Michaëlle Jean, 57 ans, Franco-canadienne, d’origine haïtienne, a été nommée, le 30 novembre dernier, secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (l’OIF). C’est inédit. Primo, elle est la première femme à occuper cette fonction. Elle succède au Sénégalais Abdou Diouf, qui, il y a 11 ans, avait pris la relève de l’Égyptien Boutros Boutros-Ghali (1998-2002). Secundo, depuis sa création en 1997, le poste de Secrétaire générale de l’OIF revenait à un Africain. Certains n’ont pas manqué d’ergoter sur cette entorse à la tradition. La nomination de Michaëlle Jean ne fait pas l’unanimité.
Pourquoi cette polémique et sur quoi repose cette tradition que certains défendent, bec et ongles, au sein de la francophonie? Au fait, qu’est-ce que la francophonie? Profitons de cette actualité tiède pour faire le point sur la francophonie mondiale, dont l’interaction sur la Fransaskoisie est, nous le verrons, indéniable.
La force de la francophonie est géographique
Tout commence vers 1880. Un géographe Français, au nom étrange, Onesime Reclus, collaborateur du journal Le Tour du monde, journal des voyages et des voyageurs, utilise pour la première fois le terme francophonie. À travers ce concept, il désigne l’ensemble des personnes et des pays parlant le français. D’après le rapport de l’Observatoire de la langue française, publié en 2014, sur les 7 milliards d’individus que compte la planète, environ 274 millions parlent français, dans 32 pays.
Pour l’instant, la force de la francophonie n’est pas numérique, elle est géographique ; on la retrouve en effet sur tous les continents. C’est en outre la langue officielle et de travail de la plupart des organisations internationales. Cependant, voici les chiffres clés du phénomène francophone internationale : sur les 274 millions de locuteurs français dans le monde, 7 % se trouvent en Amérique, 36 % en Europe et 54 % en Afrique, soit environ 147 millions de personnes. Le continent africain est le réservoir démographique de la langue française.
En fait, « l’histoire des civilisations nous apprend qu’une langue se répand et s’impose en fonction de la puissance [militaire et économique] du pays auquel elle appartient ». C’est Pierre-André Wiltzer, ancien ministre français de la Coopération et de la Francophonie, qui le dit. Or, économiquement et militairement, face à la langue dominante anglaise, portée par la puissance économique des Etats-Unis, la France ne fait plus le poids. Que faire?
L’avenir du français est-il démographique?
« C’est là qu’il faut s’intéresser à un autre facteur déterminant dans l’histoire de l’humanité et des cultures : le facteur démographique, explique Pierre-André Wiltzer. En effet, les langues qui vont pouvoir résister à l’anglo-américain, ou du moins coexister durablement avec lui, sont celles qui seront parlées par un grand nombre de locuteurs, et pas seulement dans une seule région du monde ».
En d’autres termes, plus les personnes qui parlent français dans le monde seront nombreuses et bien réparties à travers la planète, plus la langue française aura une chance de survivre. C’est donc, en grande partie, en Afrique que se joue l’avenir du français dans le monde. À moyen terme, à l’horizon 2050, les démographes prévoient entre 500 et 700 millions de francophones en Afrique.
Toutefois, c’est aussi, en partie, en Fransaskoisie, au Manitoba, en Ontario... et aux confins d’Haïti que se joue l’avenir du français, car la langue française doit occuper le terrain, pas pour dominer, mais pour assurer sa survie.
Enfin, le facteur démographique ne suffit pas. On ne nait pas francophone, on le devient. Les parents et les enseignants, notamment Fransaskois, savent que ce processus d’appropriation d’une langue est complexe et laborieux. « Cela me conduit à un constat, conclut Pierre-André Wiltzer, l’enjeu de la survie du français comme langue internationale réside en réalité dans l’éducation des populations ».