Gilles Levasseur
Avocat et professeur de gestion et de droit à l’Université d’Ottawa
« Je n’ai pas un accent, mais une coloration linguistique. Si j’ai un accent, toi aussi tu as un accent ». Lorsque quelqu’un nous dit que nous avons un accent ou que nous parlons différemment ou que c’est amusant de nous entendre parler en français, ceci s’applique aussi à cette personne qui commente notre parler.
Faire référence à un accent linguistique implique qu’il existe une norme de référence pour parler la langue française, un bon parler voire un français correct. Alors, qui est propriétaire de cette norme? Qui définit la qualité, la prononciation, l’usage de termes et de mots? Comment doit-on définir ce qui est correct en langue française au Canada?
Les médias électroniques ont un pouvoir immense sur la prononciation et l’usage de termes et expressions d’où l’importance de la publicité et des émissions radiophoniques ou de télévision. Comme le marché francophone est principalement localisé au Québec, il est certain que les francophones à travers le Canada sont grandement influencés par le parler « québécois » qui, par la force des choses, est devenu dans bien des cas un parler « canadien ». Ceci est tout à fait naturel, car le pouvoir des médias électroniques harmonise les sons employés et les mots utilisés.
Le développement des nouveaux mots en langue française se fait principalement au Québec et par les systèmes de traduction au Gouvernement du Canada, à un point tel que le français de l’avenir est défini par des autorités gouvernementales ou des spécialistes en langue française.
Plus de 40 % des mots employés par les jeunes aujourd’hui n’existaient pas en 1980. Il faut juste nous remettre dans cette période où les portables et les cellulaires n’existaient pas afin de réaliser des autoportraits pouvant être diffusés sur des tablettes électroniques en les accompagnant de gazouillis.
Toutefois, pour les minorités de langues officielles hors Québec, il est souvent difficile de partager ce nouveau « parler ». L’usage de la langue française est souvent limité pour ces derniers à un espace ou un environnement restreint ce qui les oblige à utiliser la langue anglaise dans leur quotidien. L’exogamie accentue souvent cette réalité linguistique au jour le jour au point où les francophones hors Québec ne partagent pas aussi aisément les nouveaux mots en langue française.
Une intonation propre
Par l’usage des mots anglophones et les anglicismes, l’écoute des médias électroniques incluant le divertissement dans cette même langue, les francophones développent une intonation linguistique adaptée à leur environnement au point où ils possèdent une coloration linguistique régionalisée.
Cette réalité linguistique ne veut pas dire que les francophones hors Québec sont moins francophones ou que leur « parler » soit fautif. Par leur volonté au départ de s’identifier comme francophone et de parler leur français régionalisé, leur coloration linguistique est un symbole identitaire et d’identification de leur réalité linguistique.
Un des grands défis est de partager le nouveau vocabulaire de langue française et en particulier les mots créés afin de faire face aux changements de la société. Il faut valoriser le bon vocabulaire par les médias électroniques, mais aussi par une visibilité accrue de la publicité en langue française et dans le système économique afin que l’on puisse épouser le français correct contemporain.
L’importance des réseaux électroniques et les moyens de communication électroniques sont vitaux au partage d’un français correct à travers le Canada et nous devons accentuer la coordination entre les différents réseaux d’éducation, les agences de publicité et les systèmes d’enseignement.
Toutefois, ceci ne doit pas empêcher les régionalismes ou les différences linguistiques. Chaque individu a droit à sa coloration linguistique et ceci doit être respecté, car son vécu est tributaire de son environnement, la visibilité de la présence du français dans son quotidien et la volonté de parler la langue française à sa manière.