Omayra Issa, une jeune leader mondiale
Le Forum national économique a récemment annoncé une nouvelle cohorte de Jeunes leaders mondiaux. Parmi les 80 nouveaux élus figure la journaliste fransaskoise Omayra Issa, connue pour ses reportages à Radio-Canada, notamment Black on the Prairies. En poste depuis le début de l’année à la Chaîne d’affaires publiques par câble (CPAC) à Ottawa, la jeune femme fait porter sa voix singulière par-delà les frontières.
En quoi consiste le rôle d’un jeune leader mondial ?
Les jeunes leaders mondiaux sont des gens de moins de 40 ans qui sont sélectionnés sur la base de contributions qu’ils ont faites dans leur communauté ou dans leur pays.
Les jeunes viennent de plusieurs domaines comme la technologie, la santé ou la politique. Ils visent à trouver des solutions à de grands problèmes et à promouvoir les valeurs du Forum économique mondial, c’est-à-dire respecter la diversité et l’inclusivité dans le monde.
Pour vous, que représente ce titre ?
Toutes les reconnaissances que j’ai reçues me rendent très humble. Pour moi, le titre de Jeune leader mondiale signifie une reconnaissance du travail que je fais depuis très longtemps au sein du Canada.
J’ai longtemps travaillé en Saskatchewan et dans l’Ouest canadien. En plus, tous les efforts que je fais au niveau international sont reconnus. Donc cette nomination est une fierté, mais ça me rend très, très humble également.
Selon le Forum économique mondial, un jeune leader s’engage à façonner un avenir plus inclusif et plus durable. Comment y parvenir selon vous ?
Cette question est vraiment au cœur de tout ce que je fais. Je pense que l’inclusion commence déjà par la reconnaissance que la diversité est une richesse.
Beaucoup de gens ne pensent pas à cette question-là, mais moi j’y pense depuis toujours et tous les jours. Ça fait des années que je fais des efforts comme journaliste pour que notre industrie soit plus inclusive.
L’inclusion, ça veut dire également chercher à avoir de l’équité. Tout le monde fait face à de grands défis en ce moment, que ce soit au niveau de la démocratie, des droits de la personne, des défis ethnoculturels, de la préservation de la langue, de la réconciliation avec les Autochtones, du changement climatique et de l’immigration.
Je crois qu’il y a des manières de bâtir des ponts entre nous pour faire face à ces grands défis. Je pense que ça passe beaucoup par le dialogue entre les gens : dans les écoles, les institutions, les églises, les mosquées, les synagogues, les cercles d’amis, les centres communautaires, et en famille autour de la table. Chacun a une pierre à ajouter.
Vous avez immigré en Saskatchewan en 2006. Comment pensez-vous que la Saskatchewan en particulier pourrait devenir plus inclusive et plus durable ?
Premièrement, je suis très fière d’être fransaskoise. Toutes les institutions fransaskoises me tiennent beaucoup à cœur.
J’ai immigré en Saskatchewan à l’âge de 16 ans. À l’époque, il n’y avait pas beaucoup d’autres élèves immigrants à l’École canadienne-française de Saskatoon. Après le secondaire, je suis allée à l’Université de l’Alberta au Campus Saint-Jean pendant 6 ans.
Lorsque je suis revenue à Saskatoon, j’ai vu que les visages à l’école avaient complètement changé. Il y avait des jeunes de tous les coins du monde, et les enseignants aussi. Ça m’a beaucoup inspirée. Ça m’a donné énormément d’espoir.
L’inclusion est un projet à long terme auquel tout le monde doit contribuer. Il est fort probable que les résultats se verront dans les vingt ou trente prochaines années. Beaucoup de gens font cet effort et je salue leur travail.
Black on the Prairies, un projet que vous avez réalisé avec CBC, explore les expériences et l’histoire des Noirs dans les Prairies. De quelle façon ce projet a-t-il contribué à votre carrière ?
Ce projet a changé ma vie. Ça m’a donné une audience de plus d’un million de personnes. Ça a aussi permis à tous les Canadiens de comprendre qu’il y a une histoire riche, qu’on partage, nous tous, et pas juste des personnes noires dans les Prairies. C’est une histoire canadienne.
Je suis aussi fière que ça ait donné de la fierté à beaucoup de personnes noires dans les Prairies. On a amélioré la compréhension des Canadiens par rapport à leur propre histoire et on a créé du dialogue.
Quelles répercussions a eu ce projet ?
Quand je suis arrivée en Saskatchewan, personne ne m’a parlé des contributions des personnes noires, ni au secondaire ni à l’université. Ça ne faisait absolument pas partie du curriculum. Grâce à Black on the Prairies, c’est maintenant inclus dans le curriculum de la province.
On a créé un guide pédagogique pour les élèves de la maternelle à la douzième année dans les deux langues officielles, disponible à travers tout le Canada. Je suis fière de voir quand je vais dans les écoles des jeunes en train d’apprendre cette histoire-là.
De quelle façon comptez-vous contribuer en tant que Jeune leader mondiale ?
J’espère apporter un point de vue différent. Je suis journaliste depuis 11 ans maintenant, j’ai parcouru le Canada pour parler à des Canadiens dans différentes communautés, que ce soit des fermiers, des enseignants, des médecins, des citoyens de tous les jours…
J’ai une compréhension très unique du Canada. Et le fait que je travaille aussi à l’international me permet d’avoir une vision très nuancée du monde et des enjeux.
Je crois que ma perspective comme journaliste est très enrichie par les reportages que je fais et j’espère apporter cette richesse-là autour de la table.
Quels conseils donneriez-vous à des jeunes qui, comme vous, aimeraient changer le monde ?
Rêvez grand et ayez une passion ! Des personnes ne vont pas comprendre, vont vous remettre en cause ou douter de vous, mais persistez malgré toute la négativité.
C’est très important de savoir qui vous êtes et pourquoi vous faites ce que vous faites. Passez du temps à réfléchir à vos valeurs.
Osez rêver, soyez persistant et faites en sorte que votre rêve contribue à l’amélioration de notre monde.
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