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Fred Pellerin vient faire rouler ses dés en Saskatchewan

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Marie Thérèse Hébert & Jean Robert Thibault / Flickr

Le 6 novembre prochain, le célèbre conteur et chanteur québécois Fred Pellerin fera un saut de géant à la salle The Artesian de Regina. Dans le cadre du Rendez-vous fransaskois, il présentera son spectacle Un village en trois dés, véritable voyage au centre de sa terre natale. Rencontre avec un artiste pluriprojets qui n’en est pas à son premier mot et qui est loin d’avoir dit son dernier.

Le décor narratif de vos contes est planté dans votre village natal de Saint-Élie-de-Caxton, en Mauricie, une région du Québec. Pourquoi le public s’identifie-t-il à vos personnages selon vous ?

Je ne pensais jamais un jour vivre de ça, je ne pensais jamais que les gens s’intéresseraient à mes histoires, parce que je racontais l’histoire de mon village. Mais finalement, il y a quelque chose d’universel là-dedans. 

« Il y a quelque chose d’universel dans mes histoires. »

Je me suis retrouvé à conter mes histoires à Kingston, en Jamaïque, en Suisse, en Belgique, au Yukon, bientôt en Tunisie, et à chaque fois je me demande si ça va se rendre ! 

Je parle de Méo le coiffeur, de la postière, de Toussaint Brodeur qui vendait de la bière illégale, et tout le monde se tape sur les cuisses, ils se reconnaissent dans les personnages.

Fred Pellerin
Le conteur Fred Pellerin est de passage en Saskatchewan à l’occasion du Rendez-vous fransaskois avec son spectacle Un village en trois dés.
Crédit : Marie-Reine Mattera

Il y a les histoires qui touchent la corde sensible des gens, mais aussi la langue, le parler métaphorique et poétique qui est votre marque de fabrique.

J’aime faire parler la langue de tous les jours. Je pense que j’arrive à créer une poésie à partir de cette langue-là et qu’elle trouve écho, peut-être encore plus en milieu minoritaire. Les gens se reconnaissent dedans.

J’aime faire parler la langue de tous les jours.

Vous faites beaucoup voyager vos spectacles, notamment en France. Comment votre langue est-elle perçue sur le Vieux Continent ?

J’ai fait plus de 100 voyages en France et je ne modifie pas un mot dans mes spectacles. Avec le temps, j’ai fini par savoir instinctivement ce que les Français ne comprennent pas. Je travaille sans texte, alors quand je raconte et que j’arrive à ce mot-là, je sais qu’ils ne vont pas le comprendre, et je leur donne un équivalent dans mes mots à moi. 

La compréhension est entière, personne ne sort sans avoir tout compris. Puis, ça les étonne cette liberté-là que je me donne de monter sur scène sans texte, car en France, il y a une très forte culture du texte et de l’auteur.

Revenons sur le spectacle Un village en trois dés que vous allez présenter à Regina dans le cadre du Rendez-vous fransaskois. Quels sont les thèmes que vous aborderez ?

Je raconte des contes, mais j’aime bien poser des questions, faire réfléchir. Ce spectacle, je l’ai bâti sur l’affaire de l’existence collective. On est beaucoup dans le « connais-toi toi-même », « travaille sur ton bonheur personnel pour ensuite aider les autres ». Moi je vis au « nous », je parle au « on ». Ma psy m’a dit un jour : ‘Ton devoir cette semaine, ça va être d’essayer de parler au « je »’ !

Mais j’aime ça travailler à la collectivité, au groupe. Je trouve que les gestes portent quand ils trouvent résonance dans le groupe, la collectivité et la communauté. À partir de quand un groupe existe-t-il collectivement ? À partir de quand est-on un village ? Celui de Saint-Élie-de-Caxton a commencé à exister le 12 avril 1865. Ça veut dire que la veille, tout le monde était là, mais que c’était pas encore un village ! À partir de quand la somme des « je » devient-elle un « nous » ?

les gestes portent quand ils trouvent résonance dans le groupe

D’un spectacle à l’autre, comment renouvelez-vous votre inspiration ?

À chaque fois, j’arrive avec une réflexion à approfondir, puis je jette ça dans l’univers de Saint-Élie-de-Caxton. J’habite toujours ce village-là ! Ça fait ressortir des personnages, des anecdotes. Pour moi, ce n’est pas une limite. Au contraire, c’est un tremplin. 

Les personnages, je les connais, je peux même aller questionner leurs descendants. Pis là, un peu à la mode Star Wars, c’est le dernier épisode, le spectacle 6, qui raconte la genèse du village.

J’ai aussi plein de projets qui peuvent sembler épars, mais qui me font tous retrouver de la poésie. J’ai planté de l’orge, j’ai un projet de truffière, des documentaires, un livre jeunesse, des capsules pour Radio-Canada. C’est toujours le même procédé, comme un alambic qui me permet de tirer un alcool fin du grand jus des conversations quotidiennes.

C’est toujours le même procédé, comme un alambic qui me permet de tirer un alcool fin du grand jus des conversations quotidiennes.

Le concept de « village » tient une place centrale dans votre œuvre. Pourquoi ?

Un quartier est un village, une place est un village. Le village existe en nous, chacun des personnages est un bout de nous-mêmes. J’ai appris à chercher de la poésie dans la bouche des gens de mon village et dans tous mes projets.

Avez-vous des affinités avec les « villages » francophones éparpillés aux quatre coins du Canada ?

Chez vous, en milieu minoritaire, la résistance est quotidienne, et il y a une vigueur chez les francos qui est très, très inspirante. 

Je voyage à travers le Canada depuis 2000. La première fois que j’ai débarqué dans l’Ouest, c’était à Edmonton pour travailler avec Roger Dallaire [conteur et musicien] avec qui j’avais monté un duo de contes. Il y a une parenté naturelle entre nous deux. C’est un conteur, mais il y a aussi tout son projet de vie, l’histoire de sa maison, ses aventures en canot, tout ça me rejoint énormément.

Le spectacle de Fred Pellerin a lieu le 6 novembre et est organisé en collaboration entre le Conseil culturel fransaskois et la salle The Artesian.