Bientôt, un Observatoire de l’immigration francophone au Canada
L’Observatoire de l’immigration francophone au Canada (OIFC) est un projet issu d’une réflexion entre plusieurs chercheurs spécialisés en immigration. Amin Moghadam, chercheur de l’Université métropolitaine de Toronto, membre de la Chaire d’excellence en recherche du Canada (CERC), explique les objectifs du futur observatoire, dont il a été question lors du Symposium annuel sur l’immigration francophone, le 20 mars à Ottawa.
Quel est l’objectif d’un projet comme l’Observatoire de l’immigration francophone au Canada (OIFC) ?
L’un des objectifs est d’associer la recherche sur l’immigration francophone à l’immigration internationale.
Ensuite, un observatoire répond à un besoin, observe une crise. Le premier concerne la question démographique des communautés francophones au Canada, en contexte minoritaire notamment.
Le deuxième vise à intégrer la perspective des immigrants francophones qui arrivent au Canada et qui viennent de contextes sociaux et nationaux très différents. Ils n’ont pas le même rapport à la francophonie au Canada.
Amin Moghadam, chercheur de l’Université métropolitaine de Toronto et membre de la Chaire d’excellence en recherche du Canada (CERC)
Crédit : Courtoisie
On a parlé en atelier [au Symposium] de comment faire pour associer une approche utilitaire, qui est celle du gouvernement, à la compréhension du parcours des immigrants, notamment sur leurs conditions de vie et d’employabilité.
Un autre objectif est de produire de nouvelles données sur l’immigration francophone à partir de perspectives différentes, très internationales.
L’Observatoire permettra aussi de comprendre ce qui manque. Par exemple, [au Symposium] il y a eu des remarques sur les approches intersectionnelles, qui existent déjà dans la recherche, mais qui sont peut-être moins représentées dans des études plus générales qui concernent les questions raciales, de classe, etc.
Au sein de la Chaire, on est aussi plusieurs francophones à s’intéresser à la consolidation d’un réseau de chercheurs francophones pour l’Observatoire.
De quelle manière cet observatoire permettra-t-il de faire avancer l’immigration francophone au pays ?
En fait, il répond à un problème dans les provinces hors Québec, où les immigrants francophones sont attirés, mais où ils rencontrent souvent des soucis d’employabilité.
Au-delà des questions d’emploi, la vie quotidienne pour les immigrants francophones est aussi importante, avec des espaces de sociabilité, de rencontres.
Il y a aussi la question des services en français. Il y a eu du travail là-dessus, mais il n’empêche que si on ne parle que le français en contexte minoritaire, on ne s’en sort pas. Tout ça alors qu’il y a plusieurs programmes [d’immigration] pour les francophones en contexte minoritaire.
L’approche de l’Observatoire, c’est d’inscrire cette problématique dans une perspective internationale plus large.
Si on veut comprendre les préoccupations de l’immigration francophone au Canada, il faut aussi parler de la francophonie d’ailleurs, des pays d’origine des immigrants, et même des pays où le français n’est pas forcément développé, mais qui ont mis en place des infrastructures pour faire venir des immigrants au Canada. Comme en Iran, d’où je viens, où il y a tout un réseau d’instituts français qui s’est développé et qui privilégie les immigrants francophones.
Les recherches de l’Observatoire seront-elles destinées au gouvernement ?
En partie au gouvernement, mais aussi au grand public, aux acteurs communautaires… Il s’agit de consolider les connaissances sur l’immigration francophone pour tous les acteurs concernés.
C’est pour cela qu’on insiste sur le fait que l’Observatoire va être un lieu de partage et de sociabilité. Un lieu physique et virtuel, de rencontre d’acteurs qui viennent de milieux très différents : universitaires, communautaires, privés et gouvernementaux.
Quand le lancement est-il prévu ?
On envisage un lancement de l’Observatoire en septembre, mais rien n’est confirmé. On attend encore du financement des partenaires impliqués.
Vous faites partie de l’Université métropolitaine de Toronto. Quel est l’intérêt pour un établissement anglophone de faire partie du projet ?
La Chaire d’excellence à l’Université métropolitaine de Toronto a été créée en 2019. C’est dans notre mandat depuis le départ de mener des activités sur l’immigration francophone, en français ou pas.
Il y a aussi une collaboration avec le consulat de France à Toronto. On a mis en place une première rencontre début 2021 sur les mots des migrations. Nous sommes très intéressés par l’usage des mots anglais, français ou arabes. « Immigration », « migrants », « immigrants »… Est-ce que l’on parle de la même chose dans toutes les langues ?
Notre hypothèse, c’est que lorsqu’on écrit dans une langue, on ne réfléchit pas forcément de la même manière. C’est notre volonté d’intégrer différentes manières de réfléchir et de penser.
Un projet de longue haleine
Les réflexions autour de l’Observatoire de l’immigration francophone du Canada (OIFC) remontent à quelques années.« On essayait de comprendre les perspectives manquantes en termes de production de la recherche scientifique au Canada, sur l’immigration francophone au Canada », explique Amin Moghadam.Dès 2021, Linda Cardinal, professeure à l’Université de l’Ontario français (UOF), a contacté la Chaire d’excellence en recherche du Canada sur la migration et l’intégration de l’Université métropolitaine de Toronto [anciennement Université Ryerson] pour inscrire les problématiques de l’immigration francophone au Canada dans une perspective plus large.