Skip Navigation
Régulariser l’immigration au Canada
Jérôme Melançon — chroniqueur Francopresse
/ Categories: Immigration, Politique

Régulariser l’immigration au Canada

FRANCOPRESSE – Au Canada, plus de 500 000 personnes vivraient sans statut migratoire, c’est-à-dire sans documentation, sans papiers, sans titre les autorisant à séjourner au pays. Étant donné la lettre de mandat du premier ministre Justin Trudeau au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, plusieurs voix s’élèvent pour demander que le statut de ces personnes soit régularisé. La Semaine nationale de l’immigration francophone actuellement en cours est un moment tout indiqué pour penser aux politiques qui créent une telle situation.

C’est d’abord le Migrant Rights Network qui a demandé la régularisation des sans-papiers. Une demande qui a été rapidement reprise et adressée au gouvernement du Québec par un groupe d’organisations communautaires et syndicales à la fin octobre. Plus récemment, un groupe d’universitaires ont ajouté leurs voix à cette demande.

Les raisons d’être au Canada sans statut sont nombreuses : il suffit par exemple d’avoir quitté un emploi dangereux ou un environnement de travail abusif, d’avoir essuyé un refus à une demande de statut de personne réfugiée ou de se voir refuser le renouvèlement du statut d’études ou de travail.

Dans la plupart des cas, les personnes sans statut ont d’abord été accueillies au Canada et s’attendaient à pouvoir y demeurer. Elles ont tissé des liens d’amitié, participent à des réseaux d’entraide; elles se sont adaptées à ce que la société demandait d’elles; elles ont payé des taxes et des impôts; elles ont fait les démarches administratives pour pouvoir demeurer au Canada; elles ont planifié leur vie autour de ce projet.

L’absence de statut est avant tout un échec des politiques d’immigration en place et touche le plus souvent des femmes, des personnes racialisées et des personnes à faible revenu.

Sans statut, donc sans recours, elles sont poussées dans des situations de pauvreté, sont vulnérables à des abus au travail, n’ont pas accès à des soins de santé. Plusieurs craignaient même d’être déportées si elles se présentaient à une clinique de vaccination contre la COVID-19.

Et même si l’absence de statut est une question d’ordre administratif, ces immigrant·es sont souvent envoyé·es dans des pénitenciers provinciaux, où leur détention devient de juridiction criminelle. Même dans les nouveaux centres de détention, l’atmosphère est carcérale.

La valorisation de l’immigration francophone

À première vue, la réalité vécue par les immigrant·es sans statut peut sembler éloignée des communautés francophones et acadienne. Toutefois, cette réalité découle des mêmes politiques et des mêmes attitudes envers l’immigration.

La manière dont est présentée la Semaine nationale de l’immigration francophone de 2022 montre une hésitation entre deux manières de valoriser l’immigration. D’une part, elle cherche à «mettre en valeur nos communautés francophones plurielles et inclusives»; de l’autre, elle vise à «célébrer la richesse de la diversité culturelle et l’apport des immigrants et immigrantes dans les collectivités francophones et acadiennes».

Autrement dit, il s’agit pendant cette semaine de justifier l’immigration, de prouver qu’elle apporte du bien aux communautés francophones et acadienne et de montrer que cet accueil se déroule bien.

Mais d’une part comme de l’autre, ce sont la communauté et la société d’accueil qui sont au centre de la discussion, et non les personnes désirant émigrer au Canada ou y rester. Ce sont donc les droits des communautés d’accueil (notamment les droits linguistiques) et ceux de l’État de choisir à qui étendre l’hospitalité qui sont d’abord pris en compte.

Une inclusion sélective

Par ailleurs, l’inclusion de l’immigration est sélective. D’abord, et on le sait, le caractère inclusif des communautés d’accueil au Canada doit être pesé en relation au racisme qui y existe. Les efforts en faveur de l’inclusion ne répondent souvent pas aux expériences vécues de racisme interpersonnel et systémique.

Ensuite, l’inclusion dépend d’une présélection, donc d’une exclusion des gens que l’on ne voudrait pas inclure. Des personnes immigrantes sont choisies en fonction de ce qu’elles apportent, de ce qu’elles pourraient contribuer. D’autres sont alors exclues — comme c’est le cas des étudiant·es africain·es.

L’exclusion passe autant par la déchéance du statut ou son non-renouvèlement que par la répression policière ou l’expulsion du pays — ce qui met en danger les principes mêmes de la démocratie.

Il y a donc une marginalisation des personnes immigrantes qui continue au sein des communautés d’accueil, ainsi qu’une exclusion hors de ces communautés qui est inscrite au sein même des politiques d’immigration.

