Skip Navigation
Martine Noël-Maw

Dans l’ombre de Will James (extrait)

J’ai brûlé le manuscrit. J’ai brûlé le manuscrit. Je l’ai brûlé.

J’ai la chair de poule quand je relis cette entrée de mon journal datée du 3 septembre 1942. Will James était décédé à l’aube, au Presbyterian Hospital de Hollywood où je l’avais fait admettre à la fin août. Une infirmière m’avait remis ses vêtements et ses bottes de cowboy. Je n’ai aucun souvenir d’avoir fait le trajet de l’hôpital à la maison louée par Bill sur l’avenue Ivarene, à Hollywood Hills. Cependant, je me souviens du moment où j’y suis entrée. Je n’y avais pas remis les pieds depuis que Bill s’était effondré dans le salon. Rien n’avait été déplacé. Son verre était toujours renversé par terre et le manuscrit se trouvait sur la caisse en bois qui servait de table à café. En voyant cela, un profond sentiment de découragement s’est ajouté à ma tristesse. J’avais l’impression d’avoir tout perdu. À commencer par mon ambition de devenir reporter.

Ce jour-là, je n’aurais pas donné cher de mon avenir. Je me suis donc accrochée à ma nouvelle mission qui consistait à préserver la mémoire du célèbre écrivain et artiste. Si le secret contenu dans le manuscrit Will James, My Real Story était dévoilé au public, on le traiterait d’imposteur ou de fake, comme il disait. Il fallait donc le détruire. Ça a été tout un dilemme pour moi parce que je tenais une histoire qui aurait pu lancer ma carrière. Pendant les quatre jours qu’a duré son hospitalisation, j’ai prié la Santa Virgen pour qu’il reste en vie, pour que je n’aie pas à choisir entre sa réputation et ma carrière, mais elle ne m’a pas écoutée.

Comme si ce n’était pas assez difficile de détruire le texte sur lequel nous avions travaillé pendant un mois, le texte qui aurait pu m’ouvrir toutes grandes les portes des magazines, il a fallu que son ex-femme me surprenne. Je n’ai pas pu lui expliquer l’importance de mon geste parce qu’elle ne connaissait pas le secret de Bill.

***

Je venais d’avoir 20 ans quand j’ai fait la connaissance de Will James, en juin 1942. Un été magnifique et difficile. Les États-Unis étaient entrés en guerre quelques mois plus tôt, après l’attaque de Pearl Harbor.

Mon ambition était de devenir reporter et les sujets ne manquaient pas, mais n’ayant pas de contacts dans le milieu, et étant une femme de surcroit, je devais me contenter d’écrire pour des journaux de quartier en attendant de trouver le sujet qui me propulserait.

Pour boucler les fins de mois, je travaillais pour une agence de secrétaires temporaires, à la journée ou, quand j’étais chanceuse, à la semaine. Le jour où je suis passée à l’agence et que j’ai vu sur le tableau d’affichage qu’un écrivain cherchait une secrétaire, j’ai arraché la fiche avant qu’une autre fille la voie et je suis allée dans le bureau de Paula, la patronne. Quand elle m’a appris que le client s’appelait Will James, j’ai cru rêver. S’agissait-il du Will James dont j’avais lu les livres ? Le Will James qui avait écrit et illustré Smoky, mon roman préféré ? Tout ce que Paula m’avait dit, c’est que le client requérait les services d’une dactylo pour quelques semaines (quelques semaines, le pactole !), le temps de lui dicter un nouveau roman. Ça devait donc être LE Will James, celui aussi célèbre pour ses frasques que pour ses romans et ses superbes dessins de chevaux et de cowboys.

