Concentration en accès à la justice
Close
Santé en français : écarts entre obligations légales et offre active
Guillaume Deschênes-Thériault (Francopresse)
/ Categories: Société, Santé

Santé en français : écarts entre obligations légales et offre active

FRANCOPRESSE – Le 4 juin 2020, l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques (ICRML) a rendu publique l’étude L’effectivité des lois linguistiques dans le secteur de la santé. Les chercheurs espèrent ainsi documenter les écarts qui existent entre les droits prescrits par les lois et la réalité quotidienne des francophones en milieu minoritaire, et tenter d’expliquer ces écarts en identifiant les facteurs en jeu.

Selon Éric Forgues, directeur général de l’ICRML, il existe dans plusieurs contextes des écarts entre ce que ces lois prescrivent et la réalité quotidienne des francophones qui cherchent à obtenir des services en français auxquels ils ont droit. Dans cette étude, les chercheurs se sont particulièrement penchés sur les droits linguistiques en santé.

En plus d’Éric Forgues, sociologue de formation, l’équipe responsable de l’étude inclut la professeure en administration de l’Université de Moncton Stéphanie Maillet et le directeur général de l’Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick (AJEFNB), Philippe Morin. L’avocat Michel Doucet a aussi collaboré à cette recherche financée par le Consortium national de formation en santé (CNFS).

Les chercheurs ont mené une campagne d’entretiens auprès de hauts dirigeants de huit établissements de santé situés au Manitoba, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et en Ontario. Un sondage a aussi été réalisé auprès d’employés en contact avec des patients.

La santé étant une compétence provinciale, les cadres légaux varient d’une province à l’autre. Le choix des provinces à l’étude se justifie par le fait qu’elles ont toutes des lois linguistiques qui s’appliquent spécifiquement au secteur de la santé et qui prévoient une offre de services en français.

L’importance d’une culture organisationnelle propice au respect des droits linguistiques

Les auteurs du rapport ont constaté que, de manière générale, les gestionnaires et les fournisseurs de services directs sont au courant du cadre légal en matière d’obligations linguistiques dans leur province.

L’une des principales conclusions de l’étude est que cette connaissance des lois est toutefois insuffisante pour assurer un respect des droits des francophones sans une culture organisationnelle propice à une offre active de services en français.

Dans cette perspective, en plus des dimensions qui renvoient à la capacité technique d’offrir des services en français, tels qu’une allocation de ressources financières adéquates et le développement d’outils adaptés aux réalités des francophones, il importe de s’intéresser à la manière dont les professionnels perçoivent leurs obligations.

Éric Forgues explique qu’une acceptation mitigée, voire une opposition à la loi, peut compromettre l’application et le respect des droits linguistiques. «Ce n’est pas tant au niveau de la compréhension de la loi et des obligations que l’on rencontre des défis. Je pense que les gens comprennent assez bien leurs obligations. Les défis sont surtout dans la mise en œuvre. […] Sans une culture organisationnelle qui a été développée pour qu’il soit vraiment bien intégré du côté des employés que l’on doit faire une offre de services en français, les outils ne vont pas être utilisés de façon maximale», explique le directeur général de l’ICRML.

Un travail de sensibilisation d’envergure serait ainsi à effectuer afin de changer les perceptions par rapport à l’importance d’offrir des services dans la langue officielle du patient dans les établissements réputés pour leurs lacunes en la matière.

Cela n’est toutefois pas une tâche facile, comme l’explique M. Forgues, et il peut s’avérer ardu d’attirer l’attention d’un gestionnaire sur l’importance de la langue de service :

« Pour un haut dirigeant, les obligations linguistiques, c’est un type d’obligation parmi tant d’autres. Il y a plusieurs lois, un hôpital c’est un milieu très normé et règlementé. Il peut être difficile de respecter toutes les obligations. Ce qu’ils font, ce sont des calculs de risques. »

— Éric Forgues, directeur de l'ICRML

Des écarts entre milieux anglophones et francophones

D’importants écarts ont été notés dans les réponses au sondage en fonction de la langue du milieu de travail dont proviennent les participants. Ces distinctions s’observent notamment en lien avec les perceptions liées au sentiment d’obligation légale ou de responsabilité morale d’offrir des services en français.

À titre d’exemple, les participants francophones soutiennent, dans une plus grande proportion que leurs homologues anglophones, que le respect des droits linguistiques influence la qualité des services offerts.

Pour Annie Bédard, directrice générale de Santé en français au Manitoba, ce constat est associé à l’existence de culture organisationnelle distincte qui varie selon la langue principale de travail. Pour elle, cela démontre l’importance d’institutions propres à la communauté francophone.

«Quand un organisme est désigné francophone, en comparaison à un organisme qui est désigné bilingue, on voit une différence, tout simplement parce que la culture du travail est différente. […] Dans les organismes désignés francophones, la gouvernance est francophone et généralement la langue d’opération est le français. Déjà là, on a d’importants acquis au niveau de la culture organisationnelle. L’accent est davantage mis sur les services en français.»

