Close

Abonnez-vous à l'Eau vive

Navigation

Categories

L’essor de la littérature autochtone en francophonie minoritaire

L’essor de la littérature autochtone en francophonie minoritaire

Author: Camille Langlade-Francopresse/Monday, September 30, 2024/Categories: Arts et culture, Littérature, Autochtones / Métis, Francophonie

La littérature autochtone traduite en français occupe une place de plus en plus importante dans les catalogues des maisons d’édition francophones hors Québec. Le phénomène témoigne d’un intérêt grandissant pour ces œuvres, qui rapprochent des communautés à la fois différentes et solidaires.

«Depuis 2016, les littératures autochtones sont vraiment traduites de façon plus systématique, à raison de 25, 30 titres par année», remarque la professeure adjointe au Département de traduction et des langues de l’Université de Moncton, Arianne Des Rochers.

Un phénomène qui coïncide selon elle avec la publication du rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, en décembre 2015. «À partir de ces années-là, le grand public, les éditeurs, tout le monde s’intéressent beaucoup plus à ces enjeux et il y a une soif de littérature autochtone.»

La traduction joue un rôle crucial dans l’accès à ces œuvres en francophonie minoritaire, «parce qu’on n’a pas beaucoup d’auteurs autochtones de langue française», témoigne-t-elle.

Découvrir l’autre minorité

500 ans de résistance autochtone, de Gord Hill, retrace en bande dessinée l’histoire de la résistance des peuples autochtones des Amériques face à la colonisation européenne, mettant en lumière leurs luttes continues pour préserver leurs terres, leurs cultures et leurs droits. 

Aux Éditions Prise de parole, en Ontario, les œuvres autochtones font depuis longtemps partie du catalogue. Ils ont ouvert la porte il y a 20 ans, avec la traduction du roman Kiss of the Fur Queen de Tomson Highway.

La tendance s’est ensuite affirmée. «À partir de 2017, 2018, on s’est mis à publier plus d’auteurs des premiers peuples», se souvient le codirecteur général, Stéphane Cormier, notamment des ouvrages de membres des nations anishinaabe et crie.

«Il y avait plein d’œuvres écrites en anglais qui n’étaient pas connues du lectorat francophone. Donc on s’est dit qu’on lui donnerait accès parce qu’il y a un très beau répertoire», poursuit-il.

La maison franco-ontarienne a depuis traduit différents genres : des romans, des livres pour enfants, mais aussi des bandes dessinées, comme 500 ans de résistance autochtone, de Gord Hill.

Des «alliés»

«Même si on est une maison d’édition allochtone, on essaie d’être des bons alliés de la littérature autochtone, puis d’aider à faire connaitre toutes sortes de réalités à travers les traductions d’œuvres», déclare Stéphane Cormier.

L’éditeur souligne aussi l’importance de s’entourer de collaborateurs et collaboratrices autochtones ou de spécialistes, afin de s’assurer d’avoir des traductions qui respectent la culture de ces communautés.

Selon lui, l’intérêt croissant pour cette littérature découle d’une meilleure connaissance des Premières Nations, des Métis et des Inuit dans la société.

En Saskatchewan, les Éditions de la nouvelle plume explorent des projets d’ouvrages à destination des jeunes, notamment dans le cadre scolaire, pour mieux faire connaitre la réalité des Autochtones de l’Ouest et du Nord canadien.

En Saskatchewan, Laurier Gareau explore des textes autochtones à destination des établissements scolaires francophones, mais aussi des écoles d’immersion. 

«C’est relativement nouveau et ça se fait aujourd’hui parce que, dans le contexte de réconciliation et les programmes d’enseignement qui visent à toucher cette question, ça devient nécessaire pour nous de produire du matériel des Premières Nations», commente le président de la maison d’édition, Laurier Gareau.

Les Éditions de la nouvelle plume ont pour l’instant publié deux livres d’auteurs autochtones : Corneille apporte la lumière, une légende inuite, de Brandy Hanna, et le roman graphique Trois plumes, de Richard Van Camp.

Laurier Gareau est lui aussi dramaturge et a, entre autres, écrit une pièce de théâtre, La Nation provisoire, sur la bataille de Batoche, en 1885. Un évènement majeur de la Résistance du Nord-Ouest contre le gouvernement canadien, mené principalement par les Métis et leurs alliés des Premières Nations.

