pas le regretter, je te le jure!
- Mais c’est tellement poussiéreux!
- C’est une vielle maison en bois, Qu’est que tu pensais?
- Et il y a des souris!
- Ben, on est ici alors on est bien mieux de suivre le plan!
- Le plancher craque tellement, on dirait qu’il va s’écrouler!
- Suis-moi, je monte en haut. Tu explores la chambre de droite et moi je me charge de celle de gauche d’accord?
- Ce sera de ta faute si le plancher ne tient pas et que je tombe d’un étage!
À contrecœur, je monte les escaliers qui grincent. Je reste en haut des marches un instant avant de me tourner vers la droite pour entrer dans la chambre. Je vois une feuille de papier un peu déchirée et jaunie derrière la porte entrouverte.
- Elle est ici!
Je pousse la porte et me penche pour ramasser la feuille. Dès que je la prends, elle vibre sous la pression de mes doigts. Je la mène à mon visage pour pouvoir la lire et je sens qu’elle émet une chaleur de plus en plus forte. Je n’ai même pas le temps de prendre connaissance de son contenu que ma vision devient floue. Étourdie, je prends la feuille avec mon autre main pour la stabiliser, mais moi aussi je tremble. Une chaleur insupportable envahit mon corps. Je ne vois plus que du noir puis j’ai la sensation de tomber. Je tombe. Un long silence se fait entendre. Soudain, je vois repasser les dernières 24 heures devant mes yeux.
* * *
Tout avait commencé la veille, nous étions à la campagne, chez nos grands-parents Rocher pour une semaine, en juillet. Tout le monde riait et s’amusait sauf moi et mon cousin Joël. Nous sommes les plus jeunes et, pour nous, rien d'intéressant ne se passe chez nos grands-parents.
- Maman! Je m’en vais explorer la cour avec Joël!
- D’accord! Revenez avant 6 heures et demi! Sinon on soupe sans vous! Allez pas trop loin!
- Oui maman! Inquiète-toi pas!
Bien sûr, on est allé trop loin. On a vu à l’horizon une maison abandonnée. Les fenêtres du deuxième étage étaient bloquées par des vieilles planches de bois qui pourrissaient et la porte était défoncée. On s’est regardé et tout d’un coup on est parti à courir vers la maison. L’intérieur était sombre. De vieux meubles étaient placés dans le salon et dans la cuisine. Plusieurs chaises étaient renversées et quelques-unes d’entre elles étaient brisées. Sur la table, on pouvait voir une vieille soucoupe de porcelaine et une coupe en verre. La dernière personne à être passée par ici s’attendait définitivement à revenir.
Je suis restée bouche bée devant le décor délaissé. Mon cousin, par contre, était déjà parti explorer. Il fouillait dans une vieille bibliothèque à la recherche de je ne sais pas trop quoi.
- Marie-Claire! Viens voir!
J’ai marché rapidement vers Joël en faisant attention de ne rien faire tomber. Le plancher, qui craquait sous mon poids, me faisait frissonner. Je le rejoignis. Il tenait dans ses mains un vieux scrapbook poussiéreux. Il l’ouvrit pour le feuilleter et, à l’intérieur, on voyait des vieilles photos et des dessins d’enfants. À la première page, on put voir un nom, Jérôme Simard, écrit en grosses lettres et une photo de famille en noir et blanc. À travers les photos du scrapbook on pouvait suivre sa vie. Il y avait des petites phrases pour expliquer les évènements photographiés.
- Wow Joël! Penses-tu qu’on est dans la maison de ce “ Jérôme Simard”?
- Peut-être! En tout cas, moi je garde l’album.
Joël a fermé l’album et l’a pris sous son bras. Il s’est levé et a continué à fouiller pour d’autres trésors. Moi, j’étais terrifiée par le décor inquiétant. J'avais aussi l’étrange sensation qu’on n’avait pas le droit d’être ici. Par contre, mon cousin semblait être à l’aise de partager sa bulle avec des araignées et des souris. J’ai couru pour le rejoindre. Il était en train de vider des armoires dans la petite cuisine. La vaisselle se frappait et faisait des bruits stridents. Au début ça me donnait des frissons, comme si on allait réveiller un fantôme, mais je me suis calmée rapidement. Je l’aidais à fouiller dans le reste du rez-de-chaussée. On était sur le point de s’attaquer au deuxième étage quand Joël regarda sa montre.
