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Marie-Diane Clarke

Chez la famille Bélanger un jour d’hiver (extrait) *

Dans une petite ferme située au nord de la Saskatchewan, Bernard Bélanger vivait avec sa femme Annie et ses quatre fils, Jules, Jacques, Jean et Jérôme, qui avaient de onze à dix-neuf ans. Ce matin-là, il déambulait dans la neige près de l’écurie. Pour oublier ses soucis financiers, il alla s’asseoir dans la grange et ouvrit son roman d’aventures. Pendant qu’il fixait sa page, certaines paroles revinrent le hanter :

— Comment as-tu pu vendre les bijoux de ma mère? Pourquoi n’as-tu pas vendu plutôt ta collection de pièces? On aurait dû retourner en France.

Toutes ces questions auxquelles il refusait de répondre l’épuisaient et il essayait d’oublier la voix d’Annie en relisant une phrase du roman sans pouvoir en saisir le sens :

— Ton orgueil me brûle le cerveau.

Il fut tiré de son demi-sommeil par les rires de Jacques et de Jules en train de pourchasser leur chien Viking dont la gueule serrait une rondelle. Après avoir réussi à extraire l’objet de la mâchoire de Viking, les deux frères se mirent à grimper de façon hasardeuse à l’arbre de la cour arrière. Ils sautèrent d’une branche et coururent saisir leurs luges. La poche alourdie par la rondelle, Jules enfourcha la sienne avec ardeur et, plus rapide, dévala la pente le premier pour finalement atterrir sur l’étang gelé.

Jules aimait s’exposer à ces périls qui lui donnaient quelques illustres égratignures. Il leva la tête au son d’une pétarade qu’il reconnut. Chevauchant une motoneige et vociférant des menaces contre Jacques qui l’assommait d’une boule de neige, Jérôme débouchait du garage. Il zigzaguait au risque de percuter contre la camionnette familiale. Soudain, un des skis heurta un amas de bûches fraîchement coupées. Les yeux écarquillés de surprise, Jules vit son frère s’envoler dans les airs, échevelé et les yeux rougis par l’alcool. Comme un aiglon qui décolle de son nid, il semblait vouloir embrasser l’univers à pleins bras. Le besoin d’expériences nouvelles atteignait son comble. Il brisa son nez sur la glace.

Jules entendit le hurlement de sa mère qui de la fenêtre avait assisté à l’envol périlleux, et la vit se précipiter hors de la maison une cuillère de bois à la main. Il comprit toute l’angoisse de sa mère, ses grandes frayeurs face aux aventures de ses fils, à leurs randonnées qui se terminaient en escalades dans les ravins ou sous les ponts, à leurs inoubliables virées en motoneige.

Jules se souvint soudain de sa course folle au sommet d’une colline, une nuit d’été, avec ses amis Coco et Martin. Ils s’étaient retrouvés sur leurs bicyclettes dans le but de partir s’échanger des photos de joueurs de hockey. Ils avaient fait une halte au bord de la route, le visage éclairé par des lampes de poche. Malgré le cri nocturne d’une chouette, ils se plaisaient à se croire les éléments perturbateurs du coin, quand brusquement quelques aboiements vinrent déchirer l’ambiance paisible. Ces aboiements s’amplifiant à une allure menaçante, ils enfourchèrent leurs bicyclettes dans un désordre ahurissant, laissant tomber leurs précieuses photos. Trois chiens n’étaient plus qu’à une vingtaine de mètres derrière eux quand Jules s’aperçut que Martin avait pris la bicyclette de Coco. Celui-ci galopait derrière son deux-roues tout en criant des injures à Martin, les bras en l’air. Jules fit un demi-tour rapide et, dérapant sur la route caillouteuse, invita Coco à s’asseoir sur le guidon, tandis que Martin disparaissait au loin dans un nuage de poussière. Les trois amis s’expliquèrent plus tard. Coco encore échauffé par l’aventure, vociférait de nouvelles insultes à Martin. Jules calma les opposants en leur proposant de retourner dorénavant sur la maudite colline, une arme dans leur poche, pour aller récupérer la bicyclette de Martin. Celui-ci choisit son canif de scout, Coco le marteau de son père et Jules trois cuisses de poulet enrobées dans un mouchoir…

Les yeux de Jules quittèrent leurs réflexions intérieures pour se poser à nouveau sur le spectacle qu’offrait Jérôme dont le nez saignait abondamment, soutenu par sa mère qui avait laissé tomber sa cuillère. D’une voix entrecoupée par l’émotion, elle disait à son père :

  • Va chercher de la glace et fais démarrer la camionnette. On part tout d’suite! 

  Extrait d'une collection de nouvelles en chantier sur une famille française en Saskatchewan  

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