Skip Navigation
Abolir la monarchie, c’est faire un nouveau pays

Abolir la monarchie, c’est faire un nouveau pays

CHRONIQUE – Le couronnement de Charles III, roi du Canada, est l’occasion de l’expression d’un fort sentiment antimonarchiste. Mais en fait le problème va beaucoup plus loin que la présence d’un règne héréditaire ou d’une famille royale à la fortune immense.

Bien que le monarque et sa représentation aux niveaux fédéral et provincial jouent un rôle limité dans les structures politiques, l’existence même du pays dépend du concept légal de la Couronne. Et l’abolition de la Couronne serait le véritable test de nos principes démocratiques.

Certes, il serait possible de faire disparaitre toute référence à la monarchie, faire du Canada (ou du Québec) une république, et transférer tous les pouvoirs et la propriété qui dépendent de la Couronne vers un autre concept ou corps politique. Mais rien ne changerait dans les faits ni dans la réalité juridique du pays.

Comme d’autres pays l’ont déjà fait, l’abolition de la monarchie et de la Couronne exigerait une révolution, c’est-à-dire une transformation entière de l’ordre politique et de l’ordre économique dont l’État est le garant. Et cette transformation commencerait par une renégociation des relations de nation à nation entre le Canada et les Premiers Peuples, qui n’ont jamais cédé leurs territoires.

En effet, on ne peut abolir la monarchie sans abolir la Couronne, et on ne peut abolir la Couronne sans prévoir un renouvèlement des traités avec les peuples autochtones qui ont permis la colonisation européenne puis canadienne.

Le mouvement Idle No More avait notamment demandé de rencontrer le gouverneur général David Johnston, en tant que représentant de la Couronne. Une délégation de chefs autochtones vient d’ailleurs tout juste de rencontrer le roi Charles III afin d’approfondir la relation avec la Couronne.

D’autres chefs autochtones espèrent que le nouveau monarque répudiera la doctrine de la découverte, tandis que la gouverneure générale Mary Simon met l’accent sur la discussion et la création d’une relation.

D’autres nations encore ont déclaré qu’elles auraient refusé de participer au couronnement si elles avaient été invitées.

La Couronne, plus qu’une abstraction

Une excursion rapide dans le domaine du droit constitutionnel montre qu’il y a une différence entre le monarque et la Couronne.

Le monarque occupe une fonction, qui lui revient de manière héréditaire, tandis que la Couronne est plus vaste et a un ensemble de représentations (gouverneure générale, lieutenants-gouverneurs) et de pouvoirs qu’elle délègue ou qui sont simplement exercés par le gouvernement en son nom.

La Couronne est à tel point imbriquée dans le fonctionnement de l’État et notamment du gouvernement qu’il serait impossible de la retirer sans tout bouleverser.

C’est la Couronne qui est propriétaire de 89 % du territoire canadien (ce sont les terres de la Couronne).

Et ce n’est pas tout : à proprement parler, tout le territoire canadien (y compris les réserves autochtones) appartient au domaine de la Couronne, d’où sa capacité à prélever des impôts et à céder des droits d’exploitation minière ou autre à des compagnies privées.

C’est toujours elle qui a la responsabilité de lancer les poursuites judiciaires. Pour cette raison, notre système juridique compte des procureurs de la Couronne.

Tout compte fait, le monarque est souverain, et le peuple canadien ne l’est pas. La population peut simplement choisir qui exercera la plupart des pouvoirs de la Couronne.

Les traités et l’existence du Canada

Tant à l’époque de Louis XIV qu’à l’époque victorienne, l’entité politique qui s’appelle maintenant «Canada» s’est établie sur la base de traités qui reconnaissent au moins implicitement la souveraineté des peuples autochtones.

Étant donné le principe que les États successeurs maintiennent les obligations de ceux qui les précèdent, la Couronne britannique a hérité des traités négociés par la Couronne française, et la Couronne canadienne en est aujourd’hui la garante.

La souveraineté à proprement dite canadienne ne s’établit qu’à partir du début du XXe siècle, alors que la Couronne a pris pour conseiller non plus le gouvernement de la Grande-Bretagne, mais bien celui du Canada. La reine Elizabeth II fut ainsi la première reine du Canada.

Cette souveraineté canadienne s’établit toutefois sur des fondations instables.

D’abord, les traités avec les Premiers Peuples n’ont pas inclus la négociation d’une cession des terres (à part peut-être certains des «traités modernes»).

Le territoire demeure ainsi autochtone, malgré le fait que le transfert des terres ait été ajouté au texte des traités après les négociations, comme le montre l’historien Sheldon Krasowski et comme l’affirment depuis longtemps les Premiers Peuples.

Ces derniers n’ont jamais accepté de devenir des sujets britanniques ni des citoyens canadiens, mais devaient plutôt maintenir leur propre souveraineté.

Ensuite, les traités ont souvent été brisés ou violés, ce qui remet en question la validité de la souveraineté qu’ils devaient rendre possible.