- 6 h 45! Merde! On est en retard pour le souper!
- Allons-y vite! J’ai faim!
On est parti au pas de course vers la maison de campagne de grand-père Rocher. Moi, les mains vides, et Joël avec l’album de Jérôme Simard.
Où étiez-vous? Marie-Claire Rocher, on avait dit 6 heures et demi, pas 7 heures dix! Vous avez manqué le souper familial! Vous êtes chanceux qu’on vous en ait laissé!
On mangea en vitesse car on ne pensait qu’à l’album. En moins de 15 minutes, on était dehors en train de regarder le scrapbook.
Chez nos grands-parents, on a chacun une chambre avec nos familles mais on aime souvent dormir à la belle étoile. On met nos sacs de couchage quelque part dans l’herbe et on dort dehors. Hier soir, avec le scrapbook entre nos sacs de couchage, on regardait la vie de Jérôme Simard. Une vie simple mais heureuse. Une vie bien équilibrée.
Durant son enfance, il travaillait à la ferme mais il avait été très intéressé par les sciences. Il avait fait des recherches en astronomie et, souvent, on faisait allusion à un projet secret mais sans jamais le nommer. On tournait les pages plus rapidement. Les photos qui mentionnaient le projet se multipliaient. Dans les sous-titres on pouvait lire: une autre nuit à travailler sur le projet... le projet secret est presque fini… date de présentation du projet définie… dernier soir avant la présentation du projet...
Et c’est ici que tout est devenu étrange. Joël tourna la page, impatient de savoir ce qu’était le projet secret, et s'aperçut qu’une page avait été arrachée. Le reste des pages de l’album était vierge. J’ai lancé un regard surpris à Joël.
- C’est quoi ça!?
- Je ne sais pas! Qui laisse un scrapbook à moitié fini?
- Ben non nounoune! Je veux dire pourquoi la page est-elle arrachée?
- Je sais, j’te niaise!
- Moi, je suis sûr que la page est encore dans la maison... On ira la chercher demain!
- Quoi? Dis moi pas que je vais devoir retourner là-bas? Il y a trop d’araignées on peut quasiment les entendre!
- Marie-Claire, dors... c’est pas si pire que ça!
Mon sommeil fut léger, rempli de rêves de...
- Marie-Claire! Lève toi! Il est déjà 10 heures!
- Aaaahhh! Faut-il vraiment que je me lève?
- Oui! On veut aller trouver la page qui manque de l’album de Jérôme!
Je me suis levée, un peu bougonne mais, après avoir mangé mon déjeuner, j’étais pleine d’énergie et prête à retourner dans la maison abandonnée. On s’était mis en route en discutant de la vie de Jérôme Simard. Pourquoi la feuille avait-elle été arrachée? Est-ce que c’était un accident? Qu’était-il arrivé lors de la présentation du projet? Bon, j’avoue qu’on laissait courir notre imagination, mais on voulait avoir une petite aventure. On faisait des théories folles et on riait. Arrivée à la vieille maison, c’était moins épeurant, mais l'impression qu’on ne devrait pas être là était toujours présente. L’intérieur était juste comme on l’avait laissé la veille.
J’ai toussé.
J’ai suivi Joël et nous avons monté au deuxième étage.
J’ai tourné à droite et lui à gauche.
J’ai ramassé la feuille.
J’ai tombé.
* * *
J’entends un bruit de machine. Un genre de bip-bip qui suit un rythme précis. J’ouvre mes yeux et une lumière de néon m’aveugle. Ça sent le nettoyant fort et le désinfectant. Je suis couchée dans un lit. Tout est blanc, les draps, les murs, le plafond. Des gens parlent tout bas dans un coin de la salle. J’essaie de me tourner la tête mais je suis incapable de bouger mon cou.
- Pensez-vous qu’elle va survivre?
- Il y a des bonnes chances.
- On a vraiment besoin qu’elle se réveille.
- Son cœur s’est presque arrêté lorsqu’elle est arrivée.
- Mais c’est normal, non? Un voyage dans le temps peut faire ça…
- Bien sûr, mais si elle voyage à travers une cellule temporelle, les risques sont moins grands.
Une voix mécanique me fait sursauter.
- Sujet TET15A est réveillé.