À cette marginalisation et à cette exclusion répondent plusieurs formes de criminalisation, à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté politique canadienne.

Un projet colonial qui continue

Les politiques d’immigration, tant par les inclusions que par les exclusions qu’elles définissent, poursuivent un projet qui s’appelait autrefois la colonisation : l’occupation du territoire par le déplacement de personnes qui pourront assurer une présence au nom de l’État qui réclame le territoire et ses ressources.

En 2021, le pourcentage de la population canadienne qui est née hors du pays a sans doute dépassé pour la première fois le seuil des 22,2 % atteint en 1931.

La gestion de la colonisation et de l’immigration a toujours été en partie déléguée à diverses compagnies. Aujourd’hui, elle est déléguée en partie aux communautés francophones et acadiennes.

Or, cette gestion a lieu sans consultation avec les Premiers Peuples, sans respect pour leur droit à l’autodétermination, et dans un renversement des droits limités d’établissement et de peuplement accordés aux Européen·nes dans certaines ententes ou traités.

Pour une politique d’immigration juste

La régularisation du statut est d’autant plus importante que les politiques d’immigration ont une influence sur l’empathie des personnes non immigrantes envers les personnes immigrantes, même celles qui ont un statut officiel.

Pour qu’une politique de régularisation fonctionne, la participation des groupes touchés sera essentielle — c’est ce que les communautés francophones nomment une approche «par et pour». La politique doit également reconnaitre que le droit à la mobilité vient avant le droit d’exclure ou de contrôler l’entrée sur un territoire — surtout puisque ce territoire n’a pas été cédé par ses habitants d’origine.

Dans leurs revendications en matière d’immigration, les communautés francophones peuvent jouer un rôle d’appui à une telle politique de régularisation et ainsi transformer leurs propres politiques afin de se montrer inclusives dès la sélection des immigrant·es.

Jérôme Melançon est professeur agrégé en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont «La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie» (Metispresses, 2018).
Print
5767

Jérôme Melançon — chroniqueur FrancopresseFrancopresse

Other posts by Jérôme Melançon — chroniqueur Francopresse
Contact author

Contact author

x

Une étape importante pour le postsecondaire francophone en Saskatchewan

SASKATOON - C’est surtout le dossier du postsecondaire qui a retenu l’attention de l’Assemblée des députés communautaires (ADC) de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) lors de sa rencontre à Saskatoon les 6, 7 et 8 mars 2015.

Tuesday, March 10, 2015/Author: Michel Vézina/Number of views (30234)/Comments (0)/
Thursday, March 5, 2015/Author: Frédéric Dupré (Courrier du lecteur)/Number of views (26513)/Comments (0)/
Visite au Carrefour Horizons

Visite au Carrefour Horizons

Le 26 février dernier, les étudiants du Certificat en français langue seconde du Département de français de l’Université de Regina sont venus faire la tournée des organismes fransaskois, logés au Carrefour Horizons de Regina

Thursday, March 5, 2015/Author: Jean-Pierre Picard (EV)/Number of views (27666)/Comments (0)/
Célébration du Mois de l'histoire des Noirs à Mgr de Laval

Célébration du Mois de l'histoire des Noirs à Mgr de Laval

REGINA - Le 27 février 2015, Dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs, une soixantaine d’élèves de l’École Mgr de Laval, à Regina, ont participé à l’organisation d’une journée d’activités sous la gouverne de Mbaye Biteye, enseignant d’origine sénégalaise. 

Thursday, March 5, 2015/Author: L'Eau vive/Number of views (35238)/Comments (0)/
Non à l’intimidation

Non à l’intimidation

Journée du Chandail rose à Gravebourg

Le 25 février, les élèves de l’École Beau Soleil et École secondaire Collège Mathieu, à Gravelbourg ont souligné la journée du Chandail rose, visant à lancer un message contre l’intimidation

Thursday, March 5, 2015/Author: L'Eau vive/Number of views (32821)/Comments (0)/

Le Conseil des écoles fransaskoises pleure le décès soudain d’un de ses élèves

St-Isidore-de-Bellevue, le 4 mars 2015 - Le Conseil des écoles fransaskoises (CÉF) - en particulier la communauté scolaire de l'École St-Isidore à Bellevue - est en deuil suite au décès de l'un de ses étudiants plus tôt aujourd'hui, comme il a été rapporté dans les médias. 

Wednesday, March 4, 2015/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (27283)/Comments (0)/
L’Institut français devient le premier centre officiel de passation des TEF en Saskatchewan

L’Institut français devient le premier centre officiel de passation des TEF en Saskatchewan

L’institut français est devenu le premier établissement en Saskatchewan reconnu par le Centre de langue française de la CCI Paris Ile-de-France, pour administrer le Test d’évaluation de français (TEF). 

