Skip Navigation
Marc Poirier – Francopresse

La Constitution du Canada n’est toujours pas complètement bilingue

Image
Signature de la Proclamation de la Constitution le 17 avril 1982.
Crédit : Robert Cooper. Bibliothèque et Archives Canada, PA-140706 – Flickr

FRANCOPRESSE – Le 17 avril prochain marquera un anniversaire important dans l’histoire du Canada : il y aura 40 ans à cette date, en 1982, que la reine Elizabeth II et le premier ministre canadien de l’époque, Pierre Elliot Trudeau, se rendaient sur la colline du Parlement à Ottawa afin de signer la proclamation de la Loi constitutionnelle de 1982. Un accomplissement majeur pour Trudeau père qui rêvait de voir la Constitution canadienne rapatriée après quasiment 115 ans d’existence. Enfin, le Canada obtenait sa pleine indépendance.

Quarante ans plus tard, l’œuvre de 1982 demeure cependant inachevée. Le Québec, écarté des négociations de dernière heure, n’a toujours pas adopté la Loi constitutionnelle de 1982. Puis, il manque toujours un élément de taille : une version française formelle et légale d’une large partie de la Constitution, dont l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (AANB), loi fondatrice du Canada.

L’AANB, renommé en 1982 Loi constitutionnelle de 1867, a été adopté à Londres par la Chambre des communes et la Chambre des Lords à l’hiver 1867 et proclamé par la reine Victoria le printemps suivant.

Bien qu’une version française du document et d’autres textes connexes aient été rédigés dès 1867, ces traductions n’ont jamais été adoptées et n’ont aucune force légale. 

En 1982, ces textes ont été incorporés à la nouvelle Constitution canadienne. La nouvelle partie de celle-ci a été rédigée et adoptée dans les deux langues officielles, incluant la Charte canadienne des droits et libertés, et les Droits des peuples autochtones du Canada, mais les textes «pré-1982» ne l’ont pas été. 

Ces textes constituent l’annexe de la Loi constitutionnelle de 1982. Il y a en tout 30 textes dont, comme mentionné, la Loi constitutionnelle de 1867.

La longue route inachevée vers une Constitution bilingue

François Larocque
François Larocque, professeur à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche sur le monde francophone, droits et enjeux linguistiques.
Crédit : Valérie Charbonneau

La nouvelle Constitution canadienne a incorporé les principes de la Loi sur les langues officielles de 1969, rendant ainsi le Canada un pays constitutionnellement bilingue. 

«Or, comment être un pays constitutionnellement bilingue quand la Constitution elle-même ne l’est pas?», souligne le professeur de droit à l’Université d’Ottawa François Larocque. 

En compagnie du sénateur à la retraite Serge Joyal, il a intenté il y a deux ans un recours afin de rectifier cette lacune.

Dans sa dernière plateforme électorale, le Parti conservateur du Canada s'engageait à «adopter une version française officielle de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, dont seule la version anglaise a un statut officiel actuellement».

Les auteurs de la Constitution en 1982 avaient pourtant l’intention de corriger ce problème. L’article 55 du document prévoit en effet que le ministre de la Justice du Canada soit «chargé de rédiger, dans les plus brefs délais, la version française des parties de la Constitution du Canada qui figurent à l’annexe». 

Ce qui a été fait. En 1984, un comité de rédaction constitutionnel a été créé. Il a terminé le travail en 1990.

C’était la première étape. L’autre, plus difficile, consistait à faire valider et adopter ces textes par tous les gouvernements provinciaux. Ensuite, le Parlement du Canada ferait de même et ces versions françaises auraient force de loi.

En 1993, le ministère de la Justice du Canada a transmis ces textes aux provinces afin qu’elles donnent leurs commentaires pour en arriver à une validation par tous. Quelques provinces ont approuvé le contenu, mais c’est à ce moment qu’Ottawa a frappé un mur. 

Image
Signature de la Proclamation de la Constitution le 17 avril 1982.
Crédit : Robert Cooper. Bibliothèque et Archives Canada, e008300499 – Flickr

«Le Québec a dit : “Nous, on ne participera pas à ça pour des raisons qu’on connait bien”», explique François Larocque en évoquant le fait que le Québec ait été écarté du compromis constitutionnel qui a permis le rapatriement de 1982, lors d'une négociation en pleine nuit entre le fédéral et les neuf autres provinces. L'épisode, communément appelé la «nuit des longs couteaux», est survenu il y a 40 ans, dans la nuit du 4 au 5 novembre 1981.

Aussi, la province venait de vivre l’échec de deux tentatives pour réintégrer la province dans le giron constitutionnel avec l’accord du lac Meech et l’Accord de Charlottetown. Elle s’apprêtait à vivre un deuxième référendum sur la souveraineté. Adopter la version française de textes constitutionnels n’était pas à l’ordre du jour.

Depuis, c’est le silence radio. «Il y a à peu près eu zéro tentative de même avoir une conversation au sujet de ces textes-là, déplore François Larocque. Et c’est ça qu’on trouve inacceptable ; qu’on ait une disposition absolument impérative du gouvernement du Canada qui soit négligée sciemment par les gouvernements du pays, provinciaux et fédéral.»

