Le Pr Rodrigue Landry remercié au Forum santé 2016
Le conférencier Rodrigue Landry (à droite) reçoit des mains de Roger Gauthier, directeur général du Réseau Santé, un geste d’appréciation en guise de remerciements pour sa disponibilité et sa contribution en faveur de la promotion et de la revitalisation des communautés francophones canadiennes en situation minoritaire.
Photo: Martin Kakra-Kouame (2016)
REGINA - « La francophonie en Saskatchewan et le défi de l’autonomie culturelle ». C’est autour de ce thème que le Pr Rodrigue Landry, chercheur associé à l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques de l’Université de Moncton, (Nouveau-Brunswick) a animé la conférence principale à l’ouverture du Forum Santé 2016 du Réseau Santé en français de la Saskatchewan (RSFS) qui s’est tenu les 26 et 27 mai 2016 à Regina.
A ceux qui s’étaient étonnés de l’absence d’un lien évident entre la santé et le sujet de la conférence, les organisateurs du Forum 2016 ont pris le soin de rappeler que la langue était au nombre des principaux déterminants de la santé des individus ; la santé étant perçue ici comme « un état de bien-être complet et non pas seulement l’absence de maladies », selon la définition formulée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Cette clarification apportée, le Pr Landry pouvait ensuite partager ses réflexions devant les participants au Forum Santé rassemblés à la Cité universitaire francophone de l’Université de Regina. Haut lieu symbolique, s’il en est, de la francophonie en Saskatchewan.
Analysant la fragilité de la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire de la Saskatchewan, le chercheur a tout d’abord survolé, sous la forme de données statistiques, les principales tendances démographiques lourdes qui attestent de celle-ci (voir encadré).
Quelques données démographiques
- - En 2011, la population qui se déclare francophone ne représente que 1,9% de l’ensemble de la population de la Saskatchewan.
- - Alors qu’ils constituaient en 1951, 5,1% de la population de langue maternelle française hors Québec, les francophones de la Saskatchewan n’en représentent plus que 1,7% en 2006.
- - Vieillissement de la population : en 2006, les personnes âgées de plus de 65 ans étaient de 5 fois plus élevées que celles de moins de 15 ans.
- - Taux de natalité : de 5,43% en 1956, il est tombé à 2,03% entre 2006 et 2011.
- - Clientèle scolaire : le nombre des enfants admissibles à l’école française a connu une baisse de 66% entre 1986 et 2006.
Toutefois, le chercheur se déclare « hésitant » à dresser un portrait « trop alarmant » de la francophonie de la Saskatchewan. D’autant que la fragilité de la vitalité des communautés francophones en situation minoritaire n’est pas l’apanage des seuls Saskatchewannais francophones. En effet, l’expert des minorités linguistiques pose un constat de ce « phénomène mondialisant » en examinant ses racines et ses prolongements les plus révélateurs en dehors de la Saskatchewan.
“L’anglais exerce une attraction 'gravitationnelle' sur les autres langues. L’anglais est une langue 'hyper centrale' qui domine l’économie, la place publique et le paysage linguistique ». Le conférencier souligne « la vulnérabilité » du Canada, du fait de sa proximité immédiate avec l’épicentre du phénomène, les États-Unis d’Amérique.
Pour autant, le Pr Landry, s’estime « convaincu que c’est en confrontant les vrais problèmes que l’on peut trouver de véritables solutions ». D’où l’attention particulière accordée au modèle (la possible voie de sortie) qu’il désigne sous l’appellation de « modèle de l’autonomie culturelle ». Modèle qu’il symbolise également, à travers un humour contagieux (qui a déclenché des sourires d’acquiescement dans l’auditoire), par la résistance farouche du 'village gaulois' luttant avec toutes les armes disponibles pour la survie de sa langue, son identité et sa culture.
Comment donc assurer la survie de l’autonomie culturelle ? Le conférencier explique que les fondements du modèle reposent « sur trois composantes qui interagissent avec l’identité collective du groupe ». Il s’agit premièrement des individus et des familles, deuxièmement de la société civile et troisièmement de l’État et des citoyens. Pour Rodrigue Landry, ces trois acteurs de la société représentent « trois aspects distincts de la vitalité communautaire que le groupe doit viser à prendre en charge par des projets collectifs pour s’affirmer comme entité distincte et active au sein de la société ».
« Le modèle de l’autonomie culturelle, soutient-il, permet de situer le rôle de la petite enfance comme fondement de la vitalité d’une minorité linguistique ». En effet, en situation francophone minoritaire, affirme le conférencier, lorsque le membre francophone du couple parle le français à son enfant (même si le parent anglophone ou allophone communique avec lui dans une autre langue) et que le couple l’inscrit à l’école française, l’enfant tend à être semblable aux enfants dont les deux parents sont francophones sur les plans de la compétence en français et de l’identité francophone.
Pour favoriser l’application du modèle de l’autonomie culturelle, Rodrigue Landry souligne un impératif : un plan global d’aménagement linguistique élaboré et appliqué en mettant l’accent sur les principaux défis de la vitalité de la langue française. Le tout soutenu par une vaste campagne nationale de marketing suffisamment retentissante pour éveiller la conscience collective canadienne