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Entrevue avec la présidente de l’Assemblée communautaire fransaskoise

Entrevue réalisée par Radio-Canada Saskatchewan en collaboration avec l'Eau vive

Author: L'Eau vive/Thursday, October 23, 2014/Categories: 2014, ACF - Assemblée communautaire fransaskoise, Communautaire

Françoise Sigur-Cloutier

Françoise Sigur-Cloutier

Photo : gracieuseté Françoise Sigur-Cloutier

Entrevue préparée conjointement par l’Eau vive et la Société Radio-Canada avec Françoise Sigur-Cloutier, réélue à la présidence de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) pour un deuxième mandat. L'entrevue a été diffusée sur les ondes de ICI Radio-Canada Saskatchewan le 23 octobre 2014.

EV/SRC : Vous avez été élue sans opposition pour un deuxième mandat à la présidence de l’ACF. Qu’est-ce qui vous a motivé à faire ce deuxième mandat?
Françoise Sigur-Cloutier : Je vais vous dire qu’après 2 ans à la présidence, je me disais que c’est maintenant que je sais vraiment ce que je fais et c’est maintenant que je sens que je peux faire une différence. Alors, c’est tout à fait normal, une fois que je suis en vitesse de croisière, de continuer justement sur cette lancée. 

EV/SRC : Le fait que vous avez été élue sans opposition, que ce soit le cas également pour de nombreux  députés communautaires, est ce que c’est un symptôme, selon vous, de désengagement de la communauté?
FSC : Dans mon cas en particulier, j’ai pris cela comme une preuve de confiance. Chaque fois que notre présidence est représentée, si il ou elle a été élu sans opposition, c’est pour moi comme une marque de confiance de la communauté.

EV/SRC : Et pour ce qui est des députés?
FSC : Pour ce qui est des députés, je ne peux parler pour tout le monde, mais pour certains absolument, pour d’autres, il y a peut-être un manque de relève à certains endroits. Mais la majorité, c’est un signe de confiance.

EV/SRC : La communauté fransaskoise est en pleine transformation, ce n’est pas nouveau. Elle est de plus en plus multiculturelle avec plusieurs immigrants qui arrivent dans la province.  Est ce que l’ACF a su s’adapter à cette réalité selon vous?
FSC : C’est pas « est ce qu’on a su », c’est « est-ce qu’on sait ». La question que nous devons nous poser c’est : Est-ce que nous le faisons? Est-ce que nous sommes assez inclusifs? Est-ce que nous sommes assez accueillants pour intégrer ces nouveaux arrivants qui arrivent nombreux ? 

EV/SRC : Et quelle est votre réponse?
FSC : Ça s’inscrit dans un continuum, c’est quelque chose auquel on doit penser tout le temps. 

EV/SRC : Est-ce qu’il y a des changements qui pourraient être apportés afin de mieux impliquer ces nouveaux arrivants?
FSC : C’est sûr que finalement l’accueil de tous ces nouveaux arrivants se fait par toute une communauté. Ce n’est pas juste une structure ou un corps décisionnel qui le fait. C’est toute la communauté qui doit faire cet effort, avoir cette ouverture, cet accueil vers les nouveaux arrivants pour qu’ils viennent nous enrichir et qu’ils se sentent accueillis. Il faut toujours ce mouvement de va et vient, ça peut être plus intense des fois pour certaines personnes, ça représente des défis, mais je crois que c’est la vie. 

EV/SRC : Assurer la relève est une priorité pour l’ACF. Depuis de nombreuses années vous parlez d’impliquer les jeunes un peu plus, c’est un message qu’on entend depuis longtemps. Sauf que concrètement, certains jeunes qui souhaiteraient pourtant s’engager davantage dans la communauté fransaskoise  nous  disent  qu’ils ne rencontrent pas d’ouverture et qu’ils ne sentent pas qu’ils ont une place. Qu’est-ce que vous suggérez pour essayer de changer cette réalité?
FSC : Je ne suis pas sûre que si un jeune veut s’impliquer il n’y a pas de place. C’est sûr que quand on est jeune, on doit à la fois apprendre des choses en chemin, apprendre certaines règles du jeu. On ne fait pas tout ce qu’on veut toujours tout le temps dans la vie. Je crois qu’il y a de la place largement à différents niveaux pour tout le monde dans la communauté.

