Close

Abonnez-vous à l'Eau vive

Navigation

Categories

Les associations porte-paroles francophones: porte-paroles d’Ottawa?

Les associations porte-paroles francophones: porte-paroles d’Ottawa?

Le financement du gouvernement fédéral nuit-elle à leur indépendance

Author: Bruno Cournoyer Paquin (Francopresse)/Friday, August 7, 2020/Categories: Société, Francophonie

FRANCOPRESSE – La dépendance des associations porte-paroles des francophones au financement du gouvernement fédéral nuit-elle à leur indépendance? C’est la question à laquelle François Charbonneau, professeur à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa, tente de répondre dans un article publié récemment dans la Revue internationale des francophonies.

Au fil des années, le financement fédéral a permis aux communautés francophones de plusieurs provinces d’avoir une meilleure représentation, considérant leur taille réduite. Cependant, ces associations sont ainsi devenues financièrement dépendantes du gouvernent fédéral.

Par exemple, la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) est financée à 98,63 % par le fédéral, alors que l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) pour sa part l’est à près de 78 %.

Les contributions provenant des membres et de la communauté demeurent anémiques pour la plupart des organismes. La Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA) présente le meilleur bilan à cet égard, alors que les contributions de ses membres ne représentent que 7,27 % de ses revenus.

Une problématique qui n’est pas unique aux associations francophones, souligne François Charbonneau dans son article intitulé Les effets de la dépendance des associations porte-paroles de la francophonie canadienne sur le Gouvernement du Canada, mais qui s’applique à divers degrés dans l’ensemble du secteur associatif et communautaire.

Un outil de lutte au nationalisme québécois dans les années 1970

Les associations porte-paroles de la francophonie canadienne — comme la FCFA au niveau national et d’autres associations qui représentent les minorités linguistiques au niveau provincial — disposent dans plusieurs cas d’une longue histoire indépendante en tant qu’association de défense des droits des francophones.

Cependant, comme l’indique le professeur Charbonneau, à partir du moment où la Loi sur les langues officielles a été adoptée, en 1969, le gouvernement fédéral a commencé à traiter les associations porte-paroles francophones comme des interlocuteurs privilégiés représentant des communautés linguistiques en milieu minoritaire. À partir des années 1970, donc, le gouvernement fédéral commencera à financer ces associations porte-paroles.

Une situation qui s’inscrit dans un contexte politique particulier, précise le chercheur : d’un côté, le gouvernement fédéral veut «combattre l’indépendantisme québécois en leur prouvant qu’il y a du français partout au Canada» ; et de l’autre, il veut «mettre de la pression sur les gouvernements provinciaux» pour qu’ils prennent en compte les communautés francophones et que celles-ci soient représentées devant les tribunaux par des acteurs légitimes.

Cette fonction prend plus d’ampleur avec l’adoption de la Charte des droits et libertés en 1982, alors que les tribunaux commencent à reconnaitre les droits des communautés linguistiques, notamment dans le domaine de l’éducation.

Répondre aux critères du gouvernement ou aux besoins des communautés?

D’abord, l’article souligne que «cette dépendance financière pousse les associations porte-paroles à la prudence davantage qu’à la confrontation». Le gouvernement fédéral pourrait simplement mettre fin aux activités d’une association en lui retirant son financement. Celles-ci auraient donc un intérêt implicite à modérer leurs stratégies et leurs revendications.

En entrevue, François Charbonneau rappelle l’exemple d’Alliance Québec «qui, à partir des années 2000, est devenue extraordinairement militante, presque antifrançais. Je pense à [la présidence de] William Johnson, par exemple. Donc, le fédéral a décidé de retirer ses billes, formellement parce que l’organisation était mal gérée, mais tout le monde voyait que c’était parce que ça devenait un lobby» antifrançais.

Le financement par subvention pose lui aussi un problème : il n’y a pas de financement pérenne pour les associations et la majeure partie des fonds est octroyée en fonction de la programmation ou de projets individuels. Conséquemment, une grande partie du travail des associations est consacrée à la demande de subventions, desquelles dépendent les salaires d’une grande partie du personnel.

Cela signifie aussi que ces associations tendent à calquer leur programmation sur les priorités du gouvernement fédéral, puisque cela multiplie leurs occasions de financements. Indirectement, donc, le gouvernement fédéral façonne les politiques des associations porte-paroles en déterminant ses propres priorités envers le financement des organisations communautaires.

