Cali, dans l’obscurité. Paul Ruban avant même que tu ne perces ton cocon tu auras entendu le chant des baleines résonner contre les criques et les pics rocheux de Big Sur et le mnash grand bash des vagues de Kerouac. tes petits poumons auront inspiré l’odeur des tacos au poisson-chat, le parfum des orangers et des eucalyptus, le sel de mer mêlé aux effluves de barbe à papa sur la jetée de Santa Monica. à San Francisco tu auras flotté vers le haut lorsque le tram fonçait vers le bas et auras été chatouillé, peut-être, par les vilaines punaises qui mouchetaient ce triste motel de Los Alamos. avant que tu ne sortes de ta caverne, l’aube rosée de Santa Barbara se sera glissée entre les fissures, tu auras entendu les pieds de ta mère traîner dans le sable, le zèbre hennir parmi les chevaux, le roucoulement de l’espagnol, les théories fumeuses de cet historien de jeans, pour qui la couture arquée sur les fesses de Levi’s ne pouvait être qu’un clin d’œil au Golden Gate, et le vrombissement des ailes de ce colibri, qui voltigeait autour de toi, un hippocampe curieux qui barbotte autour d’un hublot de sous-marin, comme pour mieux épier les mystères de la mitose. Paul Ruban Né à Winnipeg, Paul Ruban a grandi à Ottawa. On peut lire ses nouvelles et poèmes dans diverses revues et anthologies. Son premier recueil de nouvelles, Crevaison en corbillard (Flammarion Québec), s'est vu décerner le prix Trillium 2020. Article précédent Aérosol Prochain article emerson Imprimer 5164 Balises: Paul Ruban Articles connexes Jan Van Zanten Air Coma Paavo au zoo Cali, dans l’obscurité Paavo, au zoo
Un jour de grand vent (extrait) Mardi le 10 mai ’66. De bonne heure le matin, au Restaurant Lafontaine à Métabetchouan au Lac-Saint-Jean. L’accent du Lac est présent à différents degrés chez les personnages. Il affecte en particulier Monsieur Pit, un sympathique septuagénaire à la retraite. Jeannot Lafontaine, douze ans, est debout derrière le comptoir. Il porte son uniforme d’écolier sous un tablier. Monsieur Pit est assis à son...
La Voie lactée Il était une fois, au fin fond du Far West canadien, dans une province au nom imprononçable, une cavalière redoutable.
Le grand barrage À défaut d'être aimé, Henri était respecté de tous les castors. Sa supériorité ne laissait aucun doute. On n'avait qu'à regarder son barrage pour comprendre qu'il était plus doué que les autres.
Knockout L’aiguille de glace qui arracha Victor Florkowski à la vie ressemblait à un ivoire de mammouth. Elle était aussi large qu’un pneu, aussi longue que la victime, et se rétrécissait en une pointe cristalline — à double tranchant — dont la beauté fatale resplendissait sous clair de lune.
Cantate pour légumes (Extrait) Au cœur de ce texte sont quatre êtres qui ont perdu leur voix, la capacité d’exprimer leur volonté et leur angoisse. Ancrés dans leurs fauteuils roulants, Asperge, Gourde, Navet et Asperge rêvent d’évasion. Dans les solos de la cantate, les légumes expriment leurs désires les plus profonds.
Triptyque - Micro nouvelles Au coin de l’avenue Idylwyld et la 23e un bip discontinu se fait entendre à ma gauche. Un clignotement sonore: on peut traverser. Entre les deux lignes on peut traverser. “Passez, monsieur. Priorité aux piétons.” Oui, on peut traverser. On peut traverser si les autos s’arrêtent.
Entreciel Sorties de l’entretoit des corniches des greniers de mille espaces connus d’elles seules oubliés par concierges et architectes, les hirondelles occupent dès le matin l’entreciel, la part élevée de Madrid, en rase-tête des habitants des terrasses jusqu’à la proximité des saints perchoirs, des croix des antennes, faisant fi de nos communications avec l’au-delà.
La mousse Maman, pourquoi c’est mouillé ici? C’est la mousse, mon chéri. Fais attention à ne pas glisser.
De la supercherie Cette réflexion est née d’un constat. La vie ne nous appartient pas. Elle nous a été léguée et nous la rendrons en même temps que notre dernier souffle.