Skip Navigation
Nouveau système d'abonnement Fonds l'Eau vive banniere
Pénurie de médecins francophones : un mal incurable?
Marine Ernoult – Francopresse
/ Categories: Société, Francophonie, Santé

Pénurie de médecins francophones : un mal incurable?

D’un bout à l’autre du pays, les communautés francophones en situation minoritaire souffrent d’un manque criant de médecins de famille. Départs à la retraite, capacités de formation limitées : les causes sont multiples. Les praticiens sont aussi mal répartis et certains n’osent pas se déclarer francophones.

«Il y a une grave pénurie de médecins de famille et dans les communautés francophones en situation minoritaire, c’est encore pire», affirme le directeur général de la Société Santé en français (SSF), Antoine Désilets.

«La population vieillissante va nécessiter de plus en plus de soins et, en parallèle, le personnel de santé ne se renouvèle pas assez à la suite des importants départs en retraite», poursuit le chercheur au Centre de recherche en santé dans les milieux ruraux et du Nord de l’Université Laurentienne, en Ontario, Patrick Timony.

Pour le directeur et doyen associé au Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick (CFMNB) de l’Université de Moncton, Michel H. Landry, beaucoup de médecins de famille ont quitté la profession, «à cause du modèle de santé inadapté qui les obligeait à gérer bien d’autres aléas que leurs patients».

Le doyen appelle ainsi à une plus grande «collaboration interprofessionnelle» pour soulager leur fardeau.

Les praticiens francophones, perdus dans un océan anglophone, peuvent également se sentir isolés, estime de son côté le président de Médecins francophones du Canada, Jean Roy. Il pointe à cet égard le manque de réseaux de professionnels francophones, qui faciliteraient «les échanges et les rencontres à travers le pays».

Des chiffres qui font défaut 

Personne ne sait exactement combien de médecins de famille francophones, y compris de langue seconde, exercent en dehors du Québec. Les données précises font défaut, à en croire les experts interrogés.

«Si certaines provinces font mieux que d’autres et publient des listes, la plupart des ordres professionnels, provinces et territoires récoltent peu d’informations sur le sujet», appuie Antoine Désilets de la SSF.

Dans le cadre des accords bilatéraux sur la santé conclus entre le gouvernement fédéral et ses homologues provinciaux et territoriaux, Ottawa réclame bien des données sur le nombre de gens avec un médecin de famille, «mais ce n’est pas ventilé en fonction de la langue officielle parlée par le praticien», regrette-t-il.

Absence de volonté politique 

Selon Antoine Désilets, le premier responsable de cette pénurie reste néanmoins le manque de formations offertes en français à l’extérieur du Québec.

Seules les universités de Moncton et d’Ottawa offrent des cursus intégralement en français. À Sudbury, l’École de médecine du Nord de l’Ontario propose bien un volet francophone, «mais il y a très peu d’éducation en français», note Patrick Timony.

À l’Ouest, presque rien n’existe, si ce n’est le programme de médecine bilingue de l’Université du Manitoba. D’après Jean Roy, la province envisagerait toutefois de créer une résidence de médecine familiale en français.

«Le nombre de places [de formation au pays] a augmenté depuis la pandémie, mais pas de façon substantielle», relève Antoine Désilets. La capacité d’accueil du CFMNB est ainsi passée de 24 à 32 étudiants entre 2006 et 2023; celle de la faculté de médecine d’Ottawa plafonne à 50.

«Il y a une certaine forme de négligence et de non-dit des gouvernements qui ne voient pas l’intérêt d’augmenter le nombre d’étudiants, car ça coute cher», dénonce Jean Roy.

«Tant que les francophones ne gèrent pas eux-mêmes leurs institutions de formation et de soins, on finit par se faire avoir. On passe plus de temps à se battre pour nos droits qu’à faire le travail qu’on devrait faire.»

Multiplier les expériences en français

Après leurs études, les francophones ne choisissent pas tous de pratiquer en français. À la faculté de médecine d’Ottawa, qui accueille chaque année huit jeunes de l’extérieur du Québec et de l’Ontario, environ 65 % des finissants retournent dans leur communauté francophone en situation minoritaire. À Moncton, ce sont 80 % des diplômés qui restent dans les Maritimes.

«Mais environ 30 % vont du côté anglophone, car tous nos étudiants sont bilingues et, parfois, ils se voient offrir de meilleures conditions de travail», rapporte Michel H. Landry.

Pour retenir ces jeunes médecins, les stages dans les communautés francophones sont cruciaux, et ce, tout au long de leurs études.

«Plus ils sont immergés dans la francophonie, exposés à des milieux de pratique en français, plus il y a de chance qu’ils y retournent une fois diplômés, car ils connaitront déjà le tissu social et professionnel», confirme Jean Roy.

Des médecins étrangers écartés 

Les francophones en situation minoritaire se voient privés d’une autre ressource non négligeable : les médecins nouvellement arrivés, qui ont obtenu leur diplôme à l’étranger.

«Il n’existe aucune entente avec les pays d’Afrique de l’Ouest et du Nord pour reconnaitre les diplômes obtenus là-bas», déplore Antoine Désilets de la SSF.

