Close

Abonnez-vous à l'Eau vive

Navigation

Categories

Quand la pandémie pèse lourd sur notre moral

Quand la pandémie pèse lourd sur notre moral

Author: Lucas Pilleri – Initiative de journalisme local – APF /Wednesday, June 3, 2020/Categories: Initiavive de journalisme local - APF, 2020, Société, Santé

Hélène Davis, travailleuse sociale et psychothérapeute

Hélène Davis, travailleuse sociale et psychothérapeute

Crédit : courtoisie
Alors que la Semaine nationale de la santé mentale s’est achevée le 10 mai dernier, beaucoup se demandent quel impact la pandémie de COVID-19 a et aura sur leur bien-être psychique. Aussi, L’Eau vive s’est entretenue avec Hélène Davis, travailleuse sociale, conseillère et psychothérapeute pour Family Service Saskatoon, un organisme à but non lucratif.

Selon vous, quel impact a la pandémie sur notre santé mentale ?

Jusqu’à présent, on a été plus ou moins protégé en Saskatchewan. Il n’empêche que le confinement est très stressant. Ça crée de la dépression, de l’anxiété, des deuils, un peu de ressentiment et de colère même.

Le confinement est particulièrement difficile pour certaines personnes, comme les personnes seules, les aînés ou les malades. Ça vous inquiète ?

J’ai une inquiétude pour les aînés. Je me préoccupe pour ceux qui vivent seuls, qui sont plus ou moins habiles avec les outils comme FaceTime. On doit vraiment s’assurer qu’ils aient des contacts sociaux, ça joue un grand rôle dans la santé mentale. On leur demande de rester chez eux plus que les autres : ils sont encore plus isolés et tournent en rond alors qu’il y a beaucoup d’aînés qui sont très capables et autonomes.

Dans le cadre de votre travail, vous offrez des services de counseling par téléphone. Quel genre de problèmes observez-vous en ce moment ?

Certaines personnes sont très directement affectées par la maladie. Il y a beaucoup d’inquiétude pour les membres des familles qui travaillent dans les services de première ligne. Ils ne peuvent pas les voir car ils suivent un confinement plus rigoureux.

Il y a aussi des difficultés pour la garde partagée des enfants. Un parent peut se dire que l’enfant est plus à risque dans l’autre foyer et l’autre parent se dit que c’est un prétexte pour garder l’enfant. Ça peut aggraver les tensions.

Aussi, les employés doivent se réorganiser avec leurs enfants et leurs responsabilités de télétravail. Ça cause du stress. L’école à la maison n’est pas toujours évidente. Les parents font ce qu’ils peuvent. Ils sont assez débrouillards, mais ce n’est pas égal d’un foyer à l’autre.

À ce propos, est-ce que la déscolarisation peut avoir des conséquences sur l’apprentissage des enfants ?

Les psychologues suggèrent de ne pas trop insister. Il vaut mieux primer la sécurisation de l’enfant dans cette période difficile. Il faut avoir une certaine souplesse et une harmonie à la maison plutôt que d’insister sur l’atteinte d’objectifs scolaires. Tout le monde dans le foyer familial doit faire des accommodements pour vivre de façon plus serrée et essayer de guider le comportement des enfants au lieu d’être rigides.

On parle aussi de la violence domestique qui augmenterait en période de confinement. Est-ce quelque chose que vous constatez ?

Oui, il y a une augmentation. Ces jours-ci, des femmes peuvent être à risque de violence conjugale, et c’est la même chose pour les enfants. C’est souvent par l’entremise de l’école que les enfants signalent un mauvais traitement à la maison. Ils n’ont plus recours à ces autorités s’il y a un problème. Si c’est une situation qui met les gens en péril de façon immédiate, il faut le signaler.

Dans le counseling, on essaye de créer de nouvelles façons de faire pour protéger ces femmes et ces enfants. Mais, pour le moment, certaines personnes sont contraintes à vivre avec telle ou telle situation qui n’est pas idéale. Que ce soit des violences psychologiques, émotionnelles ou physiques.

Vous avez même dû interrompre votre programme Men’s Working Group for Respectful Relationships consacré aux hommes reconnus coupables de violence domestique.

Oui, on regarde les possibilités de l’organiser de façon virtuelle. On avait créé une cohésion au sein du groupe et ils n’ont plus cet appui. On essaye de garder le lien avec eux. Ce qui est difficile, c’est qu’il y a souvent des ordonnances de non-contact vis-à-vis de leur famille tant qu’ils n’ont pas fini le programme. Ça retarde les choses.

D’après vous, peut-on craindre des symptômes de stress post-traumatique une fois la crise sanitaire terminée ?