EV/SRC : Pensez-vous que c’est un fossé des générations et que c’est pourquoi c’est plus difficile?
FSC : Moi je ne pense pas que c’est un fossé, c’est naturel qu’un jeune à un moment donné veuille que les choses avancent plus vite, et c’est naturel que quelqu’un avec plus d’expérience dise on y va tranquillement. C’est naturel dans la vie de tout le monde et ce n’est pas plus criant de nos jours que ça ne l’était il y a cent ans. 

EV/SRC : C’est difficile d’assurer la relève, tout le monde en convient. Pourtant il y a des jeunes adultes qui parlent français et qui étudient dans des universités ici et qui ne savent même pas qu’il existe une communauté francophone en Saskatchewan. Quel genre de stratégies l’ACF met-elle en place pour se faire connaître, pour essayer de les attirer?
FSC : Encore une fois, c’est une stratégie de communauté. L’ACF est un organisme parapluie, porte-parole, mais ce n’est pas essentiellement un organisme de terrain. Sur le terrain il y a des organismes tels l’ACFR, la FFS, qui sont des organismes de terrain où l’on doit se faire plus connaître. Il y a des organismes jeunesse pour rassembler les jeunes, les organismes culturels pour rassembler les gens à tendance plus artistique. L’effort et le succès de notre communauté c’est  quand tout le monde aura fait son boulot dans la communauté et qu’on va chacun avoir pris sa place et fait ce qu’il doit faire. Par contre il y aura toujours des gens qui ne sauront jamais qu’il y a le train qui passe. 

Il y a du travail à faire. L’ACF n’est pas qu’on ne fait rien. On a toute cette opération faite avec la Coalition, la campagne bonjour Saskatchewan. Il y a énormément qui se fait avec les moyens qu’on a donc il faut que chacun joue son rôle. 

Mon rôle est d’insuffler les idées en travaillant avec mes collègues députés, les régions, groupes et tous les individus. L’ACF, je le dis depuis mon élection la première fois, c’est nous tous. Nous devons tous faire cet effort, cet acte de fierté de se présenter, d’aller au devant des autres et d’inclure les gens.

EV/SRC : Parlons maintenant de l’éducation, l’un des grands dossiers de la communauté présentement, et de l’éducation post secondaire dans la province.  L’institut français de l’université de Regina est en pleine transformation. Quel rôle compte jouer l’ACF pour que ce dossier évolue dans la bonne direction en tenant compte des besoins et intérêts de la communauté?
FSC : Le postsecondaire est un dossier dont l’ACF s’occupe depuis plus de 40 ans. Depuis deux ans que je suis présidente, j’ai passé probablement la moitié de mon temps sur ce dossier. C’est un dossier très important come tout le reste de l’éducation, à partir de la petite enfance jusqu’à la douzième année. Mais on sait que le postsecondaire on a à faire beaucoup plus de développement. En travaillant avec l’Université de Regina, le Collège Mathieu et la province, nous sommes en train de faire déboucher des choses et parallèlement avec les bailleurs de fonds comme Patrimoine canadien.

 

EV/SRC : Vous disiez que même l’école primaire est une priorité pour L’ACF. Le CÉF a vécu dans la dernière année une période de crise, il y a eu les parents qui ont été très inquiets par la gestion, il y a des groupes de pressions qui ont été formés et l’ACF s’est faite  très discrète. Pourquoi?
FSC : Très discrète publiquement, mais on ne s’est pas fait discret sur le terrain. On a été très à l’affût de ce qui se passait, on a toujours été mis au courant, à la fois par les groupes de parents et par les gens du CÉF, on a toujours été extrêmement bien renseignés quand on a rencontré les politiciens. On n’est pas intervenu parce qu’on a pensé que ce n’était pas notre rôle d’intervenir à ce niveau. Mais on était prêt à intervenir n’importe quand. Et on a fait des interventions auprès des uns et des autres qui se sont avérées nécessaires. Nous avons été très présents mais pas  publiquement. 

