Pour ce texte, j’ai tout simplement décidé de laisser vagabonder mon imagination à la lumière d’observations dans la région et aussi, à la lumière du visionnement du film La vache.
Lorsque l’on quitte les centres urbains en Saskatchewan et qu’on s’aventure sur les routes rurales, il n’est pas rare d’y voir des équipements agricoles près du chemin : certains de ces appareils sont utilisés pour les semences ou les récoltes. Une grande quantité d’entre eux est agrémentée d’un panneau « À vendre » (évidemment « For Sale » dans notre environnement majoritairement anglophone). Mais il y en a d’autres aussi qui gisent, ici et là, condamnés à la rouille, victimes d’un changement majeur dans l’agriculture.
Entre Gravelbourg et Moose Jaw, à l’est de la petite communauté de Mossbank, il y a une moissonneuse-batteuse qui siège sur une petite butte, au sud de la route, à peu près au milieu de nulle part. Cette « combine », comme les gens appellent couramment ces monstres agricoles, semble régner sur un royaume de champs et compter les véhicules qui circulent dans les deux sens de la route No. 2.
Cette moissonneuse-batteuse est de couleur rouge et elle n’est pas récente, mais elle était sûrement assez imposante à l’époque de sa construction. Elle semble être à la jonction d’un monde agricole familial et d’un autre plus industriel. Elle a dû céder sa place à une « combine » plus grosse, plus large, plus puissante, informatisée, équipée d’un GPS et de toutes les plus récentes commodités. Elle pouvait être très chère à l’époque, mais son coût n’est rien par rapport aux montants que l’on doit débourser pour les monstres d’aujourd’hui. Elle a certainement entendu les discussions entre les fils et le père, et peut-être le grand-père qui n’était plus de la même génération. Elle a peut-être participé à certains défilés dans la région, question d’impressionner la population. Elle a probablement roulé des kilomètres en se dépêchant de récolter avant les averses ou les gelées. Elle est cependant le témoin d’un monde mécanisé et d’une agriculture de plus en plus gigantesque.
Quant au film français La vache, du réalisateur Mohamed Hamidi, on est dans un monde tout à fait différent. Le film raconte le voyage d’un paysan algérien (Fatah) qui reçoit, à la surprise générale, une invitation pour présenter sa belle vache tarentaise nommée « Jacqueline » au Salon de l’agriculture de Paris.
Sa fortune est modeste. Il doit emprunter de l’argent pour réaliser son voyage. Il arrive finalement à Marseille, ville au sud-ouest de la France, mais doit se rendre à Paris, à pied. Ce paysan algérien est tout le contraire de la « combine » rouge que je croise régulièrement, depuis plusieurs années, dans mes voyages vers Moose Jaw ou vers d’autres endroits de la Saskatchewan. La vie du paysan Fatah est modeste. Ce que le film nous présente, c’est ce que doivent avoir connus les braves personnes qui sont venues s’établir dans notre province, dont un fort nombre de francophones, sans aucun moyen autre que leur volonté d’avoir une meilleure vie pour leur famille et un avenir pour leurs enfants.
Tout comme notre paysan du film, les pionniers de la Saskatchewan devaient être optimistes. La vie n’était pas simple, plutôt dure. Mais ils pouvaient être joyeux. Pour ce qui est des francophones, on parle souvent de notre « Joie de vivre » : elle tire probablement ses racines de cette plaine recouverte d’une prairie qui a forgé les communautés qui ont évolué et donné les communautés du 21e siècle en Saskatchewan, incluant la communauté fransaskoise.
Et si Fatah avait eu une « combine » plutôt qu’une vache ? Aurait-il connu l’aventure qu’il a eue? Pas nécessairement ou sinon, très différemment. Je laisse à votre imagination la vie de la « combine » ou celle de la « vache » de Fatah !