Le débat sur le serment, un simple contrespectacle

Il y a une forme d’hypocrisie dans la nouvelle loi québécoise qui retire l’obligation du serment au roi et chez les politiciens refusant de prêter ce serment, mais qui continuent de mettre de l’avant des projets dépendants de la souveraineté portée par la Couronne ou encore qui vont à l’encontre des traités.

C’est avant tout une manière de s’opposer à un Canada imaginaire – imaginé comme un Canada anglais et monarchiste, alors qu’une opposition à la monarchie est tout autant présente hors du Québec qu’elle ne l’est en son sein.

À l’extérieur du Québec, en langue anglaise, un débat sur la monarchie a cours depuis longtemps, et la question demeure avant tout de savoir par quoi remplacer la Couronne.

Ce qu’on abolirait avec la monarchie

Une véritable abolition de la monarchie supposerait plutôt l’invalidation de la souveraineté qui se trouve hors de la population canadienne, du régime de propriété des terres, ainsi que du système juridique en place.

Une telle abolition libèrerait l’imagination pour dépasser les tièdes propositions de réforme des institutions «démocratiques» actuelles.

Nous pourrions alors commencer par reprendre les traités, afin que la loi, la propriété et le pouvoir reviennent au peuple – et, dans le contexte d’un pays dont l’existence dépend de traités, qu’ils reviennent aux peuples qui le composent, en commençant par les Premiers Peuples.

Notice biographique
Jérôme Melançon est professeur agrégé en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont «La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie» (Metispresses, 2018).
 
Print
2962

Jérôme Melançon, chroniqueur – FrancopresseFrancopresse

Other posts by Jérôme Melançon, chroniqueur – Francopresse
Contact author

Contact author

x
Robert Craig, lauréat du prix Prix Alpha Sask

Robert Craig, lauréat du prix Prix Alpha Sask

Grâce à la communauté fransaskoise j’ai pu garder mon français

Cette année, le prix Alpha Sask récompensait un texte répondant à la thématique Pourquoi avez-vous décidé d’apprendre le français? C’est totalement par hasard que Robert Craig est tombé sur l’affiche du concours, pendant sa pause café. C’était le dernier jour pour envoyer les textes. Il a décidé de tenter sa chance. En effet, il avait bien des choses à dire sur son histoire d’amour avec le français.

Thursday, November 20, 2014/Author: Alexandra Drame (EV)/Number of views (26204)/Comments (0)/
Parents et petits à Prince Albert

Parents et petits à Prince Albert

Des activités ludiques... en français!

Si vous vous promenez du côté de la bibliothèque John M. Cuelenaere à Prince Albert, le samedi matin vers 10 h, vous assisterez à  la venue d’une joyeuse troupe mêlant parents et enfants et ayant pour but la découverte du français de façon amusante.

Thursday, November 20, 2014/Author: Ahmed Hassan (EV)/Number of views (30621)/Comments (0)/
École St-Isidore : de bonnes raisons pour se réjouir

École St-Isidore : de bonnes raisons pour se réjouir

Terry Gaudet nommé l’entraîneur de performance masculine de l’année par l’Association de Volleyball de la Saskatchewan.

À l’École St-Isidore, il y a cette année bien des raisons de se réjouir. On vient de mettre la dernière touche au plancher tout neuf du gymnase, un sol de sport Pulastic. Cette nouvelle acquisition arrive à point nommé. En effet, l’école et la communauté de Bellevue, en collaboration avec la communauté de Wakaw, seront les hôtes du tournoi de volleyball de la ligue provinciale masculine 3A de la Saskatchewan High School Athletics Association (SHSAA) 

Thursday, November 20, 2014/Author: Jennie Baudais (CÉF)/Number of views (32647)/Comments (0)/
Les jeunes s’emparent du Parlement

Les jeunes s’emparent du Parlement

REGINA - Le Parlement franco-canadien du Nord et de l'Ouest (PFCNO) se déroule chaque année et rassemble les jeunes francophones des provinces du Nord et de l'Ouest du Canada. Cet évènement national donne la chance aux jeunes qui ont entre 16 et 25 ans de donner leur propre avis à propos des politiques adoptées par le Parlement officiel et, bien sûr, de se faire plein d’amis.

Thursday, November 13, 2014/Author: Anonym/Number of views (31732)/Comments (0)/
Pour une éducation fransaskoise de la pré-maternelle à l’université

Pour une éducation fransaskoise de la pré-maternelle à l’université

L'éducation au coeur des discussions au Rendez-vous fransaskois 2014

SASKATOON - Cette année, l’édition 2014 du Rendez-vous fransaskois se déroulait à Saskatoon sous le thème de l’éducation. En ouverture, samedi le 8 novembre, la présidente nouvellement réélue de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF), Françoise Sigur-Cloutier, a rappelé l’importance de cette thématique. Ainsi, selon elle, ‘’toute la valeur de notre communauté dépend de cette cause’’

Wednesday, November 12, 2014/Author: Arnaud Decroix/Number of views (31195)/Comments (0)/

Postsecondaire : petit voyage dans le temps

Au Rendez-vous fransaskois, le kiosque de l’Eau vive permettait de faire un petit voyage dans le temps en se promenant dans les albums de l’hebdomadaire des 30 dernières années. Les gens s’amusaient à regarder les photos des membres de la communauté à une époque où les cheveux étaient plus foncés ou plus fournis.