En 1996, le Québec est même allé plus loin. Dans un texte paru en mars 2000 dans Les Cahiers de droit, Guy Tremblay, alors professeur de droit à l’Université Laval, souligne que le Québec, dans une cause s’opposant à son projet de souveraineté, a alors «soumis à la Cour supérieure que la Constitution canadienne était inopérante ou invalide, faute d’avoir été adoptée en français conformément aux articles 55 et 56 de la loi de 1982».

La Cour ne s’est pas prononcée sur cette question ; selon l’auteur, cette position avait peu de chance d’être retenue.

La question soulevée au début des années 2000 au Québec

Image
Page couverture de l’édition des Statuts du Canada en 1867 qui contient une traduction de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique.

Le professeur de droit de l’Université d’Ottawa et expert en droit constitutionnel Benoît Pelletier a géré plusieurs portefeuilles dans le gouvernement libéral de Jean Charest, au Québec, entre 2003 et 2008. Il révèle que l’adoption de la version française des textes constitutionnels unilingues anglais a été discutée à l’époque.

«Nous n’avons jamais pris l’initiative de demander la constitutionnalisation d’une version française officielle parce que nous mesurions les risques d’un échec, explique-t-il. S’il y avait eu un échec, ça aurait moussé sans doute la thèse souverainiste au Québec, parce qu’à l’époque, nous étions vraiment encore dans la dynamique fédéraliste versus souverainiste.»

En cas de réussite, il aurait pu y avoir une autre conséquence fâcheuse pour le Québec, souligne Benoît Pelletier : «Nous avions peur que ce soit interprété par les autres partenaires fédératifs comme entrainant ipso facto l’adhésion du Québec au rapatriement de 1982, ce qui n’aurait pas été le cas.»

Benoît Pelletier se dit néanmoins en faveur de rectifier ce qu’il qualifie «d’anomalie». Il est également favorable au recours intenté par le professeur Laroque et l’ex-sénateur Joyal. 

Il croit d’ailleurs que le Québec serait maintenant plus disposé à aller de l’avant avec cette démarche, mais pas immédiatement, en raison de la controverse soulevée par le projet de loi 96. Québec y entend modifier sa partie de la Constitution pour y inscrire sa spécificité en tant que nation avec le français comme langue commune.

Selon François Larocque, la démarche ouvre justement une porte. 

«Si le gouvernement du Québec prétend modifier la Loi constitutionnelle de 1867 pour faire reconnaitre justement le caractère francophone du Québec, il peut difficilement s’opposer, il me semble, à faire adopter la version française de l’ensemble de la Constitution du Canada.»

Les procédures pour le recours ne sont pas très avancées, même après deux ans. Les avocats de François Larocque et de Serge Joyal sont toujours en attente des éléments de preuve de la partie adverse. 

Nos demandes auprès du gouvernement du Québec afin de connaître sa position à ce sujet sont restées sans réponse.

Print
7136

Marc Poirier – FrancopresseFrancopresse

Other posts by Marc Poirier – Francopresse
Contact author

Contact author

x
Un CÉFOU amusant, instructif et dynamique

Un CÉFOU amusant, instructif et dynamique

Plus de 200 jeunes des écoles fransaskoises se sont rencontrés à Regina

Le CÉFOU, organisé par le Conseil des écoles fransaskoises (CÉF), a  permis de rassembler plus de 200 élèves de la 9e à la 12e année des écoles fransaskoises des quatre coins de la province. 

Visitez la galerie photo et vidéo du CÉFOU

Thursday, April 2, 2015/Author: Jean-Pierre Picard (EV)/Number of views (27260)/Comments (0)/
Forum local du Français pour l’Avenir à Saskatoon

Forum local du Français pour l’Avenir à Saskatoon

De la réflexion et de l’action!

Plus de 200 jeunes élèves des écoles secondaires d’immersion de Saskatoon se sont réunis le vendredi 27 mars pour discuter du bilinguisme et de l’avenir du français dans notre province.

 

Thursday, April 2, 2015/Author: Alexandra Drame (EV)/Number of views (30221)/Comments (0)/
Premier concours d’affiches scientifiques organisé par l’Institut français et l’ACFAS-SK

Premier concours d’affiches scientifiques organisé par l’Institut français et l’ACFAS-SK

REGINA - Premier concours d’affiches scientifiques organisé par le Centre canadien de recherche sur les francophonies en milieu minoritaire (CRFM) de l’Institut français à l’Université de Regina et l’Association francophone pour le savoir de la Saskatchewan (ACFAS-SK)

Thursday, April 2, 2015/Author: CRFM (Institut français)/Number of views (26846)/Comments (0)/
Les Lions de Laval se démarquent à Regina

Les Lions de Laval se démarquent à Regina

L'équipe de ballon-panier des garçons de la 7e et 8e  des Lions de Laval a remporté le championnat de la ville du conseil des écoles publiques de Regina jeudi soir dernier soit le 27 mars.