Une œuvre trilingue

À l’Île-du-Prince-Édouard, l’enseignante Julie Gagnon a cosigné le livre jeunesse La petite robe rouge avec l’autrice et poétesse mi’kmaw Julie Pellissier-Lush, publié par Bouton d’or Acadie.

Le texte évoque la question des femmes et jeunes filles autochtones disparues et assassinées, symbolisée par la robe rouge.

Lors d’une commémoration pour ces femmes, la francophone a été émue et a décidé d’imaginer une œuvre pour sensibiliser ses élèves à cette réalité.

«Mais cette histoire-là ne m’appartient pas», s’est dit Julie Gagnon, qui a alors proposé à Julie Pellissier-Lush de coécrire l’album avec elle. Le processus de création, qui a duré deux ans, a abouti à un livre trilingue – en français, en anglais et en mi’kmaw.

Au-delà de sa fonction pédagogique, Julie Gagnon espère que cet ouvrage sensibilisera le plus grand nombre de personnes, les jeunes comme les moins jeunes. L’occasion aussi de rappeler les liens qui unissent les francophones et les Mi’kmaq.

Solidarité partagée

De fait, bien que différentes, les communautés francophones et autochtones partagent aussi «un lien», relève Arianne Des Rochers. La traduction croissante de titres autochtones vers le français témoigne d’après elle «d’une sorte de solidarité partagée en raison de la situation minoritaire».

Pour Stéphane Cormier, la littérature permet d’établir un dialogue «pour mieux se connaitre». 

«Les maisons d’édition francophones en situation minoritaire sont certainement peut-être un peu plus outillées pour publier, éditer et traduire les littératures autochtones de l’anglais vers le français, ne serait-ce que par rapport aux postures vis-à-vis de la langue, de la normativité linguistique, de l’oppression linguistique.»

Aux yeux de Stéphanie Cormier, l’essor actuel de la littérature autochtone joue un rôle important dans le dialogue entre les peuples et les cultures : «La parole littéraire est un excellent outil de réappropriation.»

Il estime que les maisons d’édition en milieu minoritaire comme Prise de parole ont un rôle à jouer dans ce dialogue.

«On est deux minorités»

«On est deux minorités ici à l’Île-du-Prince-Édouard, alors on a quelque chose en commun», témoigne de son côté Julie Gagnon. Elle fait référence à l’assimilation, qui a empêché les Acadiens et les Mi’kmaq de parler leur langue.

Elle évoque aussi les traumatismes partagés, comme la déportation et l’arrachement de jeunes autochtones à leur famille.

L’enseignante espère que La petite robe rouge résonnera bien au-delà des frontières de l’Acadie et du Canada. «Ce livre-là, c’est un point de départ. C’est comme une roche que tu lances dans un lac et là, ça commence à faire des cercles», qui formeront ensuite peut-être des vagues.

Print

Number of views (2081)/Comments ()

Ghita Hanane

Camille Langlade-Francopresse

Contact author
Comments are only visible to subscribers.

Contact author

x

Les plus populaires

Festival Fête fransaskoise 2018 : une édition réussie

Festival Fête fransaskoise 2018 : une édition réussie

PIKE LAKE - Près de 700 personnes se sont données rendez-vous au parc provincial de Pike Lake pour les trois jours d’activités et de spectacles de...
Friday, August 17, 2018/Author: Jean-Pierre Picard/Number of views (1778656)/Comments ()/
"Un tramway nommé Désir" au Théâre Oskana

"Un tramway nommé Désir" au Théâre Oskana

Le Théâtre Oskana de Regina présentait, du 15 au 18 mars dernier, Un tramway nommé Désir, de l’auteur américain Tennessee Williams.

Thursday, March 29, 2018/Author: Mychèle Fortin/Number of views (1347021)/Comments ()/
Mosaic 2017 : Un pavillon francophone haut en couleur

Mosaic 2017 : Un pavillon francophone haut en couleur

Festival Mosaic 2017 à Regina

REGINA - Les résidents de la capitale saskatchewannaise se sont déplacés en grand nombre dans les dix pavillons du festival Mosaic...
Thursday, June 8, 2017/Author: Pierre-Émile Claveau/Number of views (417836)/Comments ()/
La Tente francophone accueille plus de 1 000 visiteurs

La Tente francophone accueille plus de 1 000 visiteurs

Festival pour enfants Potash Corp à Saskatoon

SASKATOON - Pour la première fois cette année, le Festival pour enfants Potash Corp offrait une tente abritant les activités offertes par...
Thursday, June 16, 2016/Author: Aminata Konaté/Number of views (412604)/Comments ()/
Le « mieux-être » au cœur du Rendez-vous fransaskois 2016

Le « mieux-être » au cœur du Rendez-vous fransaskois 2016

SASKATOON - C’est sous le thème du « mieux être personnel et communautaire » que s’est déroulé le...
Thursday, November 10, 2016/Author: Jean-Pierre Picard/Number of views (381995)/Comments ()/
La Saint-Jean-Baptiste en Saskatchewan

La Saint-Jean-Baptiste en Saskatchewan

Compte rendu et photos des célébrations de la Saint-Jean-Baptiste à Saskatoon, Bellegarde, Gravelbourg et Zenon Park.