Certains disent que les symptômes vont apparaître dans les mois qui suivent. Mais je pense que les gens sont sous le choc dès les premières semaines. Je reçois des gens qui ont ce diagnostic dans mon bureau. Ça survient souvent assez rapidement. De plus en plus, on va devoir aider des gens traumatisés, soit parce qu’ils ont été malades et hospitalisés, soit parce qu’ils ont perdu quelqu’un de proche de façon soudaine.

Quelles sont les populations les plus à risque de développer ces symptômes ?

Je pense d’abord aux travailleurs de première ligne qui nous font le récit de leurs souffrances : ils n’ont pas de recours contre la menace et ils ont une responsabilité. Ces gens se retrouvent dans des situations à haut risque. Il y a aussi la question du réaménagement de leur cadre de travail, les frustrations et difficultés de réaménager leur vie quotidienne en fonction des demandes de leur employeur. Ce ne sont pas des changements qui ont été négociés, ça s’est fait rapidement.

Certaines personnes parlent de résilience. Dans quelle mesure cela s’applique-t-il à la crise actuelle ?

La résilience, c’est la capacité de s’adapter, de surmonter les difficultés, de retrouver une situation après une crise, que ce soit au niveau personnel ou communautaire, de pouvoir se rétablir et s’adapter de façon saine. Ce qui va faire la différence pour ceux qui souffrent, c’est de pouvoir  raconter leurs difficultés dans une relation d’aide ou avec des personnes avec qui ils ont un attachement sécurisant.

Vous parlez même de résilience communautaire. Qu’est-ce que ça veut dire et pourquoi est-ce important ?

La résilience communautaire, c’est le fait de pouvoir parler ouvertement sans se faire critiquer et d’être appuyé pour s’exprimer. C’est très important. La résilience n’est pas seulement une affaire de capacités individuelles, c’est aussi l’entraide entre membres d’une communauté. Le psychiatre français Boris Cyrulnik parle de mise en parole d’une difficulté qui est à surmonter. C’est dans un milieu sécurisant qu’on peut atténuer les effets du stress.

Finalement, quels conseils donneriez-vous aux gens qui souffrent de la situation actuelle ?

Il faut essayer de découvrir de nouveaux moyens de rester en contact avec ses proches, que ce soit par visioconférence ou autre. Si le traumatisme est grave, il faut demander de l’aide auprès des services sociaux ou médicaux. Il faut aussi essayer d’être flexible, souple, de ne pas être trop rigide dans ses relations avec la famille. Il faut établir de nouvelles limites et routines, faire une rupture avec le travail, garder un sanctuaire.

Comment reconnaître les symptômes d’un stress post-traumatique (SPT) ?

Parmi les symptômes du SPT les plus courants, on retrouve les cauchemars. En outre, le corps produit plus d’adrénaline pour tenter de fuir la menace, ce qui peut se traduire par des palpitations cardiaques, des tremblements ou des picotements dans les extrémités. Enfin, on parle de dissociation : une personne traumatisée se sépare de la réalité, développant un sentiment d’alerte et de panique comme si la menace planait toujours autour d’elle.

Print

Number of views (30019)/Comments ()

Lucas Pilleri

Lucas Pilleri – Initiative de journalisme local – APF

Contact author
Comments are only visible to subscribers.

Contact author

x

Les plus populaires

Festival Fête fransaskoise 2018 : une édition réussie

Festival Fête fransaskoise 2018 : une édition réussie

PIKE LAKE - Près de 700 personnes se sont données rendez-vous au parc provincial de Pike Lake pour les trois jours d’activités et de spectacles de...
Friday, August 17, 2018/Author: Jean-Pierre Picard/Number of views (748717)/Comments ()/
La Tente francophone accueille plus de 1 000 visiteurs

La Tente francophone accueille plus de 1 000 visiteurs

Festival pour enfants Potash Corp à Saskatoon

SASKATOON - Pour la première fois cette année, le Festival pour enfants Potash Corp offrait une tente abritant les activités offertes par...
Thursday, June 16, 2016/Author: Aminata Konaté/Number of views (410499)/Comments ()/
"Un tramway nommé Désir" au Théâre Oskana

"Un tramway nommé Désir" au Théâre Oskana

Le Théâtre Oskana de Regina présentait, du 15 au 18 mars dernier, Un tramway nommé Désir, de l’auteur américain Tennessee Williams.

Thursday, March 29, 2018/Author: Mychèle Fortin/Number of views (377662)/Comments ()/
La Saint-Jean-Baptiste en Saskatchewan

La Saint-Jean-Baptiste en Saskatchewan

Compte rendu et photos des célébrations de la Saint-Jean-Baptiste à Saskatoon, Bellegarde, Gravelbourg et Zenon Park.

