Panelistes de la table ronde du CFA - La francophonie des Amériques : poids politique ?
Evan Bergeron, de la Louisiane, Sylviane Lanthier, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, Manon Cornellier, correspondante parlementaire à Ottawa, et Michel Dubé, de la Saskatchewan, ont participé à la table ronde.
Photo: courtoisie, Centre de la francophone des Amériques (2016)
Mercredi le 11 mai dernier à l'Université du Québec à Montréal, dans le cadre du colloque annuel de l'Association francophone pour le savoir (ACFAS) et de celui de l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), le Centre de la francophonie des Amériques (CFA) organisait une table ronde sous le thème ''La francophonie des Amériques : poids politique?''
Animée par Sylvianne Lanthier, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), la table ronde réunissait Manon Cornellier, correspondante parlementaire à Ottawa pour le quotidien montréalais Le Devoir, Evan Bergeron, avocat louisianais impliqué dans la sauvegarde et la promotion de la francophonie dans cet état et Michel Dubé, président du Comité consultatif en matière d’affaires francophones du gouvernement de la Saskatchewan (mis sur pied en 2009).
Monsieur Dubé a rappelé que la proportion de Saskatchewannais ayant le français pour langue maternelle diminue de façon constante depuis le début du siècle dernier.(1) Ce déclin de la francophonie, en Saskatchewan comme ailleurs dans les Amériques où il y a des minorités francophones, est du, entre autre, à l'assimilation. « Il y a une incompréhension même aux sein des minorités francophones du processus d'assimilation. ».
Pour celui qui a également été représentant communautaire sur le comité Gallant (qui avait pour mandat, à la fin des années 80, de conseiller le gouvernement Devine sur la mise en œuvre d'un système scolaire pour les francophones), l'un des enjeux majeurs dans cette lutte à l'assimilation en Saskatchewan est d'obtenir un meilleur accès aux études post-secondaires en français : « C'est une priorité. [Au niveau] universitaire et collégial on n'est vraiment pas gâté en Saskatchewan ». Il soutient que cette lacune nuit à l'affirmation identitaire des Fransaskois en dehors de la sphère privée, encourageant ainsi une gêne culturelle qui favorise elle aussi l'assimilation.
Evan Bergeron a rappelé qu'aucun des gains obtenus par le passé ne sont tombés du ciel et qu'ils ne doivent pas être pris pour acquis: « L'un des [enjeux] que nous avions dans les années 60 était de retrouver notre fierté. Une bataille que nous menons toujours en Louisiane est contre l’apathie ».
M. Dubé abondait dans le même sens et nous mettait en garde contre la gêne identitaire, voir la honte : « Soyons fiers de qui nous sommes, de ce que nous faisons, […] c'est à nous d'assumer la légitimité de nos revendications ». Il souhaite également inciter une reconnaissance, par la majorité anglophone du Canada, de cette légitimité et de la contribution historique des francophones aux fondations de la nation canadienne. Ses propres aïeuls étant arrivés au Canada il y a 350 ans, il déplore d'avoir à prouver son bon droit à des Canadiens de 2e ou 3e génération qui font partie de la majorité anglophone. Il considère toutefois qu'il est de son devoir de le faire. « Il y a une méconnaissance de l'Histoire […] beaucoup de gens ne comprennent pas que le Canada a été fondé par les francophones. Si on exclu les Premières Nations et les Métis, nous étions les premiers arrivés dans le territoire autochtone qui s'appelait Canada à l'époque ».(2)
Selon Manon Cornellier, le même problème persiste dans le fonctionnariat. « Il y a toujours eu un noyau de résistance très dur à Ottawa envers le bilinguisme dans la fonction publique ». Elle dénonce également le manque d'éducation des nouveaux immigrants concernant la réalité de la minorité francophone du pays et la nature historique de ses revendications. Selon elle, ces nouvelles communautés sont sous l'impression que les efforts investis dans la promotion du français au Canada sont arbitraires. « lI y a des gens qui se demandent pourquoi on n'apprend pas le chinois [ou une autre langue étrangère parlée par beaucoup de Canadiens] au lieu du français ».
M. Dubé constate que cet argument est parfois utilisé par les descendants de minorités issues d'autres nations européennes qui ont depuis longtemps adopté l'anglais et qui ne revendiquent rien. « […] il peut y avoir une incompréhension des motifs qui poussent les francophones à demeurer francophones. […] il y a des gens de descendance ukrainienne, allemande, scandinave ou autre qui se demandent pourquoi on veut garder notre langue à tout prix, pourquoi on veut avoir nos propres écoles et institutions, alors qu'eux-même on su faire ces sacrifices ». Il insiste sur la notion qu'il existe un manque de connaissances, dans la population en général, de l'histoire du Canada et de la contribution des Français.
En conclusion, Sylviane Lanthier a souligné l'importance inestimable du maintien et de l'accroissement des liens entre les différentes communautés francophones des Amériques, particulièrement là où elles sont le plus isolées.
(1) Huit recensements de la province réalisés entre 1951 et 2006 - disponibles sur le site internet de Statistiques Canada - confirment cette affirmation.
(2) Le mot Canada est une transcription phonétique d'un mot commun à plusieurs dialectes autochtones présents à Stadaconé (village Iroquoien qui se trouvait dans l'actuel quartier Limoilou à Québec) et dans la vallée du St-Laurent à l'époque de Jacques Cartier et qui désignait de façon générale les villages et les terres habitées.