Des résultats qui trouvent écho auprès des intervenants en santé

De manière générale, les principales conclusions dressées par l’étude ne surprennent pas Mme Bédard. Elle souligne d’emblée que changer une culture organisationnelle est un travail de longue haleine. Cela demande un dialogue régulier entre la communauté francophone, le gouvernement et les réseaux de santé.

Elle en sait quelque chose puisque l’organisme qu’elle dirige est appelé à travailler en étroite collaboration avec des partenaires du système de santé pour améliorer l’accès à des services en français de qualité au Manitoba.

En plus de ce travail de sensibilisation de la haute gestion par des intervenants des communautés francophones, d’importants efforts doivent être déployés à l’interne des établissements de santé pour veiller à ce que l’importance d’offrir des services en français soit bien intégrée dans l’ensemble de l’appareil administratif, jusqu’aux employés qui interagissent directement avec les patients. À cet effet, Mme Bédard constate l’existence de défis persistants.

« On comprend très bien les lois, on comprend très bien les règlements, mais quand arrive le temps de les mettre en œuvre, de les rendre effectifs et efficaces, c’est là que l’on voit des écarts souvent importants. C’est comme si le message ne se rendait pas aux gestionnaires intermédiaires ou que le suivi qui doit être fait régulièrement par la haute direction ne se faisait pas. Il y a une difficulté à faire descendre le tout jusqu’au niveau opérationnel. »

— Annie Bédard, directrice générale de Santé en français au Manitoba

Relations entre les groupes linguistiques

Pour Éric Forgues, un élément important à retenir du rapport est que l’effectivité des lois linguistiques est tributaire du contexte social dans lequel elles s’inscrivent.

Lorsque des relations positives existent entre les groupes linguistiques, il est plus facile d’entreprendre les changements culturels et organisationnels au sein des réseaux de santé pour réellement favoriser une offre de services en français de qualité.

«Ce qui est au cœur de l’effectivité des lois linguistiques, ce sont les relations qui existent entre les groupes linguistiques. Fondamentalement, c’est comment on considère l’autre, comment on le reconnait. C’est de travailler à ce niveau qui est le grand défi».

Print
16927

Guillaume Deschênes-Thériault (Francopresse)Francopresse

Other posts by Guillaume Deschênes-Thériault (Francopresse)
Contact author

Contact author

x
Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan

Le CCS sur Facebook

Nouvelles du CÉCS

La candidature gagnante du prix BRAVO bénévoles 2014 sera connue dans moins d’un mois!

Il reste moins d’un mois avant le grand dévoilement de la candidature gagnante, qui aura lieu le samedi 14 juin prochain à l’Hôtel Hilton Garden Inn, à Saskatoon. Un total de cinq candidatures sera présent lors du dévoilement de la candidature gagnante, qui remportera ainsi le Castor, cette sculpture spécialement créée pour l’occasion par l’artiste […]

Ouverture officielle du gîte Chez Nous Tea & Guest House à Zenon Park

C’est le vendredi 2 mai, à midi, que Mme Yvonne  Smelt procédait à l’ouverture officielle de son gîte du passant Chez Nous Tea & Guest House, situé au 720 rue Principale, à Zenon Park. En effet, Mme Smelt réalise un grand rêve, soit celui d’être son propre patron tout en offrant des services à des […]

Rapport financier vérifié au 31 mars 2014

Rapport vérifié au 31 mars 2014 from conseilcoopsk
RSS
First4546474849505153

Actualité économique

Un quatrième économusée inauguré en Saskatchewan Un quatrième économusée inauguré en Saskatchewan

Un quatrième économusée inauguré en Saskatchewan

3188

Le 7 juin, l’hydromellerie artisanale Prairie Bee, la première en son genre dans la province, a été désignée économusée.

Le FDÉFP, une bouffée d’air pour la fransaskoisie Le FDÉFP, une bouffée d’air pour la fransaskoisie

Le FDÉFP, une bouffée d’air pour la fransaskoisie

Grâce aux financements du Fonds de développement économique francophone des Prairies (FDÉFP), trois organismes fransaskois peuvent concrétiser...
4089
La Belgique tisse des liens avec la Saskatchewan La Belgique tisse des liens avec la Saskatchewan

La Belgique tisse des liens avec la Saskatchewan

L'ambassadeur de Belgique au Canada, Patrick Van Gheel, a effectué une visite officielle en Saskatchewan du 24 au 27 octobre afin de...
5549
Le CÉCS dresse le portrait des régions Le CÉCS dresse le portrait des régions

Le CÉCS dresse le portrait des régions

Disponibles sur le site du Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan (CÉCS) depuis la mi-juin, six rapports statistiques offrent un...
4947
Gaspillage alimentaire : la Saskatchewan veut mieux faire Gaspillage alimentaire : la Saskatchewan veut mieux faire

Gaspillage alimentaire : la Saskatchewan veut mieux faire

Depuis le 3 août, une nouvelle application, Too good to go, permet aux habitants de Regina et de Saskatoon de réduire leur gaspillage alimentaire....
4967
RSS
12345678910Last
Terms Of UsePrivacy StatementCopyright 2014 par L'Eau vive
Back To Top