À leur arrivée, les professionnels étrangers doivent par ailleurs démontrer un niveau avancé d’anglais, avant même d’effectuer une formation médicale de mise à niveau.

«Il y a tellement de barrières d’entrée. C’est un parcours du combattant pour qu’ils exercent au Canada», confirme le professeur à l’Université Laurentienne, Patrick Timony.

Penser à la répartition

L’enjeu est de former plus de praticiens, mais aussi de mieux identifier ceux déjà dans le système de santé. En Ontario par exemple, près de 4 % des médecins ont le français pour langue maternelle et quelque 11 % peuvent exercer en français, détaille Patrick Timony.

«En termes de chiffre, il semble y en avoir assez. Le problème, c’est qu’il y a une maldistribution, ils ne sont pas nécessairement là où les besoins sont les plus grands», analyse-t-il.

Selon les résultats d’une étude qu’il a réalisée, «plus le nombre de francophones est élevé dans une municipalité, moins il y a de médecins qui s’identifient compétents en français». De nombreux médecins n’osent pas se déclarer francophones, car ils ont été formés en anglais et «n’ont pas assez confiance dans leur niveau de langue», souligne Patrick Timony.

«Ils savent qu’en s’affichant, ils auront une surcharge de travail, car ils devront faire la même chose que leurs confrères anglophones et s’occuper en plus des malades francophones», ajoute Antoine Désilets.

Des médecins sous les radars 

Le responsable de la SSF n’hésite pas à parler de «pénurie apparente», car la «compétence linguistique est sous-valorisée».

«À l’échelle du pays, il n’existe quasiment aucun processus pour associer des patients avec des praticiens francophones, assure-t-il. Reconnaitre la langue comme une compétence de travail aiderait à faire un meilleur jumelage.»

Aujourd’hui, les praticiens évaluent eux-mêmes leur niveau de langue. Lorsqu’ils s’enregistrent auprès de leur ordre professionnel, provincial ou territorial, ils doivent remplir un questionnaire et cocher la ou les langues dans lesquelles ils sont compétents pour offrir un service.

Antoine Désilets plaide pour l’abandon de ce système «auto-rapporté» et réclame des «tests standardisés objectifs», à même d’évaluer les capacités linguistiques.

Patrick Timony estime pour sa part qu’il sera difficile d’imposer de tels examens aux professionnels, dont la pratique est caractérisée par «une très grande indépendance».
 

Quelles que soient les solutions envisagées, il y a urgence. La demande de soins continuera à augmenter dans les prochaines années, avec la hausse du nombre d’immigrants que vient d’annoncer le gouvernement fédéral.

Print
2224

Marine Ernoult – FrancopresseGhita Hanane

Other posts by Marine Ernoult – Francopresse
Contact author

Contact author

x
Ça sautait, ça courait et ça lançait lors des derniers jeux du CÉF...

Ça sautait, ça courait et ça lançait lors des derniers jeux du CÉF...

Jeudi 5 et vendredi 6 juin derniers, à Prince Albert, ça grouillait d’activité sportive lors des derniers jeux d’athlétisme pour les élèves de la 7e à la 12e année faisant partie du Conseil des écoles fransaskois (CÉF).

Thursday, June 12, 2014/Author: Claude Martel/Number of views (29905)/Comments (0)/
Les élèves de l'école Boréale relèvent le Grand défi Pierre Lavoie

Les élèves de l'école Boréale relèvent le Grand défi Pierre Lavoie

Les élèves de dix écoles élémentaires fransaskoises participent au programme « Lève-toi et bouge ».  Le but de ce programme est de faire des activités physiques propres à stimuler leur rythme cardiaque et à promouvoir une saine alimentation. L’effort de chacun se mesure en « cubes-énergie », une unité de mesure inventée spécialement pour cette compétition. Dans sa plus simple expression, le cube-énergie égale 15 minutes d’activité.

Thursday, June 12, 2014/Author: Laurent Desrosiers/Number of views (27775)/Comments (0)/
Radisson... Allez! Tasse-toi...

Radisson... Allez! Tasse-toi...

Mardi 3 et mercredi 4 juin derniers, avait lieu la foire provinciale du patrimoine à la maison du lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan. Cet endroit est le pied-à-terre de sa majesté, la reine Élizabeth II de l’Angleterre, lorsqu’elle et son mari viennent faire un tour dans notre coin de pays.

Thursday, June 12, 2014/Author: Claude Martel/Number of views (26130)/Comments (0)/

Nikolas Gélinas : Récit d’une réussite

Nikolas se dit fier d’avoir remporté le prix de la Pensée historique. Il peut l’être. Derrière ce prix, ce sont des dizaines d’heures de recherches et un investissement total dans un projet.

Thursday, June 12, 2014/Author: Alexandre Daubisse (EV)/Number of views (24558)/Comments (0)/
Réalisation d’une murale au Pavillon secondaire des Quatre Vents

Réalisation d’une murale au Pavillon secondaire des Quatre Vents

Cette murale est le fruit d’un projet pluridisciplinaire Génie-arts, qui réunit éducation artistique, sciences humaines et français en 8e année. Au cours du deuxième semestre, les élèves ont produit une murale, un texte de création littéraire et un travail de recherche afin de répondre à la question : « Quel est le vécu et l’héritage des Fransaskois dans le patrimoine canadien à travers le temps? ». 

