La ministre Mélanie Joly a rencontré la communauté fransaskoise dans les locaux de La Troupe du Jour à Saskatoon
Photo : Nicolas Roussy (2018)
Les 11 et 13 septembre derniers, la ville de Saskatoon recevait les députés et ministres du gouvernement fédéral à l’occasion d’un caucus qui s’y tenait. Certains ministres ont profité de leur présence en Saskatchewan pour s’entretenir avec les communautés concernées par leurs différentes responsabilités. C’est donc dans ce cadre que la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, l’honorable Mélanie Joly, a rencontré le réseau associatif fransaskois, le 11 septembre, à la salle de spectacles de la Troupe du jour. L’Eau vive a profité de l’occasion pour s’entretenir avec la ministre Joly.
EV : Comment vous vous sentez face à votre nouveau rôle, votre nouveau mandat à titre de ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie ?
MJ : Je suis très excitée par le nouveau mandat, premièrement, en matière de langues officielles, on poursuit le travail qui a été entamé. Mais aussi on lance la grande discussion concernant la modernisation de la Loi sur les langues officielles, discussion qui n’a pas eu lieu depuis des décennies. Cette loi, rappelons-le, est d’une complexité infinie et soulève des enjeux très importants pour l’avenir du fait français au pays.
Ça me fait encore et toujours plaisir de promouvoir la francophonie canadienne, mais aussi d’amener cela à l’international. Être en charge de la francophonie internationale, c’est un nouveau rôle pour moi. C’est une façon de vivre l’expérience de la diplomatie canadienne. D'ailleurs, le premier ministre m’a donné la responsabilité du dossier de TV5 monde et de TV5 Québec-Canada et aussi de promouvoir le fait français sur le Web, via l’Organisation internationale de la Francophonie.
Et en matière touristique, je vous rappelle que l’industrie du tourisme est la plus importante dans le monde, elle vaut 7.6 trilliards de $, plus que le pétrole et l’automobile. Cette industrie est en croissance de 4 % par année. Cette industrie est d’ailleurs le plus en croissance dans le monde. Au Canada, nous étions dans le top 10 des destinations dans le monde, mais à cause des coupures effectuées par le gouvernement conservateur après les jeux de Vancouver, on se retrouve maintenant au 17e ou 18e rang.
EV : En matière touristique justement, avez-vous un plan ou une vision pour le tourisme ?
MJ : Le PM m’a demandé de développer une première stratégie sur le tourisme. Il y a aussi une vision qui a été développée par ma collègue Bardish Chagger, ministre du Tourisme à l’époque. Une vision établie sur 20 points. À court terme, je veux crédibiliser le secteur du tourisme, car je pense, contrairement à d’autres pays, que l’on tient ce secteur pour acquis. Je pense qu’on le « snob », alors qu’une personne sur dix travaille dans ce domaine au Canada. C’est un secteur qui génère des millions de revenus. Je pense que l’on peut travailler encore plus au fédéral pour bien représenter ces travailleurs et exploiter ce potentiel économique.
EV : Pour la modernisation des langues officielles, est-ce que des actions concrètes seront effectuées d’ici les élections ?
MJ : Premièrement, nous allons déployer le Plan d’action pour les langues officielles. Avec 2,7 M $, c’est le plus grand investissement en langues officielles de l’histoire du Canada. Maintenant, il faut que les gens le ressentent dans leur portefeuille. Pour la modernisation de la Loi, on va travailler avec le Sénat, un comité parlementaire va l’étudier et nous allons aussi travailler avec les communautés pour connaître leurs idées concernant cette modernisation.
Pour la première fois, nous avions reconnu l’importance des droits collectifs dans la Loi sur les langues officielles. Il y a 50 ans, l’idée était que chaque personne au pays aitºº accès à la langue officielle de son choix, mais peu à peu, on a reconnu l’importance d’avoir accès à l’éducation dans la langue officielle de son choix. Aujourd’hui, on ne peut pas penser qu’un francophone peut vivre dans un espace anglophone, alors même qu’il n’y a pas de communauté pour le soutenir. C’est pour cela que dans le Plan d’action, pour une première fois, on reconnait l’importance du « par et pour », l’importance que la communauté puisse avoir une vitalité, que l’on puisse vivre tous les jours en français. Nous avons donc décidé d’appuyer les organisations pour soutenir le fait français en milieu minoritaire.
EV : Est-ce possible d’augmenter le pouvoir du commissaire des langues officielles ?
MJ : Premièrement, il va de soi qu’on doit avoir des discussions sur la nature même des droits individuels et collectifs qui sont reconnus par la Loi sur les langues officielles. Deuxièmement, en ce qui concerne les mécanismes contraignants en vertu de la Loi, le gouvernement a lancé le programme de contestations judiciaires parce qu’on croit que le gouvernement ne peut pas être le seul à agir pour soutenir les droits linguistiques. Les tribunaux doivent aussi à reconnaitre les droits linguistiques. Finalement, en ce qui concerne le pouvoir du commissaire des langues officielles, je suis prête à avoir une discussion à ce niveau. On ne peut pas prendre le tout en silos, on doit regarder le tout dans son ensemble. C’est pour cela que cette modernisation-là, il faut bien la faire, on doit s’assurer que les populations appuient cette modernisation. Je pense qu’il y a encore des tensions linguistiques au pays, mais il n’y en a beaucoup moins qu’auparavant.
EV : À quoi peut-on s’attendre d’ici les prochaines élections ?
MJ : Pour moderniser la Loi, il faut savoir ce que l’on veut moderniser. On ne veut pas moderniser cette loi de façon « isolée » à Ottawa, il faut le faire avec les communautés. On ne veut pas prendre les communautés par surprise. On veut s’assurer de savoir exactement ce qu’elles réclament. Nous travaillons donc avec les communautés, avec le commissaire des langues officielles, avec le Sénat, pour, au final, arriver avec des propositions pour moderniser la Loi. Et j’espère, que l’on pourra avoir un autre mandat pour procéder à cette modernisation-là. Le fait qu’on reconnaisse pour la première fois dans notre histoire la nécessité de moderniser cette loi, c’est un immense pas en avant pour le fait français au pays.