EV/SRC : Le CÉF se plaint depuis plusieurs années de ne pas recevoir du gouvernement un financement à long terme, c’est un problème récurrent.  L’ACF est une instance politique.  Est ce qu’il y a eu des pressions de faites pour que cela change, pour qu’il y ait une entente à long terme sur le financement?
FSC : Chaque fois que nous rencontrons tous les politiciens, c’est notre message. Que ce soit au niveau de l’éducation, de l’administration, du ministère ou des politiciens, nous avons fait toutes les démarches nécessaires. 

EV/SRC : Quelles sont les prochaines attentes dans ce cas, parce que visiblement c’est un dossier qui n’est pas encore réglé.
FSC : Ce n’est pas encore réglé. La volonté politique est que c’est une décision juridique. 

EV/SRC : Le financement des organismes fransaskois est un problème récurrent. Le montant des subventions stagne, dans certains cas il diminue, ce qui rend le développement  extrêmement difficile pour les communautés  et des organismes. N’est-il pas temps d’arrêter de compter uniquement  sur Patrimoine canadien et de penser à diversifier les sources de revenus?
FSC : On ne compte pas que sur Patrimoine canadien. Le financement de la communauté est probablement plus subventionné par d’autres ministères que par Patrimoine. L’effort de Patrimoine canadien devient de plus en plus restreint. On est en train de faire des activités de collectes de fonds et on essaie de faire des économies d’échelle. L’ACF est en train de mettra en place un système pour se donner des moyens d’autofinancement. Il va peut-être falloir travailler autrement, c’est-à-dire voir comment on peut faire les choses autrement pour ne pas se buter tout le temps aux mêmes situations où on se sent un peu coincer par le manque de fonds. 

EV/SRC : Le premier président de l’ACF, Gilles Rouleau, disait sur nos ondes  le mois dernier qu’il était déçu du faible engagement des fransaskois à l’égard de l’instance politique. Il estime que l’ACF a besoin d’une évaluation de toute sa structure. A la lumière de ce dont nous avons parlé, l’engagement des jeunes, les changements de la communauté, est ce qu’il est temps selon vous de repenser l’ACF?
FSC : Je ne sais pas ce que vous voulez dire quand vous dites « repenser l’ACF ». La communauté s’est donnée une structure il y a une quinzaine d’année. Une structure n’est pas un élément motivateur, c’est pour nous aider à bien fonctionner pour arriver à nous encadrer dans le fonctionnement. Une structure peut évoluer selon les besoins, ou lorsqu’elle ne remplit pas son mandat d’encadrer convenablement une démarche organisationnelle, une démarche de communauté totale.  L’ACF a une structure unique, qui demande de l’apprivoiser. Mais ce n’est pas une structure qui va motiver les gens ou les démotiver. La motivation ou la démotivation viendront de l’attitude de chacun de nous à l’intérieur d’une ville, d’une province, d’un organisme, à l’intérieur de ce que nous sommes. C’est ça qui va motiver les gens à venir se joindre à nous. Quand je regarde certains résultats d’élection, comme les élections scolaires au Québec avec un taux de participation de 8%, je me dis qu’il ne faut pas non plus être trop sévère avec nous même avec une structure minoritaire noyée dans une grande majorité. Je crois qu’il faut s’encourager à l’ouverture, se motiver et faire de choses qui fassent que des gens veulent se joindre à nous. Mais ce n’est pas la structure qui va faire ça. On ne peut pas dire que si les gens ne sont pas mobilisés c’est la faute de la structure. 

EV/SRC : Pour terminer, qu’espérez-vous avoir accompli à la fin de ce deuxième mandat à la présidence?
FSC : D’ici les 4 prochaines années, on veut avoir des avancements significatifs au niveau du post-secondaire, on veut avoir une autre façon de faire le développement communautaire; il faut absolument du changement au niveau des rôles et de  l’action des députés communautaires, au niveau de l’accueil qu’on fait aux immigrants. Mais surtout les plus grands changements que je voudrais qu’il y ait c’est davantage de services aux francophones de nos institutions et de nos administrations, donc du point de vue provincial, fédéral, de Radio Canada, du développement de l’aspect linguistique pour que tout le monde dans la province aient accès à ces services là qu’on soit plus prêts à accueillir les francophones quand ils arrivent.

 

 

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