Cela crée un certain flou, selon le professeur Charbonneau, puisqu’il devient difficile d’évaluer «si les priorités des associations sont les priorités définies par la communauté, ou si ce sont des priorités ultimement définies par des critères d’assignation de subsides par des fonctionnaires».

«Cela a des effets en termes d’imputabilité, cela a des effets en termes d’orientations, cela a des effets en termes de priorités du milieu associatif, selon le professeur Charbonneau. La difficulté, ce n’est pas de dire que le fédéral contrôle le milieu associatif ; c’est plutôt de dire que les structures de financement ne rendent personne imputable dans le système. L’imputabilité des associations porte-parole, c’est de se rapporter au gouvernement fédéral» et non aux communautés qu’elles sont censées représenter.

L’alignement étroit des associations sur les priorités fédérales signifie que certains enjeux sont écartés du débat public. «Ça fait quarante ans qu’on ne parle plus d’assimilation des francophones, alors que l’assimilation n’a jamais été aussi importante, précise le chercheur. Le fait de pouvoir parler en français dans la fonction publique fédérale, c’est une catastrophe, ça fait cinquante ans que le commissaire aux langues officielles déplore chaque année la difficulté de travailler en français.»

Vers un financement citoyen des associations porte-paroles

Une solution potentielle à ces problèmes, selon le professeur Charbonneau, serait de revoir le modèle de financement des associations porte-paroles francophones.

«Un modèle de financement qui n’empêche pas le militantisme, c’est celui des associations étudiantes dans les universités. […] Les associations étudiantes représentent les étudiants, elles sont financées par les étudiants, même si l’université est fiduciaire […] Ça n’empêche jamais les associations étudiantes d’être ultrarevendicatrices, des petits Che Guevara en puissance! Mais pourquoi? Parce qu’elles savent que ces sommes sont garanties.»

François Charbonneau préconise donc un modèle de financement des associations où chaque contribuable devrait assigner un certain montant aux organisations communautaires de son choix dans sa déclaration de revenus. Un modèle qui mettrait toutefois en péril plusieurs associations, particulièrement celles qui représentent de petites communautés, selon le chercheur.

En contrepartie, ce modèle permettrait à d’autres organisations d’émerger, de représenter des communautés mal desservies, ou d’adopter des lignes plus revendicatrices.

Print

Number of views (18125)/Comments ()

Francopresse

Bruno Cournoyer Paquin (Francopresse)

Contact author
Comments are only visible to subscribers.

Contact author

x

Les plus populaires

Festival Fête fransaskoise 2018 : une édition réussie

Festival Fête fransaskoise 2018 : une édition réussie

PIKE LAKE - Près de 700 personnes se sont données rendez-vous au parc provincial de Pike Lake pour les trois jours d’activités et de spectacles de...
Friday, August 17, 2018/Author: Jean-Pierre Picard/Number of views (1785077)/Comments ()/
"Un tramway nommé Désir" au Théâre Oskana

"Un tramway nommé Désir" au Théâre Oskana

Le Théâtre Oskana de Regina présentait, du 15 au 18 mars dernier, Un tramway nommé Désir, de l’auteur américain Tennessee Williams.

Thursday, March 29, 2018/Author: Mychèle Fortin/Number of views (1347818)/Comments ()/
Mosaic 2017 : Un pavillon francophone haut en couleur

Mosaic 2017 : Un pavillon francophone haut en couleur

Festival Mosaic 2017 à Regina

REGINA - Les résidents de la capitale saskatchewannaise se sont déplacés en grand nombre dans les dix pavillons du festival Mosaic...
Thursday, June 8, 2017/Author: Pierre-Émile Claveau/Number of views (420384)/Comments ()/
La Tente francophone accueille plus de 1 000 visiteurs

La Tente francophone accueille plus de 1 000 visiteurs

Festival pour enfants Potash Corp à Saskatoon

SASKATOON - Pour la première fois cette année, le Festival pour enfants Potash Corp offrait une tente abritant les activités offertes par...
Thursday, June 16, 2016/Author: Aminata Konaté/Number of views (412642)/Comments ()/
Le « mieux-être » au cœur du Rendez-vous fransaskois 2016

Le « mieux-être » au cœur du Rendez-vous fransaskois 2016

SASKATOON - C’est sous le thème du « mieux être personnel et communautaire » que s’est déroulé le...
Thursday, November 10, 2016/Author: Jean-Pierre Picard/Number of views (383275)/Comments ()/
La Saint-Jean-Baptiste en Saskatchewan

La Saint-Jean-Baptiste en Saskatchewan

Compte rendu et photos des célébrations de la Saint-Jean-Baptiste à Saskatoon, Bellegarde, Gravelbourg et Zenon Park.

