« Est-ce que la province de l’Alberta est tenue par la Constitution de publier toutes ses lois en anglais et en français? » « Non », a répondu la Cour d’appel de l’Alberta. Suite à l’appel interjeté par Gilles Caron et Pierre Boutet, appel connu depuis sous le nom de «Cause Caron-Boutet ». Cette décision de la Cour a profondément déçu, non seulement en Alberta, mais également en Saskatchewan comme l’a rappelé madame Françoise Sigur-Cloutier, la présidente de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF). Lors de la conférence de presse de l’ACF, le vendredi 21 février 2014, madame Sigur-Cloutier a déclaré : « Nous sommes profondément déçus de la décision de la Cour d’appel de l’Alberta dans la cause qui oppose le Gouvernement de l’Alberta à messieurs Gilles Caron et Pierre Boutet ».
Rappelons que la Cour provinciale avait donné raison en 2008 à messieurs Caron et Boutet dans une précédente décision du Juge Wenden au motif « que les dispositions en vertu desquelles ils avaient été accusés étaient inopérantes du fait qu’elles n’avaient pas été imprimées et publiées en français et en anglais». Non satisfait de cette décision, le gouvernement de l’Alberta a interjeté appel à la Cour du Banc de la Reine en 2009 et le Juge Eidsvick a conclu que « ni la Proclamation royale ni le Décret de 1870 n’avaient eu pour effet de constitutionnaliser les droits linguistiques dans le territoire qui forme aujourd’hui l’Alberta ».
Et la Saskatchewan dans tout ça?
C’est cette décision du Juge Eidsvick qui vient d’être maintenue par la Cour d’appel le vendredi 21 février 2014. À travers cette décision, la Cour d’appel provinciale veut confirmer le caractère unilingue anglophone de l’Alberta. S’il en est ainsi, en quoi cela concerne l’Assemblée communautaire fransaskoise et, par ricochet, les francophones de la Saskatchewan au point qu’il faille se prononcer à travers une conférence de presse?
À cette question, « Les enjeux de cette décision sont importants pour les communautés francophones des Prairies et du Nord Canadien » répond madame Sigur-Cloutier. Quant à maître Roger Lepage, avocat de l’ACF, il soutient que « la Saskatchewan et l’Alberta ont vu le jour ensemble et de la même façon en 1905 ». Une décision dans la Cause Caron-Boutet s’applique donc autant en Saskatchewan qu’en Alberta.
Que faut-il faire maintenant?
Messieurs Caron et Boutet refusent de payer des contraventions d’infractions à la Traffic Safety Act en Alberta au motif que celles-ci ne sont pas rédigées en français. L’ACF avait obtenu un statut d’intervenant dans ce dossier, tout comme l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA). La thèse des appelants comme celle des intervenants repose sur le contexte historique, dont l’enjeu est le principe constitutionnel de la protection des minorités et l’interprétation de certains documents créés en 1867 et 1870 lors de la création de la confédération et de l’annexion de la Terre de Rupert et des Territoires du Nord-Ouest par le Canada. Pour le juge Frans Slatter de la Cour d’appel de l’Alberta, « si le droit à la publication en français et en anglais figurait sur les listes de droits et a fait l’objet de négociations, ce droit n’a jamais été enchâssé (dans la Constitution). Le Décret de 1870 (Décret en conseil sur la Terre de Rupert et le territoire du Nord-Ouest) n’a pas eu pour effet d’enchâsser dans la Constitution le droit à la publication de la législation dans les deux langues. »
Les appelants, les intervenants et leurs avocats ne l’entendent pas de la même oreille. Monsieur Caron a déjà annoncé, dans une conférence de presse depuis Edmonton, qu’il interjettera en Cour Suprême. Monsieur Caron et ses avocats ont jusqu’au 21 avril 2014 pour s’adresser à la plus haute juridiction du pays. Pour sa part, l’ACF souhaite que la cause puisse être entendue à la Cour Suprême et compte demander le statut d’intervenant pour continuer son implication, comme elle l’a fait depuis le début de cette affaire. « Nous sommes toujours certains de la légitimité de notre cause et espérons que la Cour Suprême donnera raison aux arguments de Gilles Caron et de Pierre Boutet, établissant ainsi la pleine légitimité constitutionnelle du statut de la langue française en Alberta et en Saskatchewan » a conclu Madame Sigur-Cloutier, qui a profité de l’occasion pour remercier messieurs Caron et Boutet pour leur courage et leur ténacité,
Affaire donc à suivre.