Nous, les signataires de cette lettre, représentons les communautés francophones et
acadiennes du Canada - 2,6 millions de citoyens et de citoyennes d’expression française vivant
en milieu minoritaire dans neuf provinces et trois territoires. Comme plusieurs autres, nous
sommes gravement inquiets face à l’effritement de plus en plus dramatique de CBC/Radio-
Canada. La stratégie quinquennale annoncée par la société d’État en juin nous trouble
profondément. On a beau parler de transformation et d’évolution ; à notre sens, ce sont des
pans entiers du diffuseur public qu’on est en train de démanteler.
Pour l’ensemble des Canadiens et des Canadiennes, l’enjeu radio-canadien est lié à la
souveraineté culturelle de notre pays. Dans nos communautés, il est encore plus fondamental :
c’est de notre capacité de vivre en français qu’il s’agit.
Dans la grande majorité des provinces et territoires où nous vivons, la Télévision de Radio-
Canada est la seule à offrir de la programmation locale en français. Pour bon nombre d’endroits
qui n’ont pas la chance d’avoir une radio communautaire, les stations régionales de la Première
Chaîne sont encore les seules à offrir des informations sur notre milieu immédiat.
Avant 2009, ces stations régionales avaient déjà peu de ressources. Depuis, nous assistons, de plus en plus alarmés, à leur étouffement progressif. Les événements de nos communautés, les nouvelles de nos provinces et de nos territoires ont de moins en moins de place à l’antenne, faute de moyens ; les émissions de variété et les dramatiques produites à l’extérieur du Québec ont largement disparu ; les journalistes n’ont plus les ressources pour couvrir les nouvelles à l’extérieur des grands centres.
L’impact qu’aurait la disparition de Radio-Canada, pour nous, est fort simple : pour la presquetotalité de nos communautés, ce serait la fin de la programmation locale en français à la télévision, point à la ligne.
C’est pour cette raison que nous prenons la parole, que nous joignons notre voix à celles, déjà nombreuses, qui ont manifesté leur opposition aux coupures sans fin à CBC/Radio-Canada. À notre sens, on est en train de démolir le diffuseur public sans même nous avoir demandé, à nous les citoyens et citoyennes, ce que nous en pensons. Il faut que les Canadiens et les
Canadiennes décident ensemble de l’avenir qu’ils veulent pour CBC/Radio-Canada. Il faut se parler, collectivement, comme société.
Nous demandons un moratoire immédiat sur la stratégie 2015-2020 de CBC/Radio-Canada.
Nous réclamons ensuite la mise sur pied d’une commission indépendante sur l’avenir du diffuseur public. Que cette commission établisse, de façon neutre, si les Canadiens et les Canadiennes souhaitent toujours un diffuseur public au XXIe siècle, et quelles sont leurs attentes envers celui-ci.
En ce qui a trait aux difficultés que vit CBC/Radio-Canada, l’opinion publique semble se répartir en deux camps : ceux et celles qui estiment que le diffuseur public n’a plus les ressources financières pour remplir son mandat, et ceux et celles qui sont d’avis que la société d’État a suffisamment d’argent mais ne le dépense pas de façon efficace. Une commission
indépendante comme celle que nous réclamons sera chargée de faire la lumière, une fois pour
toutes, sur cette question. En outre, puisque nous entrons dans une année pré-électorale, nous joignons notre voix au collectif Radio-Canada, j’y tiens et demandons aux partis politiques fédéraux d’inscrire dans leurs programmes électoraux respectifs des engagements clairs en matière d’appui au diffuseur public.
Qu’on ne nous méprenne pas : nous comprenons, comme l’ensemble des Canadiens et des Canadiennes, l’impératif pour la société d’État de se positionner dans un monde numérique où le changement est la norme et où les modes de consommation sont en constante évolution.
Mais ce ne sont pas des technologies qui raconteront nos histoires et qui parleront de nos réalités. Ce sont des gens. Et des gens pour raconter nos histoires, à Radio-Canada, il y en a de moins en moins.
Marie-France Kenny, présidente, Fédération des communautés francophones et acadienne du
Canada
Martin Théberge, président, Fédération culturelle canadienne-française
Nancy Hayes, présidente, Alliance des femmes de la francophonie canadienne
Françoise Sigur-Cloutier, présidente, Assemblée communautaire fransaskoise
Denis Vaillancourt, président, Assemblée de la francophonie de l’Ontario
Jean Johnson, président, Association canadienne-française de l’Alberta
Denis Poirier, président, Association de la presse francophone
Angélique Bernard, présidente, Association franco-yukonnaise
Véronique Legault, présidente, Commission nationale des parents francophones
Ghislain Boudreau, président, Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse
Alec Boudreau, président, Fédération de la jeunesse canadienne-française
Roland Gallant, président, Fédération des aînées et aînés francophones du Canada
Allan Damer, président, Fédération des associations de juristes d’expression française
Réal Roy, président, Fédération des francophones de Colombie-Britannique
Cyrilda Poirier, présidente, Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador
Richard Létourneau, président, Fédération franco-ténoise
Isabelle Salesse, présidente, Réseau pour le développement de l’alphabétisme et des
compétences
Jeanne d’Arc Gaudet, présidente, Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick
Mamadou Ka, président, Société franco-manitobaine
Guy LaBonté, président, Société Saint-Thomas-d’Aquin (Île-du-Prince-Édouard)
Dr Aurel Schofield, président, Société Santé en français