Wednesday, March 4, 2015/Author: La Cité universitaire francophone/Number of views (30149)/Comments (0)/
L’école française au Nunavut : des parents exigent le départ des commissaires et de la direction générale

L’école française au Nunavut : des parents exigent le départ des commissaires et de la direction générale

IQALUIT - On entend rarement parler de l’École des Trois-soleils, à Iqaluit, la plus nordique des écoles françaises de la planète. Même quand ça va mal.

Friday, February 20, 2015/Author: Anonym/Number of views (23957)/Comments (0)/
Un carnaval métis et canadien-français à l'école George Lee School

Un carnaval métis et canadien-français à l'école George Lee School

REGINA - Pour la 3e année consécutive, le carnaval célébrant les cultures métis et canadienne-française a battu son plein à l’école George Lee de Regina le 12 février dernier. Pour l’organisatrice de l’événement, Jessica Irvine, enseignante de français de base à cette école, tous attendaient la journée du carnaval avec impatience et l'événement a été un franc succès. 

Friday, February 20, 2015/Author: Émilie Dessureault-Paquette /Number of views (28733)/Comments (0)/
L’école de Debden célèbre la semaine du français langue seconde

L’école de Debden célèbre la semaine du français langue seconde

L’école de Debden a célébré la semaine de français/deuxième langue du 2 au 6 février. Le thème cette année était Comment fais-tu vivre le français dans ton école? 

Friday, February 20, 2015/Author: Anne Blais (EV)/Number of views (33687)/Comments (0)/
Journée de l’alphabétisation familiale 2015

Journée de l’alphabétisation familiale 2015

Le Collège Mathieu désire remercier toutes les personnes qui ont consacré du temps aux activités d’apprentissage avec les enfants du 27 janvier au 1er février dernier, dans le cadre de notre programme de littératie familiale. Les activités réalisées, très diversifiées et enrichissantes, visaient à susciter le goût de la lecture pour le développement intellectuel et le bien-être des enfants.

Thursday, February 12, 2015/Author: Collège Mathieu/Number of views (24119)/Comments (0)/

À l’heure de la littératie à Prince Albert

À l'initiative de sa directrice, Sandra Hassan Farah, le Centre éducatif Trésors du Monde de Prince Albert a participé à l'événement 15 minutes de littératie familiale organisé par le Collège Mathieu.

Thursday, February 12, 2015/Author: Ahmed Hassan (EV)/Number of views (30125)/Comments (0)/
La place de l’anglais dans les écoles fransaskoises

La place de l’anglais dans les écoles fransaskoises

« Une discussion qui doit avoir lieu » – Donald Michaud

SASKATOON - Pour Donald Michaud, le directeur de l’éducation par intérim au Conseil des écoles fransaskoises (CÉF), la place de l’anglais dans les écoles fransaskoises « est une discussion qui doit avoir lieu ». La diversité des niveaux de français représente tout un défi pour le personnel enseignant, certes, mais surtout pour la création d’un environnement social francophone dans l’école.

Thursday, February 5, 2015/Author: Jean-Pierre Picard (EV)/Number of views (36678)/Comments (0)/

Éducation fransaskoise : le navire ne prend plus l’eau, mais sait-on où il va?

L’Assemblée annuelle des électeurs du Conseil scolaire fransaskois était plutôt calme cette année. Je me suis surpris à m’ennuyer des joutes verbales de l’année dernière. Lors de l’AGA de 2014, le Conseil des écoles fransaskoises (CÉF) était en pleine tempête financière, des coupes sévères venaient d’être faites, et tout laissait croire que ce n’était pas fini. Les colonnes de chiffres inquiétaient les parents et ceux-ci l’avaient fait savoir.
Wednesday, February 4, 2015/Author: Jean-Pierre Picard/Number of views (32057)/Comments (0)/
L’importance de la lecture avec les enfants

L’importance de la lecture avec les enfants

Selon les résultats des recherches de C.A. Nelson, du Centre du développement de l’enfant de l’Université Harvard, le développement langagier d’un enfant se manifeste longtemps avant le premier balbutiement des mots « mmman » ou « pa, pa, papa ». Les études du développement cérébral révèlent que les neurones et les synapses pour le langage apparaissent trois mois avant la naissance. La croissance de cette zone du cerveau atteint son sommet vers l’âge de 4 ans.

Wednesday, February 4, 2015/Author: Rita Denius (CM)/Number of views (29580)/Comments (0)/
RSS
First2021222325272829Last

 - Thursday 14 November 2024