Dix minutes plus tard, je prenais le bus avec ma Remington Rand pour me rendre à Hollywood Hills. Je ressentais un mélange d’excitation et de nervosité. C’est pendant ce long trajet que j’ai eu une idée. Si j’écrivais un article sur lui ? Je savais que j’avais une bonne plume. Plusieurs rédacteurs avaient refusé mes articles en me disant qu’ils étaient bien rédigés, mais que le sujet était sans intérêt. Un homme célèbre ferait certainement un sujet intéressant. Le Los Angeles Times ou un autre quotidien pourrait m’acheter un tel article. Et pourquoi pas le magazine Time ou Life ? Will James pourrait être ma clé vers la carrière de mes rêves. J’ai sorti mon carnet et mon crayon et j’ai rapidement noté quelques questions que j’aimerais lui poser, mine de rien, du genre : « Est-ce que Smoky a réellement existé ? Le corps de Bopy a-t-il été retrouvé ? » Ou encore : « Qu’est-ce qui vient en premier, l’histoire ou les dessins? »

Je devais être prudente et jouer mes cartes de façon stratégique. Je ne devais surtout pas me présenter à lui comme une aspirante journaliste. Je me voyais déjà à la une des plus grandes publications grâce à mes secrets d’insider, à ce que j’allais révéler sur l’homme derrière le cowboy, l’écrivain et l’artiste. Je me voyais déjà… Peut-être pourrais-je même en faire un livre ? Qui sait ? C’est dans cet esprit que je me suis présentée chez Will James dans la matinée du 22 juin. C’était un lundi.


*Extrait inédit du roman en chantier Dans l’ombre de Will James, adapté de la pièce Will et Ernest qui sera produite par la Troupe du Jour en 2020.

Print
18458

Martine Noël-MawMartine Noël-Maw

Other posts by Martine Noël-Maw
Contact author

Contact author

x
Les élèves fransaskois honorent la mémoire des anciens combattants

Les élèves fransaskois honorent la mémoire des anciens combattants

Survol des activités organisées par les écoles fransaskoises pour souligner le jour du Souvenir.

Friday, November 29, 2019/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (28034)/Comments (0)/
Le Collège Mathieu surfe sur la vague du numérique

Le Collège Mathieu surfe sur la vague du numérique

Regina a accueilli le congrès du Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada

REGINA - Le Collège Mathieu était l'hôte du congrès annuel du Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada les 6 et 7 novembre 2019. Le thème de cette année : « Le numérique, un dénominateur commun. »

Thursday, November 28, 2019/Author: Marie-Lou Bernatchez/Number of views (28490)/Comments (0)/
Au CÉF, l’école se veut communautaire et citoyenne !

Au CÉF, l’école se veut communautaire et citoyenne !

Entretien avec Ronald Ajavon, directeur général du Conseil des écoles fransaskoises

Le CÉF travaille à établir un modèle unique d’école communautaire citoyenne en Saskatchewan. Il vise à favoriser à la fois la réussite des élèves et l’épanouissement des communautés.

Tuesday, November 19, 2019/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (25000)/Comments (0)/
École et descendance française : Les francophones doivent-ils se satisfaire du minimum?

École et descendance française : Les francophones doivent-ils se satisfaire du minimum?

Une semaine après que les Franco-Colombiens aient demandé de meilleures écoles devant la Cour Suprême…

Saturday, November 2, 2019/Author: Réjean Paulin/Number of views (24397)/Comments (0)/
Sciences infirmières : un examen national décrié par les francophones

Sciences infirmières : un examen national décrié par les francophones

Le NCLEX (National Council Licensing Examination) fait trembler bien des candidats francophones au programme de sciences infirmières. Si dans sa version anglaise plus de 80 % d’entre eux réussissent au niveau national, le taux de réussite tombe à 30 % pour les candidats en français.

Thursday, October 31, 2019/Author: Lucas Pilleri/Number of views (29032)/Comments (0)/
Une communauté dévouée pour son école

Une communauté dévouée pour son école

Un nouveau terrain de jeu pour l'École Providence de Vonda

Grâce à la mobilisation des parents, du personnel et de la ville, l’École Providence de Vonda s’est paré d’un terrain de jeu flambant neuf pour le plus grand plaisir des enfants.