Sunday, July 3, 2016/Author: L'Eau vive/Number of views (257373)/Comments ()/
Le « mieux-être » au cœur du Rendez-vous fransaskois 2016

Le « mieux-être » au cœur du Rendez-vous fransaskois 2016

SASKATOON - C’est sous le thème du « mieux être personnel et communautaire » que s’est déroulé le...
Thursday, November 10, 2016/Author: Jean-Pierre Picard/Number of views (239888)/Comments ()/
Mosaic 2017 : Un pavillon francophone haut en couleur

Mosaic 2017 : Un pavillon francophone haut en couleur

Festival Mosaic 2017 à Regina

REGINA - Les résidents de la capitale saskatchewannaise se sont déplacés en grand nombre dans les dix pavillons du festival Mosaic...
Thursday, June 8, 2017/Author: Pierre-Émile Claveau/Number of views (129642)/Comments ()/
Cuba, l'île abandonnée au temps de la Covid-19

Cuba, l'île abandonnée au temps de la Covid-19

Cuba a une tradition bien établie d'aide médicale internationale. Des médecins cubains étaient prêts à venir chez nous, à la demande des communautés autochtones...
Thursday, May 14, 2020/Author: Mychèle Fortin/Number of views (99308)/Comments ()/
Rapports sur l'état de santé des organismes provinciaux

Rapports sur l'état de santé des organismes provinciaux

Rendez-vous fransaskois 2018

SASKATOON - Le dimanche 4 novembre, dans le cadre du Rendez-vous fransaskois 2018, les différents organismes provinciaux francophones ont eu l’occasion de...
Thursday, November 8, 2018/Author: Simb Simb/Number of views (95949)/Comments ()/
La Société historique de la Saskatchewan honorée par la province

La Société historique de la Saskatchewan honorée par la province

REGINA - Son Honneur, l’honorable W. Thomas Molloy, le lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan a remis un prix à la Société historique de la Saskatchewan...
Wednesday, June 27, 2018/Author: L'Eau vive/Number of views (92680)/Comments ()/
Après 20 ans de gestion scolaire fransaskoise:  Comment se porte le français dans nos écoles?

Après 20 ans de gestion scolaire fransaskoise: Comment se porte le français dans nos écoles?

Rencontre avec un parent inquiet, mais optimiste

La Saskatchewan a bien changé depuis l’obtention de la gestion scolaire il y a 20 ans. Depuis deux décennies, l’épanouissement du...
Thursday, January 29, 2015/Author: Mychèle Fortin (EV)/Number of views (85484)/Comments ()/
Caravane de Vocalités vivantes: quand les mots voyagent

Caravane de Vocalités vivantes: quand les mots voyagent

Après avoir sillonné les routes canadiennes des Maritimes aux Prairies, la caravane de Vocalités vivantes a effectué ses deux derniers...
Sunday, October 15, 2017/Author: Pierre-Émile Claveau/Number of views (72976)/Comments ()/
Un plaidoyer pour une Fransaskoisie unie et forte

Un plaidoyer pour une Fransaskoisie unie et forte

Rendez-vous fransaskois 2018

Saskatoon - Du 2 au 4 novembre 2018, avait lieu à l’hôtel Hilton Garden Inn, l’édition 2018 des Rendez-Vous fransaskois où se sont rassemblées des...
Thursday, November 8, 2018/Author: Simb Simb/Number of views (72802)/Comments ()/
Célébrations du centenaire du Collège Mathieu

Célébrations du centenaire du Collège Mathieu

GRAVELBOURG - L’équipe du Collège Mathieu n’a pas ménagé ses efforts pour célébrer en grand le centenaire de l’institution d’enseignement...
Sunday, October 14, 2018/Author: Jean-Pierre Picard/Number of views (68823)/Comments ()/
Et c’est parti pour “Le Canada c’est moi!”

Et c’est parti pour “Le Canada c’est moi!”

C’est Saskatoon, St-Denis et Debden qui ont donné le coup d’envoi du projet de l'Association des parents fransaskois (APF) Le Canada c’est...
Friday, February 3, 2017/Author: L'Eau vive/Number of views (68097)/Comments ()/
Les Tintamarres fransaskois

Les Tintamarres fransaskois

1 000 personnes dans les rues de 3 communautés

Trois communautés de la province, Moose Jaw, Prince Albert et Gravelbourg, ont organisé des Tintamarres le 20 mars 2018. Au total, ce sont près de 1 000...
Friday, March 30, 2018/Author: Jean-Pierre Picard/Number of views (63602)/Comments ()/
Terms Of UsePrivacy StatementCopyright 2014 par L'Eau vive
Back To Top