Sunday, July 3, 2016/Author: L'Eau vive/Number of views (268409)/Comments ()/
Après 20 ans de gestion scolaire fransaskoise:  Comment se porte le français dans nos écoles?

Après 20 ans de gestion scolaire fransaskoise: Comment se porte le français dans nos écoles?

Rencontre avec un parent inquiet, mais optimiste

La Saskatchewan a bien changé depuis l’obtention de la gestion scolaire il y a 20 ans. Depuis deux décennies, l’épanouissement du...
Thursday, January 29, 2015/Author: Mychèle Fortin (EV)/Number of views (230925)/Comments ()/
La Société historique de la Saskatchewan honorée par la province

La Société historique de la Saskatchewan honorée par la province

REGINA - Son Honneur, l’honorable W. Thomas Molloy, le lieutenant-gouverneur de la Saskatchewan a remis un prix à la Société historique de la Saskatchewan...
Wednesday, June 27, 2018/Author: L'Eau vive/Number of views (178653)/Comments ()/
Rapports sur l'état de santé des organismes provinciaux

Rapports sur l'état de santé des organismes provinciaux

Rendez-vous fransaskois 2018

SASKATOON - Le dimanche 4 novembre, dans le cadre du Rendez-vous fransaskois 2018, les différents organismes provinciaux francophones ont eu l’occasion de...
Thursday, November 8, 2018/Author: Simb Simb/Number of views (144597)/Comments ()/
La Fête fransaskoise 2017: un franc succès

La Fête fransaskoise 2017: un franc succès

Le déroulement de plusieurs activités durant le week-end du festival Fête fransaskoise n’a pas empêché la présence de...
Thursday, August 17, 2017/Author: Pierre-Émile Claveau/Number of views (142682)/Comments ()/
Assermentation des députés communautaires

Assermentation des députés communautaires

Trois mois après les élections de l’Assemblée communautaire fransaskoise, les députés communautaires ont finalement pu être assermentés, le 2 février dernier, à...
Saturday, February 17, 2018/Author: Pierre-Émile Claveau/Number of views (132581)/Comments ()/
Un plaidoyer pour une Fransaskoisie unie et forte

Un plaidoyer pour une Fransaskoisie unie et forte

Rendez-vous fransaskois 2018

Saskatoon - Du 2 au 4 novembre 2018, avait lieu à l’hôtel Hilton Garden Inn, l’édition 2018 des Rendez-Vous fransaskois où se sont rassemblées des...
Thursday, November 8, 2018/Author: Simb Simb/Number of views (124240)/Comments ()/
Lancement de l’EP de PONTEIX J’orage

Lancement de l’EP de PONTEIX J’orage

Entretien avec Mario Lepage

Après s'être rendu en demi-finale aux Francofolies, PONTEIX, la nouvelle formation de Mario Lepage, lançait, le 3 juin dernier, son EP...
Thursday, June 16, 2016/Author: Pascal Lévesque/Number of views (102222)/Comments ()/
Cuba, l'île abandonnée au temps de la Covid-19

Cuba, l'île abandonnée au temps de la Covid-19

Cuba a une tradition bien établie d'aide médicale internationale. Des médecins cubains étaient prêts à venir chez nous, à la demande des communautés autochtones...
Thursday, May 14, 2020/Author: Mychèle Fortin/Number of views (101044)/Comments ()/
Les Tintamarres fransaskois

Les Tintamarres fransaskois

1 000 personnes dans les rues de 3 communautés

Trois communautés de la province, Moose Jaw, Prince Albert et Gravelbourg, ont organisé des Tintamarres le 20 mars 2018. Au total, ce sont près de 1 000...
Friday, March 30, 2018/Author: Jean-Pierre Picard/Number of views (98149)/Comments ()/
Terms Of UsePrivacy StatementCopyright 2014 par L'Eau vive
Back To Top