Monday, September 23, 2019/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (32251)/Comments (0)/
Coup d'oeil sur l'École Mgr de Laval de Regina

Coup d'oeil sur l'École Mgr de Laval de Regina

L’école Monseigneur de Laval, Pavillon secondaire des Quatre Vents à Regina, n’a rien à envier aux établissements de la majorité.

Monday, September 23, 2019/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (25707)/Comments (0)/
La langue michif au programme d'une école de Saskatoon

La langue michif au programme d'une école de Saskatoon

Un programme offert de la maternelle à la 3e année

SASKATOON - Les étudiants de la maternelle à la 3e année de l’école St. Michael Community School à Saskatoon auront l’occasion de suivre le premier programme d’apprentissage de la langue michif offert dans la ville et l’un des deux seuls programmes à l’échelle de la province.

Sunday, September 15, 2019/Author: Jean-Philippe Deneault/Number of views (27665)/Comments (0)/
Retrouvailles au Collège Mathieu

Retrouvailles au Collège Mathieu

45 ans après avoir terminé leurs études au Collège Mathieu d'anciens élèves se sont rencontrés à Gravelbourg.

 

Thursday, August 29, 2019/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (28224)/Comments (0)/
Portraits de professeurs francophones de l’Université de la Saskatchewan

Portraits de professeurs francophones de l’Université de la Saskatchewan

SASKATOON - Sur près de 1 200 professeurs à l’Université de la Saskatchewan, on compte une vingtaine de francophones. L'Eau vive en a rencontré six.

Sunday, July 21, 2019/Author: Jean-Philippe Deneault/Number of views (29398)/Comments (0)/
Amélie Boutin, diplômée de l'École canadienne-française de Saskatoon

Amélie Boutin, diplômée de l'École canadienne-française de Saskatoon

Née à Saskatoon, Amélie a effectué tout son parcours scolaire à l’École canadienne-française, depuis la garderie jusqu’à la 12e année. Elle part maintenant étudier les sciences en français à l’Université d’Ottawa.

Friday, July 19, 2019/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (26249)/Comments (0)/
Quand les jeunes s’investissent pour la science !

Quand les jeunes s’investissent pour la science !

Remise des prix Expo-science 2019

REGINA - Le 20 juin dernier, à l’école Monseigneur de Laval de Regina, on a pu assister à un spectacle de chansons, de danses concocté par les classes de 3e année,ainsi qu'à la remise des prix aux gagnants de l’Expo-sciences qui s‘était déroulée au début du mois.

Tuesday, July 16, 2019/Author: Linda Morales/Number of views (27222)/Comments (0)/
Deux enseignants reconnus pour leur engagement sportif

Deux enseignants reconnus pour leur engagement sportif

Terry Gaudet et Michel Forest honorés par la Saskatchewan High Schools Athletic Association

Terry Gaudet et Michel Forest, enseignants respectivement à l’École St-Isidore à Bellevue et à l’École Mathieu de Gravelbourg, ont chacun reçu le Prix du service de la Saskatchewan High Schools Athletic Association (SHSAA). Ces récompenses viennent souligner l’implication remarquable des deux instituteurs pour le sport à l’école.

Saturday, July 13, 2019/Author: Lucas Pilleri/Number of views (29553)/Comments (0)/
Une foire des sciences totalement en français

Une foire des sciences totalement en français

Expo-sciences à Mgr de Laval

REGINA - Le jeudi 6 juin 2019 avait lieu la foire des sciences de l’école Monseigneur de Laval. Les élèves de la 3e et de la 5e année étaient présents pour exposer leurs projets de recherche. 

Saturday, June 22, 2019/Author: Linda A. Morales/Number of views (27990)/Comments (0)/
Une première cohorte de juristes obtient des certifications en français

Une première cohorte de juristes obtient des certifications en français

SASKATOON - Pour la première fois, cinq étudiantes de l’Université de la Saskatchewan ont reçu ce 5 juin à Saskatoon une certification de common law en français de l’Université d’Ottawa. 

Friday, June 21, 2019/Author: Lucas Pilleri/Number of views (33057)/Comments (0)/
RSS
First567810121314Last

 - Saturday 16 November 2024