Éclipse lunaire
La lueur de l’aube peint le chrome argenté de ce camion tandis que l’éclipse tire à sa fin.
Nous voyons qu’une partie de la lune est passée au-delà de l’ombre de la Terre. Peu après, la lune a disparu sous des nuages à l’horizon.
Photo: Dominique Liboiron (2018)
3 h 47 – je me réveille. Mon cadran va sonner dans 13 minutes, mais je me suis réveillé à l’avance parce qu’une aventure m’attend. Je vais prendre des photos de l’éclipse lunaire totale et j’ai hâte.
Hier soir, c’est-à-dire le 30 janvier, j’ai vérifié la météo pour aujourd’hui et le ciel sera couvert chez moi à Maple Creek. D’après les prévisions, j’ai à conduire deux heures au nord vers Kindersley où le ciel sera dégagé, sinon je vais rater l’éclipse.
Je quitte Maple Creek parmi des flocons qui tombent amplement. Une couche de neige en poudre recouvre le chemin. Pas loin du village, je croise un véhicule qui éclabousse mon camion avec une avalanche de neige poudreuse. Aveugle, je ne vois ni le bord de la route, encore moins la ligne au milieu. Soudainement, mon cœur est saisi d’angoisse. J’appuie sur les freins doucement en espérant que je conduis toujours en ligne droite. Ce n’est pas le genre d’aventure que je voulais.
Après une éternité qui ne dure qu’une seconde, je vois de nouveau l’autoroute. Mon camion est encore dans la bonne voie et je presse sur l’accélérateur en me disant que parfois, une mésaventure mène à l’aventure.
Pas loin de Fox Valley, un village à 30 minutes au nord de Maple Creek, il ne neige plus, mais le ciel reste ennuagé. Par contre, une lueur jaillit des nuages et indique où je m’attends à voir la lune. Le vent chasse les nuages et la lune paraît subitement. Vaut mieux ne pas rater une photo – elle sera peut-être ma seule. J’arrête rapidement pour capter quelques photos, mais, faute du vent, les nuages courent devant la lune et mes images sont floues.
Je pars de nouveau et 30 minutes plus tard je m’approche de Leader, une communauté agricole près de la rivière Saskatchewan Sud. En regardant les lumières du village, je me rends compte que je vois la Grande Ourse. Il me faut un instant pour comprendre que si je vois cette constellation c’est parce que le ciel est clair. Je scrute le ciel noir et ça y’est – je vois l’éclipse !
La lune est un mélange de rouge et de jaune. Je prends une dizaine de photos, mais le vent secoue mon camion et quelques unes sont brouillées, alors je me stationne derrière une grande bâtisse pour me mettre à l’abri.
J’installe mon trépied et mon appareil photo. Par malheur, les boutons de ce dernier sont petits et je dois enlever mes gants pour l’opérer. Je ne me plains pas pour commencer, mais le froid s’installe de plus en plus et fini par l’emporter. Mes mains brûlent de froid et me crient de retourner dans le camion. J’obéis.
Mordues par le vent d’hiver, mes mains dégèlent avec douleur alors que la chaufferette de mon véhicule tourne à pleine force. Je m’amuse pas à peu près, mais je me dis que mes photos seront de bons souvenirs quand j’aurai oublié le froid.
L’aube approche. Le ciel clair porte des traces de lumière et la lune coule vers l’horizon. L’éclipse tire à sa fin et donc je sors de mon camion et je profite, malgré le froid, du temps qui reste pour capter d’autres photos de la lune.
Tranquillement, la lune glisse derrière une bande de nuages à l’horizon et le spectacle céleste est terminé. À peine quelques minutes plus tard, le soleil se lève et illumine l’élévateur de Leader. Revêtu de métal, l’élévateur brille avec l’intensité d’un brasier. Ébloui par la couleur que peint le lever du soleil sur l’élévateur, je prends plusieurs photos. Ensuite je passe à travers mes images de l’éclipse. Mes photos me plaisent et déjà je commence à oublier le froid. Je pointe mon camion vers Maple Creek, satisfait de mon aventure.
J’ai déjà hâte à la prochaine éclipse lunaire. Elle aura lieu le 21 janvier 2019.