Les 29 février et 1er mars derniers, la chanteuse fransaskoise Anique Granger, qui sillonne le pays depuis une vingtaine d’années, est revenue en terre natale pour prodiguer ses conseils d’écriture et de présence scénique lors de l’atelier Tremplin pro musique. Retour sur le regard d’une artiste accomplie qui aide à faire émerger la jeune génération.
« La musique a sept lettres, l'écriture a vingt-cinq notes. » Le moraliste et essayiste Joseph Joubert avait raison : en musique, les mots sonnent et résonnent. Aux auteurs d’en trouver le rythme et d’en écrire la partition. Les deux jours d’atelier organisé par le Conseil culturel fransaskois (CCF) à Saskatoon ont permis à neuf participants de bénéficier des conseils de Natalie Bernardin, propriétaire de l’agence d’artistes Amixie, pour la partie développement de carrière musicale et d’Anique Granger pour l’écriture et la performance scénique. La formation était gratuite.
Assumer son identité artistique
« Accessible » et « généreuse » sont les adjectifs qui reviennent dans la bouche des participants pour qualifier leur mentor. Elle qui avait multiplié les ateliers lorsqu’elle était encore novice dans le métier aime « revoir l’étincelle du début ». Lors de la formation, les artistes lui ont d’abord présenté une chanson sur scène avec un retour de sa part sur leur prestation, puis le travail d’écriture en collaboration a pris place.
Transmettre son savoir et son expérience est une chose, mais Anique Granger insiste aussi sur l’identité artistique et l’humilité. « La première chose que je dis, c’est de plonger et de découvrir les choses à leur façon. Je ne peux rien leur apprendre qui va remplacer l’essai, l’erreur et le temps. »
Son rôle de guide est toutefois bien présent. Même si elle se défend d’avoir le mot juste plus que l’auteur, elle le bouscule s’il refuse de changer un mot ou une phrase : « Tu dois savoir exactement pourquoi tu l’aimes et être prêt à le défendre. On peut faire n’importe quoi quand on assume et comprend pourquoi on veut chanter comme ça. »
Anique Granger salue l’ouverture dont fait preuve la relève musicale fransaskoise face aux remarques, une chose peu évidente pour elle qui, rétrospectivement, se trouvait « plus têtue ». Si rien ne remplace l’expérience et la recherche, il faut aussi accueillir les idées qui naissent des collaborations. La chanteuse constate ainsi « la lenteur dans son processus de création » car elle s’entête à produire ses propres textes. « Ça m’a pris des années à trouver leur ouverture », reconnaît-elle.
Une réalité fransaskoise
L’atelier répond également aux défis des artistes fransaskois. Suzanne Campagne, directrice générale du CCF, parle d’écologie de développement musical. Ces ateliers permettent selon elle de professionnaliser, de réseauter et de rassembler la scène fransaskoise.
Surtout, l’atelier constitue une prise de conscience : une carrière professionnelle est possible. L’intervention d’artistes confirmés est ici cruciale pour la directrice du CCF : « Anique Granger est un bijou dans notre communauté, elle est dans le concret de l’industrie. »
Plus qu’une inspiration artistique, la contribution d’artistes accomplis montre que le chemin est ouvert aux jeunes artistes. Peu consciente de son image, Anique Granger devient malgré tout un modèle à leurs yeux. Suzanne Campagne la qualifie même d’ambassadrice : « Des personnes comme elle contribuent énormément à l’écologie du développement de la musique en Saskatchewan. Elle a été pendant des années au conseil d’administration de l’Association des professionnels de la chanson et de la musique (APCM) à investir les artistes de l’Ouest. »
Un mentorat bénéfique
Se former est essentiel, mais la visibilité doit suivre. Les contacts établis lors des ateliers comme Tremplin pro musique permettent aux débutants de se tisser un réseau professionnel. Des concerts, des collaborations et une vivacité musicale pour la province peuvent alors en découler.
De plus, les fruits de ce travail se récoltent encore des années après. Anique Granger espère que les participants « savent qu’ils peuvent toujours [la] contacter ». Un soutien à long terme qui peut aider à surmonter les défis de la vie d’artiste en milieu minoritaire : « Les artistes québécois n’ont pas conscience de nos défis en Saskatchewan. Ici, les artistes se doivent d’être polyvalents », rappelle-t-elle.
Le travail de formation semble porter ses fruits. « Ces dernières années, j’ai vu le calibre augmenter », rapporte Anique Granger. Au vu de la jeune génération fransaskoise qui déploie ses ailes sur la scène nationale, Suzanne Campagne confirme ses dires.
Avec son dernier album sorti en 2019, Le ruban de la cassette, Anique Granger incarne l’idée de ne pas avoir peur d’être hors cadre, de cultiver son identité. Elle offre des balados sur le processus d’écriture et, bien sûr, ses chansons. Encore une inspiration.
Anique Granger, artiste-mentor
Originaire de Saskatoon, Anique Granger débute sa carrière dans le groupe Polly-Esther avec Rachel Duperreault. Trois opus et une dizaine d’années sur les routes plus tard, elle sort son premier opus solo en 2008 intitulé Pépins.
Auteure-compositrice-interprète mêlant musique country, folk et pop, elle reçoit trois prix Trille Or pour son album Aimer comme une émeute paru en 2015.
Se produisant sur les scènes canadiennes comme européennes, elle sort en octobre 2019 son dernier album, Le ruban de la cassette, un travail novateur fait de chansons inspirées de ses rencontres et de balados traitant du processus de création d’une chanson.