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Jean Féron : à la découverte d’un trésor bien caché

Jean Féron
Jean Féron
Crédit : Guide pédagogique du CCF

Le Conseil culturel fransaskois (CCF) continue sur sa lancée en publiant un troisième guide pédagogique à destination des jeunes de 6e, 7e et 8e années. Le nouveau volet se consacre cette fois à Joseph-Marc Lebel, alias Jean Féron, l’un des joyaux les plus méconnus de la littérature francophone de l’Ouest.

Après Joe Fafard et Carmen Campagne, deux figures incontournables de la culture artistique de la Saskatchewan, l’un en sculpture et l’autre en chanson, c’est au tour de la littérature fransaskoise de retrouver ses lettres de noblesse. 

L’ « Alexandre Dumas du Canada »

Image
Le roman La Métisse est l’un des livres les plus connus de Jean Féron.
Crédit : Courtoisie de Marguerite Tkachuk

Auteur prolifique, Jean Féron compte à son actif une quarantaine de romans, de récits et de pièces de théâtre, écrits à partir de 1918, soit la date de parution de son premier roman, jusqu’à sa mort, en 1955. 

Son goût pour le drame historique, son côté rocambolesque et rebondissant, ainsi que sa prodigieuse productivité lui ont valu le surnom pour le moins flatteur d’ « Alexandre Dumas du Canada ».

Pourtant, comme le souligne Katrine Deniset, qui a travaillé à la rédaction et à la conception créative du guide, et elle-même auteure, ce n’est pas forcément à travers ses œuvres que les gens, surtout les jeunes, vont découvrir l’écrivain.

« Je crois qu’il est plus intéressant de découvrir Jean Féron comme personnage littéraire et historique. Les jeunes ne vontpas tomber en amour avec ses livres, mais plutôt avec sa vie », estime Katrine Deniset.

Les jeunes vont tomber en amour avec sa vie

Dépassé, mais encore d’actualité

Le style littéraire de Jean Féron a sans doute mal vieilli à travers les âges, marqué des traces de son époque. Il offre malgré tout un véritable plongeon dans un temps ponctué par des thèmes tels que la colonisation, les conflits linguistiques entre francophones et anglophones, les mariages mixtes, l’industrialisation et le patrimoine francophone de l’Ouest.

Katrine Deniset précise que certains des propos et perspectives de Jean Féron, notamment dans un de ses livres les plus célèbres, La Métisse, doivent être analysés à la lumière de « son point de vue d’homme blanc de l’époque », donc à prendre avec un certain recul et une pensée critique.

L’écrivaine franco-manitobaine compare « le cas Féron » à celui de la non moins célèbre Gabrielle Roy. « Je trouve qu’il est important de situer les auteurs dans le contexte historique et social de leur époque, d’apprendre à les connaître avant de plonger dans leurs œuvres. » 

Il est important de situer les auteurs dans le contexte historique et social de leur époque.

Populaire au Québec

Né aux États-Unis en 1881, élevé au Québec, Jean Féron, de son nom de plume, a pris la route de la Saskatchewan en 1908 où il a fondé une famille. C’est à Zenon Park que commencera sa carrière d’écrivain et que s’achèvera sa vie en 1955. Il gardera de forts liens avec le Québec et c’est dans cette province qu’il connaîtra le plus de succès.

En 1918, il publiera ainsi son premier roman aux éditions Édouard Garand de Montréal. Une célébrité passagère mais qui refait maintenant surface dans l’Ouest canadien : « Il n’était pas très connu par la population, peut-être plus par la génération de mon père, témoigne Marguerite Tkachuk. C’était un ermite, les gens ne savaient pas qu’il était un grand écrivain ! », s’exclame celle qui travaille pour l’Association fransaskoise de Zenon Park.

Cette dernière évoque également les moments difficiles que Jean Féron a vécus dans l’Ouest, notamment la difficile adaptation de cet homme de lettres qui, n’étant pas fait pour les travaux de la terre, ne pouvait subvenir aux besoins de sa famille avec les maigres revenus que lui rapportait la vente de ses livres.

Une grande révélation

Si « le secret Jean Féron » a été si bien gardé pendant des décennies, Marguerite Tkachuk se réjouit du regain de popularité que « le nouvel Alexandre Dumas fransaskois » semble susciter.

« Plusieurs membres de sa parenté vivent encore à Zenon Park, comme son fils, des petits-enfants et même des arrière-petits-enfants. Son histoire apporte beaucoup d’importance à notre communauté. De penser que ce grand écrivain habitait chez nous et que ses descendants sont encore là, c’est vraiment incroyable ! Ce sont des personnages comme lui qui ont contribué à la francophonie dans l’Ouest et c’est important de les reconnaître », souligne-t-elle.

La sortie du guide pédagogique orchestré par le CCF marque les débuts d’une longue épopée pour la communauté. À l’image de cet auteur hors du commun qui aura consacré et sacrifié sa vie entière à ses écrits, plusieurs projets sont en branle pour raviver la mémoire collective et davantage ancrer le personnage dans le paysage patrimonial. 

« Il y a encore beaucoup de choses méconnues à son sujet, mais la communauté aimerait lui rendre hommage avec un site web, une exposition en partenariat avec l’école, et même un parc historique », précise Marguerite Tkachuck. Un portrait de l’artiste est également prévu.

Le bricoleur de livres

Comme le relate la résidente de Zenon Park, l’une des particularités de Jean Féron était « qu’il écrivait ses livres à la main, sur tout ce qu’il pouvait trouver, comme du carton ».

Katrine Deniset s’est d’ailleurs inspirée de cette anecdote pour tisser la trame du guide pédagogique qui allie réflexions et apprentissages en action. Dans l’exercice créatif, les jeunes sont ainsi invités à créer de toutes pièces leurs propres livres, comme l’aurait fait Jean Féron avec les moyens du bord.

« C’est difficile de donner une voix et une renaissance à quelqu’un d’aussi solitaire et j’ai voulu donner aux jeunes cette occasion de plonger dans son univers de façon très concrète », explique l’auteure embauchée par le CCF.

Les jeunes Fransaskois devront donc mettre la main à la pâte pour imaginer la vie de cet auteur qui a porté toute sa vie le poids des mots sur ses épaules, ouvrant la voie à la littérature fransaskoise.

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