Diane Lebouthillier, ministre du Revenu national dans le cabinet Trudeau
L’usage des langues officielles fait beaucoup jaser. Le Parlement fédéral est source de bien des palabres à ce sujet depuis quelques semaines. S’il faut une langue pour se parler, il en faut une aussi pour se comprendre. Or, on s’est inquiété dernièrement au sujet d’une ministre qui ne peut être comprise par tous les Canadiens.
C’est l’équipe de l’émission As it Happens produite, par le réseau anglais de Radio-Canada (CBC), qui a signalé le problème.
La ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, a décliné une invitation pour une entrevue. Mme Lebouthillier, également députée de la très francophone Gaspésie, ne se sentait pas assez à l’aise en anglais, langue qu’elle est en train d’apprendre.
CBC a alors publié un texte en posant cette question : «Les ministres devraient-ils parler les deux langues officielles?»
Le texte en posait aussi une deuxième à savoir quand était la dernière fois qu’un ministre ne connaissait pas la langue de la majorité. Cela n’est pas arrivé souvent. Le dernier avant Mme Lebouthillier était Benoit Bouchard, nommé au cabinet par Brian Mulroney en 1984. Il a appris l’anglais par la suite.
A cette question, on pourrait en ajouter une autre, peut-être un peu plus embarrassante. Depuis quand y-a-t-il sur la Colline parlementaire des ministres qui ne peuvent pas être compris par tous les Canadiens? Depuis toujours. Et à ce chapitre, la triste distinction va aux ministres anglophones.
La moitié du cabinet actuel ne peut converser en français, ce qui ne semble embêter personne. Une seule ministre ne peut le faire en anglais et voilà qu’on se questionne.
De passage à Tout le monde en parle, Thomas Mulcair a admis qu’au Parlement, il y avait deux langues officielles : l’anglais et le français traduit. Il n’aurait su dire plus juste. Pas besoin de traduire l’anglais. Presque tous les francophones, qu’ils soient parlementaires ou journalistes, comprennent suffisamment la langue de Shakespeare pour se passer de la traduction.
Bien sûr, il faut être réaliste et indulgent. Il est difficile pour quiconque d’apprendre une autre langue quand on n’y est jamais exposé. Les régions du Canada où l’on n’entend pas un mot de français sont nombreuses. Il est donc possible que des politiciens qui en sont issus côtoient le français pour la première fois de leur vie sur une base quotidienne quand ils débarquent à Ottawa.
Cela dit, la traduction et l’interprétation existent.
Or, il se trouve des ministres qui ne prennent pas la peine de traduire toutes leurs communications sur les réseaux sociaux. Plusieurs gazouillis sur Tweeter sont unilingues anglais.
Le Mouvement Impératif français vient de dénoncer ce laisser-aller. J’ai fait ma petite vérification. Effectivement, le réflexe du bilinguisme n’est pas toujours là.
On y trouve parfois des traductions qui font sourire : «Nous sommes tous les deux hâtes à Rio 2016», probablement l’œuvre d’un traducteur numérique. Pas parfait, mais c’est l’intention qui compte. Au moins, cet effort témoigne d’une certaine prise de conscience quant à la nature de notre pays.
Le Parti libéral devrait s’efforcer d’améliorer les choses, puisqu’il dénonçait le même comportement chez les conservateurs en février 2015, en s’appuyant sur un rapport du Commissaire aux langues officielles.
La directrice générale de la Fédération des communautés francophones et acadienne s’est dite d’avis, sur les ondes de Radio-Canada, que le bilinguisme a perdu des plumes sous le régime conservateur. Les libéraux peuvent corriger cela.
Mais pour revenir à As it Happens et ses préoccupations sur la connaissance des deux langues officielles, un sous-entendu irrite un peu.
Revenons à la question. On demandait c’était quand «la dernière fois qu’un ministre ne parlait pas la langue de la majorité?»
Pourquoi ne pas y ajouter «et aussi celle de la minorité»? Face au fédéral, les deux communautés linguistiques sont supposément égales. En clair, cela signifie que majoritaires et minoritaires ont droit aux mêmes attentions.