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Qu'est-ce que la communauté fransaskqueer?

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Crédit: Brielle French / Unsplash

Le 18 novembre, la Cité universitaire francophone de Regina organisait une table ronde sur la communauté fransaskqueer, du nom d’un projet d’études sur l’identité et les expériences queer et trans des Fransaskois. Quatre panélistes issus des communautés 2ELGBTQ et fransaskoise ont ainsi débattu d’enjeux identitaires, linguistiques et sociétaux.

La table ronde constituait un premier carrefour d’échanges pour le projet Fransaskqueer, dirigé par Jacq Brasseur, propriétaire d’une entreprise de conseil, et Jérôme Melançon, professeur associé aux études francophones et interculturelles à la Cité.

Jérome Melançon

Jérôme Melançon est professeur agrégé en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina.

Photo : Facebook

L’une des panélistes, Marjorie Beaucage, cinéaste et activiste franco-métisse qui se définit comme indigiqueer, souligne l’importance d’un dialogue ouvert au sujet des identités queer et trans : « Pour la communauté fransaskoise, c’est tout caché, il faut qu’on en parle publiquement, pour le futur des jeunes surtout. »

Marjorie Beaucage renchérit : « Ma mission est de faire une place pour la différence. Il n’y a pas de place pour les Métis ou les queers dans la communauté fransaskoise. Il faut la prendre, sinon personne ne va nous la donner ! »

Il n’y a pas de place pour les Métis ou les queers dans la communauté fransaskoise.

Une langue rassembleuse

Si les panélistes reconnaissent que la langue française les unit, ils déplorent du même souffle qu’il n’est pas facile d’exister en français. Au terme « bispirituel », Marjorie Beaucage préfère le mot cri « tastawiwiniyak » qui signifie « qu’on est sur la diagonale féminin-masculin ». « J’ai une façon d’être dans le monde qui n’est pas la façon dominante, j’ai une autre façon de voir le monde », complète-t-elle.

La question de l’insécurité linguistique est également ressortie des échanges, ce qui a fait dire à certains que la communauté 2ELGBTQ était en quelque sorte « doublement minorisée ».

« Au secondaire, à Regina, je vivais beaucoup d’insécurité linguistique, et j’avais l’impression de toujours porter un masque, c’est plate ! », se rappelle Mackenzy Vida, étudiante et artiste en arts visuels. 

Cette dernière explique que c’est en déménageant à Ottawa qu’elle a fait tomber son masque pour s’exprimer pleinement grâce à des programmes et des espaces pour les personnes queers.

Manquer de mots

Pour Jacq Brasseur, un sentiment de fragmentation de son identité s’ajoute à l’insécurité linguistique ressentie depuis son enfance, de Yellowknife à la Saskatchewan. « Je suis une personne non binaire, je suis entre les deux, je suis autre. En français, j’avais mes propres insécurités linguistiques, on me disait que je n’étais pas assez francophone, et je ne trouvais pas ma place dans la francophonie », témoigne Jacq Brasseur.

Et d’ajouter : « Je dois choisir entre être francophone, une personne ordinaire, une femme, une personne cisgenre, binaire ? Cela revient à séparer mes identités. Je suis intéressante, mais quand je dois me séparer en plusieurs petits morceaux, je n’existe pas complètement. »

La langue est une institution conservatrice pour Jacq Brasseur qui dit devoir inventer son propre vocabulaire : « Les mots pour me décrire n’existent pas en français. Ça existe en anglais, même si c’est un peu bizarre. Je dois utiliser des néologismes, trouver des mots différents pour me décrire. Il n’y a pas de mots pour décrire mon expérience. »

Les mots pour me décrire n’existent pas en français. 

Romain Chareyron, professeur adjoint de français à l’Université de la Saskatchewan, croit quant à lui que les enjeux entourant l’évolution d’un français plus inclusif et non genré sont encore loin de faire l’unanimité.

« On n’a pas les outils pédagogiques pour enseigner les pronoms neutres, par exemple. Je le conçois comme quelque chose de progressif, je commence à l’inclure dans mes cours. J’explique aussi que le français est une langue extrêmement genrée, et que certains pourraient ne pas se reconnaître. La prise de conscience doit être générale, mais ce n’est pas encore le cas », témoigne le professeur.

Le panéliste déplore à cet effet le tollé provoqué par l’inclusion du pronom « iel » dans les grands dictionnaires français, également décriée par le ministre de l’Éducation nationale en France.

Pour Marjorie Beaucage, la langue ne se résume pas aux pronoms ou à la grammaire : « Ce n’est pas une question de grammaire, c’est une question de valeurs ! Comment on parle de notre sexualité, de notre corps. »

Au-delà de la langue

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La rencontre, animée par Raphaële Frigon, journaliste à ICI Saskatchewan, a rassemblé une vingtaine de participants.
Crédit : Carlos de Toro / Unsplash

Les panélistes s’entendent toutefois pour dire que la langue est seulement la pointe de l’iceberg et que, si la langue inclusive défraie la chronique, les vrais enjeux, eux, ne sont pas pour autant réglés

« Au-delà des toilettes non genrées et des pronoms, il reste des questions importantes comme la pauvreté et la difficulté de trouver un médecin qui comprend notre réalité », rappelle Jacq Brasseur, précisant que les institutions comme l’église, les médias, les linguistes, ou encore les écoles ont encore beaucoup de chemin à faire en la matière.

De plus, les panélistes encouragent la création de lieux ouverts à l’expression de la « queerness ». Mackenzy Vida voudrait des « lieux sécuritaires, chaleureux et accueillants pour les jeunes franco-queers, surtout dans les écoles ». 

Les choses commencent d’ailleurs à bouger au sein des écoles du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF), comme le précise l’une des participantes en ligne, avec la création de groupes queer et d’ateliers.

L’art a aussi été évoqué comme véhicule de visibilité et d’acceptation. « On pourrait faire plus pour inviter des artistes franco-queers qui sont d’autres modèles pour les jeunes. On est invisibles. Il faut créer des occasions d’être visibles et se valoriser », propose Marjorie Beaucage.

On est invisibles.

Une fierté franco-queer

La fierté semble être un point rassembleur pour tous les panélistes : « Oui, on devrait être fier d’être fransaskois et aussi d’être queer ! », clame Jacq Brasseur. Marjorie Beaucage l’appuie : « Il faut être fier, qu’on soit métis, noir, gay, tout ça ! »

Pour briser le silence et l’homophobie, et instaurer un sentiment d’appartenance, le dialogue est essentiel : « Il faut faire l’effort de partager notre histoire, songe Mackenzy Vida. À l’école, on parlait beaucoup de diversité culturelle, mais pas un mot sur les jeunes queers. »

Pour assurer une plus grande visibilité et ouvrir les portes du placard, les panélistes incitent à l’ouverture et à l’inclusion dans les événements francophones, comme le Rendez-vous fransaskois ou les Rendez-vous de la Francophonie.

« Je ne devrais pas avoir à choisir entre la communauté francophone et queer », ponctue Jacq Brasseur, rappelant que « si le réseau francophone formel a parfois tendance à parler comme des décideurs, il ne faut pas oublier que beaucoup de francophones ne s’impliquent pas dans la communauté ». 

Le projet Fransaskqueer comporte trois volets : une table ronde, un projet de recherche sur les expériences fransaskqueer et un atelier d’inclusion 2ELGBTQ.

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