Wednesday, April 1, 2015/Author: Claude Martel (EV)/Number of views (28653)/Comments (0)/
Les Patriotes de l’ÉCF remportent l’argent à la finale du tournoi de basketball Hoopla 2015

Les Patriotes de l’ÉCF remportent l’argent à la finale du tournoi de basketball Hoopla 2015

Pour la première fois, une équipe francophone  a atteint la finale du championnat provincial de basketball HOOPLA en catégorie 2A. 

Wednesday, April 1, 2015/Author: Alexandra Drame (EV)/Number of views (34005)/Comments (0)/

Situation inquiétante au Conseil scolaire fransaskois

Lettre signée par 5 parents et envoyée aux élus du Conseil scolaire fransaskois le 18 mars 2015

Nous voulons aujourd’hui attirer votre attention sur 3 éléments qui nous préoccupent. Premièrement à la veille d'une succession, à la tête du Conseil des écoles (CÉF), nous (parents et sympathisants) souhaiterions attirer votre attention sur une des requêtes qui avait été formulée par un regroupement de parents; laquelle requête  avait été accompagnée d'une pétition à l'appuie, soient 35 signatures. En guise de rappel, ces derniers réclamaient du sang neuf à la tête du CÉF : 

Tuesday, March 31, 2015/Author: Jean-Marie Allard (Courrier du lecteur)/Number of views (21387)/Comments (0)/
Le Grand  Quiz, un jack pot pour la communauté ?

Le Grand Quiz, un jack pot pour la communauté ?

Réflexion d'un lectrice sur la formule du Grand Quiz qui a remplacé la Grande dictée.

Thursday, March 26, 2015/Author: Céline Magnon (Courrier du lecteur)/Number of views (27699)/Comments (0)/
Des personnes honorées lors de l’Assemblée annuelle de l’ALEF

Des personnes honorées lors de l’Assemblée annuelle de l’ALEF

En marge de son congrès annuel, l’Association locale des enseignantes et enseignants fransaskois (ALEF) a honoré diverses personnes lors de son banquet.

Saturday, March 21, 2015/Author: L'Eau vive/Number of views (42434)/Comments (0)/
Forum local du Français pour l’avenir

Forum local du Français pour l’avenir

300 écoliers à la découverte des avantages du bilinguisme

Le 27 mars prochain, 300 élèves francophones et francophiles des écoles d’immersion de Saskatoon se rassembleront à l’Université de la Saskatchewan à l’occasion du Forum local du Français pour l’avenir

 

3/27/2015 9:00 AM/Author: Collège Mathieu/Number of views (12547)/Comments (0)/
La finale du Grand Quiz 2015: un succès!

La finale du Grand Quiz 2015: un succès!

C'est dans la chaleureuse ambiance d'une fin de semaine ensoleillée, le samedi 14 mars dernier, que le Collège Mathieu, en partenariat avec Radio-Canada Saskatchewan, a fêté les Rendez-vous de la Francophonie d'une façon innovatrice. 

Wednesday, March 18, 2015/Author: Collège Mathieu/Number of views (29523)/Comments (0)/

La petite histoire du postsecondaire francophone en Saskatchewan

L’histoire du postsecondaire francophone en Saskatchewan ne date pas d’hier. Déjà en 1918, le Collège Mathieu de Gravelbourg offrait un programme d’études classiques.

Tuesday, March 17, 2015/Author: Michèle Fortin(EV)/Number of views (27586)/Comments (0)/

La Cité universitaire francophone et le postsecondaire fransaskois

Un peu tôt pour sabrer le champagne

Même si l’ACF se montre très enthousiaste, il faudra attendre un peu pour sabrer le champagne dans le dossier de la Cité universitaire francophone.

Tuesday, March 17, 2015/Author: Jean-Pierre Picard/Number of views (25993)/Comments (0)/

Les Amis de l’Institut français se prononcent: l’ACF mise sur des acquis fragiles

Les Amis de l’Institut français expriment leur profonde déception et désaccord avec la façon dont l’Université de Regina s’est acquittée de ses responsabilités à l’endroit de l’éducation universitaire de langue française. 

Tuesday, March 17, 2015/Author: Michel Dubé (Courrier du lecteur)/Number of views (25562)/Comments (0)/
Un atelier d'Edith Jolicoeur: brancher la fransaskoisie

Un atelier d'Edith Jolicoeur: brancher la fransaskoisie

Facebook, Instagram, LinkedIn, Pinterest; il existe tellement de plateformes qu’il est parfois difficile de suivre le rythme. 

Wednesday, March 11, 2015/Author: Maggy Bougie (EV)/Number of views (33562)/Comments (0)/
 Ateliers d'écriture dans des écoles d'immersion

Ateliers d'écriture dans des écoles d'immersion

Un projet novateur à Debden et Prince Albert

PRINCE ALBERT - La commission scolaire Saskatchewan Rivers Public School Division, située à Prince Albert, accueille un tout premier projet GénieArts sur son territoire. Les écoles Vickers Public School et Debden School sont les hôtes de cette initiative rassembleuse.

Wednesday, March 11, 2015/Author: René Beauparlant (EV)/Number of views (32009)/Comments (0)/
RSS
First1819202123252627Last

 - Monday 17 June 2024