Le sang se fige dans mes veines. Où suis-je? Qui parle? Un docteur apparait dans mon champ de vison. Il examine mes yeux avec un outil que je ne reconnais pas. Un autre homme apparait. Il est habillé avec un bel habit et une cravate, il semble riche.
- Bonjour mademoiselle, premièrement j’aimerais vous remercier d’avoir participé, sans le savoir, à la mission Jérôme du programme TET (traversons l’espace temps). Nous sommes en 2215. Je suis le directeur du programme, Michel J. Simard. Vous nous avez aidé à faire des avancées scientifiques très importantes.
2215? Voyage dans le temps? Michel J. Simard? Simard? Trop de questions! Voyant ma réaction agitée, le docteur me décoince le cou et me déconnecte de la machine cardiologique. Je m’assoie sur le lit et regarde autour de moi. La pièce dans laquelle je me trouve est grande. Tous les meubles sont blancs. Derrière mon lit, il y a une fenêtre. On est dans le plus haut gratte-ciel que j’ai jamais vu, juste en dessous des nuages.
- Alors, continue Michel J. Simard, nous savons que vous venez du passé puisque vous êtes ici car vous avez touché au premier objet temporel, soit la dernière page du journal de mon ancêtre. Jérôme a toujours essayé de voyager dans le temps. Sa dernière théorie a été passée dans ma famille depuis sa disparition.
- Disparition?
- Le soir avant la présentation de sa théorie, Jérôme s’est volatilisé. Il a réussi à voyager dans le temps. Mais, pour une raison inconnue, il n’a pas voulu revenir dans son époque. Son fils a retrouvé ses notes et les a continuées. Leurs découvertes ont été passées de génération en génération dans ma famille.
- C’était donc ça, son projet.
- Oui. Nous avons continué son travail pendant son absence. Avec l’aide de la technologie moderne c’est plus facile. Il y a quelques années, il est passé par ici, puis il est reparti avec l’une de nos cellules. Il nous a dit qu’il avait fait le voyage avec la feuille, mais qu’il l’avait échappée durant le voyage et l’avait perdue dans le temps. Grace à toi, nous avons pu remettre la main sur un des premiers moyens de transportation temporelle.
- Alors je ne peux pas garder la feuille?
- Je ne peux pas te la donner. Elle fait faire des bonds de deux cents ans à tous ceux qui la touchent. Elle est très dangereuse.
Même si je connais maintenant l’histoire au complet, je ne suis pas satisfaite. Pourquoi Jérôme voulait-il tant voir le futur? A-t-il trouvé ce qu’il cherchait? Moi, j’espère que oui.
M. Simard me fait signe de le suivre.
- Nous aimerions vous renvoyer à votre époque mademoiselle...?
- Marie-Claire… Marie-Claire Rocher
- Mademoiselle Rocher. Nous avons juste besoin que vous nous spécifiez le jour précis. Malheureusement, notre machine n’est pas parfaite et parfois elle se trompe dans les heures.
Nous entrons dans une petite salle carrée. Tout à l’intérieur est blanc. Au fond, il y a une cellule en vitre et de l’autre coté, des ordinateurs hologrammes. Le directeur me guide vers la machine et j’inscris l’information demandée pour ma destination, quoique j’ai eu un peu de difficulté à utiliser cette technologie. Il me fait signe d’entrer dans la cellule. Je regarde autour de moi une dernière fois avant que le directeur appuie sur le bouton d’envoi de l’ordinateur.
Je ferme les yeux.
Je sens l’air autour de moi se réchauffer.
Je tombe.
* * *
Marie-Claire! Où es-tu?
- J’suis ici!
Joël tourne le coin et entre dans la chambre en courant. Il reprend son souffle puis m’adresse la parole.
- J’ai fait le tour de la maison trois fois après avoir entendu ton appel. T’étais où?
- J’ai pas bougé, ben, pas beaucoup.
Je ris.
- Es-ce qu’on va finalement pouvoir savoir la fin de l’histoire de Jérôme?
- Peut-être.
- Voyons Marie-Claire! T’as la feuille, non?
- Pas vraiment
- Mais alors qu’est ce que t’as trouvé?
- J’te le dirai plus tard!
Avant qu’Il puisse répondre je quitte la chambre et m’apprête à descendre les marches.
- Viens-tu? Cette maison me donne la chair de poule! Et j’ai pas mal faim!
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