Sunday, July 3, 2016/Author: L'Eau vive/Number of views (268287)/Comments ()/
Après 20 ans de gestion scolaire fransaskoise:  Comment se porte le français dans nos écoles?

Après 20 ans de gestion scolaire fransaskoise: Comment se porte le français dans nos écoles?

Rencontre avec un parent inquiet, mais optimiste

La Saskatchewan a bien changé depuis l’obtention de la gestion scolaire il y a 20 ans. Depuis deux décennies, l’épanouissement du...
Thursday, January 29, 2015/Author: Mychèle Fortin (EV)/Number of views (230907)/Comments ()/
La Société historique de la Saskatchewan honorée par la province

La Société historique de la Saskatchewan honorée par la province

REGINA - Son Honneur, l’honorable W. Thomas Molloy, le lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan a remis un prix à la Société historique de la Saskatchewan...
Wednesday, June 27, 2018/Author: L'Eau vive/Number of views (178003)/Comments ()/
Rapports sur l'état de santé des organismes provinciaux

Rapports sur l'état de santé des organismes provinciaux

Rendez-vous fransaskois 2018

SASKATOON - Le dimanche 4 novembre, dans le cadre du Rendez-vous fransaskois 2018, les différents organismes provinciaux francophones ont eu l’occasion de...
Thursday, November 8, 2018/Author: Simb Simb/Number of views (143309)/Comments ()/
La Fête fransaskoise 2017: un franc succès

La Fête fransaskoise 2017: un franc succès

Le déroulement de plusieurs activités durant le week-end du festival Fête fransaskoise n’a pas empêché la présence de...
Thursday, August 17, 2017/Author: Pierre-Émile Claveau/Number of views (142291)/Comments ()/
Assermentation des députés communautaires

Assermentation des députés communautaires

Trois mois après les élections de l’Assemblée communautaire fransaskoise, les députés communautaires ont finalement pu être assermentés, le 2 février dernier, à...
Saturday, February 17, 2018/Author: Pierre-Émile Claveau/Number of views (132200)/Comments ()/
Un plaidoyer pour une Fransaskoisie unie et forte

Un plaidoyer pour une Fransaskoisie unie et forte

Rendez-vous fransaskois 2018

Saskatoon - Du 2 au 4 novembre 2018, avait lieu à l’hôtel Hilton Garden Inn, l’édition 2018 des Rendez-Vous fransaskois où se sont rassemblées des...
Thursday, November 8, 2018/Author: Simb Simb/Number of views (124130)/Comments ()/
Lancement de l’EP de PONTEIX J’orage

Lancement de l’EP de PONTEIX J’orage

Entretien avec Mario Lepage

Après s'être rendu en demi-finale aux Francofolies, PONTEIX, la nouvelle formation de Mario Lepage, lançait, le 3 juin dernier, son EP...
Thursday, June 16, 2016/Author: Pascal Lévesque/Number of views (100962)/Comments ()/
Cuba, l'île abandonnée au temps de la Covid-19

Cuba, l'île abandonnée au temps de la Covid-19

Cuba a une tradition bien établie d'aide médicale internationale. Des médecins cubains étaient prêts à venir chez nous, à la demande des communautés autochtones...
Thursday, May 14, 2020/Author: Mychèle Fortin/Number of views (100943)/Comments ()/
Les Tintamarres fransaskois

Les Tintamarres fransaskois

1 000 personnes dans les rues de 3 communautés

Trois communautés de la province, Moose Jaw, Prince Albert et Gravelbourg, ont organisé des Tintamarres le 20 mars 2018. Au total, ce sont près de 1 000...
Friday, March 30, 2018/Author: Jean-Pierre Picard/Number of views (97760)/Comments ()/
Terms Of UsePrivacy StatementCopyright 2014 par L'Eau vive
Back To Top