Thursday, June 12, 2014/Author: Alexandre Daubisse (EV)/Number of views (30213)/Comments (0)/
Juges unilingues à la foire du patrimoine

Juges unilingues à la foire du patrimoine

Les Francophones ont-ils toutes leurs chances?

La phase finale des foires du patrimoine 2014 a eu lieu les mardi et mercredi, 3 et 4 juin derniers, à la Maison du Gouverneur. Plusieurs projets francophones étaient en lice pour la finale provinciale, mais une seule juge bilingue était présente, ce qui a contraint le candidat des écoles du CÉF, dont le projet était en français, d’improviser une présentation en anglais pour défendre ses chances. Pourquoi?

Thursday, June 12, 2014/Author: Alexandre Daubisse (EV)/Number of views (28506)/Comments (0)/
Fête des finissants à Zenon Park

Fête des finissants à Zenon Park

Briller dans le monde comme l’étoile dans la nuit

C’était le 24 mai dernier, une fête extraordinaire pour des finissants extraordinaires. Après 12 ans de scolarité, familles et amis étaient réunis afin de célébrer leur succès, leur engagement, les projets et les rêves de Karie-Anne Lépine, Wiliam Arty et Andréa Perrault.

Thursday, June 12, 2014/Author: Amy-Valérie Olivier – CÉF/Number of views (29062)/Comments (0)/

Un groupe de parent réclame du sang neuf au CSF

Entretien avec Alpha Barry du regroupement des parents anciennement silencieux

Selon Alpha Barry, les parents anciennement silencieux comptent 105 membres à Regina, Saskatoon, Ponteix, Gravelbourg et Moose Jaw et sont de plus en plus nombreux. Les membres sont les parents et grands-parents des clients et futurs clients du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF).

Thursday, June 12, 2014/Author: Alexandre Daubisse (EV)/Number of views (25985)/Comments (0)/
Les Bout'Choux DayCare: nouvelle garderie en milieu familial

Les Bout'Choux DayCare: nouvelle garderie en milieu familial

Samedi 14 juin, de 15 h à 18 h, madame Saïda Chehaima ouvrira officiellement sa garderie familiale francophone. Elle pourra accueillir jusqu’à huit enfants, de quelques semaines à six ans.

6/14/2014 3:00 PM/Author: Alexandre Daubisse (EV)/Number of views (23568)/Comments (0)/

Francine Proulx-Kenzle se prononce sur la situation du CSF

Il faut dialoguer et rétablir la confiance

Comme mamie fransaskoise, je suis très inquiète pour l’avenir de l’éducation en français dans notre communauté. Je reconnais que les défis sont nombreux et importants. Comment faire pour les relever?

Wednesday, June 11, 2014/Author: Francine Proulx Kenzle/Number of views (19834)/Comments (0)/
Récital de musique à l’école Providence de Vonda

Récital de musique à l’école Providence de Vonda

À la veille de la fin de l’année scolaire, des élèves de l’école Providence de la prématernelle à la 6e année ont offert un spectacle de très grande qualité à un public venu nombreux.

Wednesday, June 11, 2014/Author: Abdoul Sall – ACFT/Number of views (27284)/Comments (0)/
Un réseau pancanadien francophone court-circuité?

Un réseau pancanadien francophone court-circuité?

Alphabétisation et compétences essentielles

Après un an de silence, le ministère d’Emploi et Développement social Canada (EDSC) a rendu sa réponse. C’est non à l’éducation aux adultes francophones et acadiens par les francophones et Acadiens. Un non sans explications qui met en péril l’existence même des réseaux d’alphabétisation et de compétences essentielles (ACE). 

Tuesday, June 10, 2014/Author: Lucien Chaput (Francopresse)/Number of views (26437)/Comments (0)/

Soirée « arts et spectacle » au PSQV

Les élèves du Pavillon secondaire des Quatre-Vents, en partenariat avec l’Association canadienne-française de Regina, invitent le public à participer à leur soirée « Arts et spectacle ». Ce sera vendredi le 13 juin prochain de 17 h à 19 h, au Carrefour Horizon
(1440 9e Avenue Nord, Regina).

6/13/2014 5:00 PM/Author: ACFR/Number of views (13633)/Comments (0)/

Le culte du silence

Le culte du silence devient de plus en plus la norme.  Du moins en public.  Au lieu de parler ouvertement, on rumine en silence. Et le mécontentement croît.  

Thursday, June 5, 2014/Author: Jean-Pierre Picard/Number of views (25165)/Comments (0)/

Les 7e années de Mgr de Laval changent d’école

Le Pavillon secondaire des Quatre Vents de l’école Laval (PSQV) à Regina accueillera les élèves de la 7e année à la rentrée 2014.

Thursday, June 5, 2014/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (23512)/Comments (0)/
RSS
First2728293032343536

 - Sunday 22 December 2024