Wednesday, November 12, 2014/Author: Jean-Pierre Picard/Number of views (25497)/Comments (0)/
Mais que font les professeurs quand ils ne sont pas en classe?

Mais que font les professeurs quand ils ne sont pas en classe?

Congrès annuel de l’Association des professeurs de français de la Saskatchewan (APFS)

Quand vous regardez le calendrier scolaire de votre enfant, vous voyez toutes ces journées mystérieuses : perfectionnement professionnel, session de planification, conventions... Et je suis sûre que vous vous demandez ce que ce font les enseignants au lieu d’être en classe avec votre enfant. 

Thursday, November 6, 2014/Author: Alexandra Drame (EV)/Number of views (27359)/Comments (0)/
L’École Valois à l’heure de l’Halloween

L’École Valois à l’heure de l’Halloween

PRINCE ALBERT - Sous les yeux du Père Valois, le fondateur de la seule école francophone de Prince Albert, et avec l’accord de M. RIVARD, directeur des lieux, les chaises, les tables et les enfants studieux ont laissé place à des locataires d’un soir à savoir des fantômes, des animaux de la nuit, des toiles d’araignée et beaucoup d’autres personnages.

Thursday, November 6, 2014/Author: Ahmed Hassan Farah (EV)/Number of views (27946)/Comments (0)/
« Ne pas perdre ma langue! »

« Ne pas perdre ma langue! »

Jamie Gignac de Vonda au Campus St-Jean

Il y a deux ans, la Fransaskoise Jamie Gignac, alors élève de 12e année à l’école Providence de Vonda, s’est retrouvée devant un dilemme : quoi faire au terme de ses études secondaires? « J’ai changé d’idée au moins cinq fois en cours d’année », avoue candidement la jeune femme. 
Wednesday, October 29, 2014/Author: Étienne Alary/Number of views (30550)/Comments (0)/
Mgr de Laval lutte contre la faim, avec enthousiasme

Mgr de Laval lutte contre la faim, avec enthousiasme

Certains auront du mal à y croire. « La faim existe au Canada »1, qui fait partie des 10 pays les plus riches de la planète. Les élèves de l'école Mgr de Laval de Regina ont décidé de faire quelque chose.

Wednesday, October 22, 2014/Author: Luc Bengono/Number of views (28262)/Comments (0)/
Congrès annuel du Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada (RCCFC)

Congrès annuel du Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada (RCCFC)

François Kasongo élu représentant de l'Ouest au conseil d'administration

Plus de 85 personnes, présidences des collèges, directions générales, directions des études et de la formation continue, ainsi que de nombreux partenaires, ont participé encore une fois au congrès annuel du Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada (RCCFC) qui s’est tenu les 2 et 3 octobre derniers à Ottawa sous l’égide de La Cité. 

Wednesday, October 22, 2014/Author: Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada (RCCFC)/Number of views (28664)/Comments (0)/
Congrès de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones

Congrès de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones

La Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF) représentant environ 150 000 élèves de langue française répartis dans plus de 640 écoles partout au pays tenait son congrès annuel sur le thème du démarchage, à Niagara Falls, du 16 au 18 octobre.

Wednesday, October 22, 2014/Author: L'Eau vive/Number of views (29073)/Comments (0)/
Émile Fortier: Comme une grande famille!

Émile Fortier: Comme une grande famille!

Un fransaskois au Campus St-Jean d'Edmonton

EDMONTON - Avec ses 750 étudiants, le Campus Saint-Jean est considéré comme un petit établissement au sein de l’Université de l’Alberta qui accueille chaque année près de 30 000 étudiants.

Wednesday, October 22, 2014/Author: Étienne Alary/Number of views (29627)/Comments (0)/
Capacité d’apprentissage: Six lieux, 3 groupes et un couffin

Capacité d’apprentissage: Six lieux, 3 groupes et un couffin

Des chercheurs ont suivi pendant quatre ans des jeunes enfants en milieu minoritaire pour mesurer l’impact d’un programme enrichi créé en Saskatchewan. Le résultat est « significatif » et pertinent.

Wednesday, October 22, 2014/Author: Anonym/Number of views (25399)/Comments (0)/

Des facteurs socioéconomiques et culturels influent sur la performance au chapitre de l'éducation et des compétences

Il faut mieux comprendre les défis particuliers auxquels sont confrontés les autochtones.

Selon un nouveau rapport du Conference Board du Canada sur l'éducation et les compétences dans les territoires produit dans le cadre de l'analyse Les performances du Canada, les résultats des territoires au chapitre de l'éducation et des compétences sont inférieurs à ceux des provinces en raison d'écarts notables entre les niveaux de scolarité des populations autochtones et non autochtones.

Thursday, October 16, 2014/Author: Conference Board of Canada/Number of views (21315)/Comments (0)/
RSS
First2122232426282930Last

 - Thursday 23 May 2024