Après avoir passé 25 ans dans l’Ouest canadien à faire rayonner le français à travers ses écoles, ses activités culturelles, ses rassemblements de jeunes, Denis Desgagné arrive en 2011 à Québec comme nouveau PDG du Centre de la francophonie des Amériques. Cette fois-ci, c’est le défi du continent américain qui attendait ce passionné de la francophonie.
C’était quoi l’état d’esprit de ce Gatinois d’origine quand il apprend que le gouvernement québécois vient de le nommer à la tête de cet organisme gouvernemental mis sur pied en 2008 pour succéder à Michel Robitaille, parti servir le Québec à titre de délégué général à Paris ? « Premièrement, c’était un retour au Québec, même si j’aimais mon job dans l’Ouest. Je ne suis pas arrivé ici avec une vision toute faite. Je suis arrivé avec un cœur et deux oreilles, ce qui veut dire que j’ai pris le temps de rencontrer du monde afin d’avoir une bonne perception des autres communautés francophones. »
Rappelons que l’idée d’un lieu voué au rayonnement de la francophonie des Amériques, soutenue notamment par l’ex ministre libéral Benoît Pelletier, avait tellement bien fait son chemin, qu’en 2006, tous les partis politiques québécois avaient voté à l’unanimité à l’Assemblée nationale pour la création du Centre de la francophonie des Amériques.
10 fois plus de membres
Lors de son entretien d’embauche, on avait mentionné à Denis Desgagné que l’une de ses grandes priorités serait d’augmenter le nombre de membres. De 3000 qu’il était à son arrivée, on parle maintenant de quelque 30 000 adhérents au Centre.
L’adepte de la sociocratie reste humble face à ce chiffre. « Ça reste un indicateur. C’est certain. Mais est-ce que ça veut dire que le résultat a été atteint ? J’accorde sans doute plus d’importance au 70 % des membres qui ont maintenant un plus grand sentiment d’appartenance à la francophonie des Amériques. »
L’ancienne vice-présidente du CA du Centre, Mariette Mulaire, maintenant PDG du World Trade Center bilingue de Winnipeg, abonde dans le même sens. « Je suis convaincue que les activités du Centre favorisent le sens d’appartenance, mais surtout, je trouve que ce sont des projets qui sont structurants et durables. Ceci est encore plus important que le high temporaire que certaines activités peuvent parfois donner comme résultats. »
Mais pour atteindre un tel sentiment, il a fallu que la créativité de Denis Desgagné et de son équipe débouche sur divers projets. Depuis l’arrivée de l’ancien président de l’Assemblée communautaire fransaskoise, la Radio Jeunesse des Amériques, la Bibliothèque numérique des Amériques, le Concours de twittérature ou encore le Carnet de la francophonie ont tour à tour vu le jour aux côtés des programmes phares qui existaient déjà comme le Forum des jeunes ambassadeurs de la francophonie des Amériques et l’Université d’été sur la francophonie des Amériques.
Pourtant, malgré toutes ces réalisations, Denis Desgagné est d’avis que l’outil par excellence « pour développer une solidarité entre le Québec et les autres communautés francophones », ça demeure le Réseau des villes francophones et francophiles lancé l’automne dernier à Québec. « C’est un outil extraordinaire pour le développement économique. »
Un outil politique ?
Pas vraiment selon son PDG, qui a connu deux gouvernements depuis son entrée en fonction à l’hiver 2011. « On est même chanceux d’avoir un ministre comme Jean-Marc Fournier. Certes, la vision des ministres peut changer, mais pas le mandat du Centre. » Que ce soit sous un mandat libéral ou péquiste, le travail reste le même pour le Centre : faire du Québec un leader en matière de francophonie, mais faire aussi en sorte que les Québécois soient plus au courant qu’il existe une francophonie au-delà de l’Abitibi et des Îles-de-la-Madeleine.
Non, ce qui dérange le plus Denis Desgagné par les temps qui courent, c’est le financement du Centre. « Mon premier choc quand je suis arrivé en poste, ce fut de voir que j’avais si peu de moyens financiers. J’avais plus d’argent pour couvrir la Saskatchewan que j’en ai pour couvrir tout le territoire des Amériques » et ses 33 millions de francophones. Ça reste encore une préoccupation pour M. Desgagné. Les coûts élevés de location – les locaux du Centre appartiennent au Musée de l’Amérique francophone - et un lieu sous exploité le font tiquer.
Face aux futures attentes du Centre, certains de ses partenaires ont d’ailleurs conscience de l’impact financier sur les activités du Centre. « Que le Centre puisse poursuivre sa mission en dépit des contraintes budgétaires », souhaite Martin Pâquet, professeur d’histoire à l’Université Laval et titulaire de la Chaire pour le développement de la recherche sur la culture d'expression française en Amérique du Nord (CEFAN). Pourtant, il estime que « cette mission donne lieu à des activités qui engendrent déjà un retour sur investissement optimal. »
Et pour le prochain quinquennat ?
Sans oser dévoiler ce qui mijote sur le « back burner » pour utiliser l’une de ses expressions préférées, Denis Desgagné souhaite consolider les outils numériques du Centre. Il veut évidemment continuer de travailler en tandem avec la ville de Québec pour la venue en 2017 à Québec du Réseau des villes francophones et francophiles d’Amérique.
Conscient d’être bien entouré par une nouvelle présidente, Diane Blais, « dynamique avec un sens du leadership et de la gouvernance », Denis Desgagné salue au passage l’aspect « visionnaire » du ministre Fournier, responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, et du maire Régis Labeaume, « un leader ».