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Actualité économique

Mychèle Fortin

Quel avenir pour le Venezuela?

Un pays, deux présidents

Manifestation à Caracas le 23 janvier 2019

Manifestation à Caracas le 23 janvier 2019

Photo : Wikimedia/Voice of America
Le 23 janvier 2019, Juan Guaidó s’est autoproclamé « président en exercice » du Venezuela. Celui qui la veille encore était président du Parlement s’est donné pour mission d’organiser une élection présidentielle avant un an. Le jour même, Donald Trump l’a reconnu comme «président par intérim». Dans la foulée, les soutiens diplomatiques en faveur de Guaidó se sont multipliés. Nicolás Maduro, président élu en 2018, a accusé les pays appuyant Guaidó de soutenir les « plans putschistes » de Washington et annoncé que son pays rompait ses relations diplomatiques avec les États-Unis. Depuis, c’est le bras-de-fer.

On a envie d’être pour Nicolás Maduro juste parce que Donald Trump est contre. On regarde le Venezuela et on se dit que l’histoire se répète, qu’une fois de plus les États-Unis s’immiscent de façon éhontée dans le destin d’un pays d’Amérique latine. Mais plus on cherche à comprendre, plus on découvre qu'être pour Maduro, ça ne va pas de soi. Être pour Guaidó, ça ne va pas de soi non plus.

Retour en arrière

Ça fait déjà un moment que ça ne va pas au Venezuela. Dès l'élection de 2013, une partie de l'opposition ne reconnaît pas Maduro comme président légitime. S'ensuit un affrontement politique, parfois brutal, qui se transforme en guerre institutionnelle que plusieurs médias ont qualifiée de « guerre civile de basse intensité ». Cette crise politique se joue sur fond de grave crise économique, largement imputable à l’effondrement du prix du baril de pétrole et aggravée par les sanctions économiques des États-Unis à partir de 2015.*

Dans une entrevue qu’il accordait au New Yorker en décembre 2017, Maduro déclarait : « L'opposition a un gros problème, toutes ses décisions sont prises à Washington, et elle n’a pas de leader ». Sauf que maintenant, l’opposition a un leader. Et Washington n’est plus seule à affirmer que Maduro est un président illégitime.

Juan Guaidó n’a pas été l’origine de la crise. Il en a été le catalyseur. Les élections de mai 2018 qu’on suppose truquées ont été le ciment d’une opposition bien réelle mais qui jusque là était éclatée. Majoritairement anti Maduro, les députés de l’Assemblée nationale ont estimé que le président Maduro avait « usurpé » son poste. Guaidó s’est donc autoproclamé «président en exercice» et a prêté serment lors d'une manifestation.

La communauté internationale

Si les appuis à Juan Guaidó sont nombreux, ils sont essentiellement de nature pacifiste. Une vingtaine de pays de la communauté européenne annonçaient le 4 février qu’ils le reconnaissaient comme président par intérim et appelaient à des élections libres. Guaidó a salué cet appel alors que Maduro l’a rejeté.

Le Canada et ses alliés du Groupe de Lima** ont réclamé une nouvelle élection présidentielle et encouragé l’armée à lâcher Maduro. La ministre canadienne des Affaires étrangères a souligné que le Groupe de Lima privilégie « le processus diplomatique qui exclut la coercition et la force ».

Mais les États-Unis ne font pas partie du Groupe de Lima. Ils ont répété à maintes reprises qu’ils n’écartaient pas une intervention militaire. Trump a prévenu les chefs militaires du Venezuela qu’ils courraient à leur perte s’ils refusaient de se rallier à Juan Guaidó.

Soutenu par une dizaine de pays, dont certains tels la Russie, la Chine, la Corée du Nord, Cuba, tiennent la démocratie « en très haute estime », Nicolás Maduro accuse les États-Unis d’orchestrer un coup d’État. De nombreuses voix se sont élevées un peu partout, dont celle de Noam Chomsky (qui n’est quand-même pas un deux de pique), et dénoncent aussi un coup d’État. Ont-ils raison ?

La démocratie, vraiment?

En dépit des appels à la rébellion, les forces armées demeurent fidèles à Maduro. Pour combien de temps? Que feront les États-Unis? On se demande quel rôle joue la démocratie dans tout ça. Vu d’ici, ça ressemble plus à un prétexte qu’à un idéal.

J’ai souvenir d’un documentaire sur l’Irak dans lequel un garçon d’une quinzaine d’années disait, en regardant bien la caméra, « si on produisait des oranges au lieu du pétrole, vous (les États-Unis ) ne seriez pas ici ».  Est-ce qu’on se préoccuperait autant du Venezuela s’il n’était qu’un producteur de maïs ?

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* Quelque 2,7 millions de Vénézuéliens (sur une population de 32 millions) ont fui leur pays depuis le début de la crise politique et économique. Au cours de l’année 2018, 5000 personnes environ ont quitté le Venezuela chaque jour. 

** Les pays membres du Groupe de Lima :Argentine,Brésil,Canada,Chili,Colombie,Costa Rica,Guatemala,Guyana,Honduras, Mexique,Panama,Paraguay,Pérou,Sainte-Lucie. Le Mexique a par la suite changé son fusil d’épaule et donné son appui à Maduro, tout en insistant sur une solution diplomatique.

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