Échange public sur le bilinguisme à Moncton
Le sociologue Mathieu Wade (à gauche) et le politicien Dominic Cardy ont participé à un échange sur le bilinguisme animé par l’ancienne vice-première ministre Aldéa Landry, la semaine dernière.
(Photo Acadie Nouvelle, Simon Delattre)
MONCTON - Le chef du NPD du Nouveau-Brunswick, Dominic Cardy, estime que le manque de compréhension mutuelle et de communication entre anglophones et francophones est la cause principale des tensions actuelles.
Dominic Cardy et Mathieu Wade, sociologue de l’Université de Moncton, ont partagé leurs points de vue sur la question sensible du bilinguisme lors d’un dialogue public au début du mois de mai au Collège Oulton de Moncton.
L’événement a été organisé par le club Rotary de Moncton, qui souhaitait permettre une discussion constructive, apaisée et respectueuse. En effet, la manifestation anti-bilinguisme à Fredericton la semaine précédente a quelque peu échauffé les esprits.
Aldéa Landry, ancienne vice-première ministre, a animé les échanges avec le public, lesquels se sont tenus tantôt en français tantôt en anglais. Les deux invités et l’assistance ont pu réfléchir au défi de cohabiter dans une province bilingue et aux moyens d’améliorer la situation.
«N’importe quelle discussion qui concerne l’identité touche le monde parce que c’est ce qu’on veut conserver, ce qui nous est propre», estime Mathieu Wade.
«Il faut être honnête: une partie des anglophones et certains francophones nourrissent une haine réciproque, affirme M. Cardy. Mais au milieu, l’immense majorité veut faire bouger la province.»
Le leader néo-démocrate insiste sur le rôle de l’éducation.
«Il faut plus de conversation entre les deux communautés, il y a un vrai manque de compréhension. À l’école, les anglophones n’ont pas assez de détails sur l’histoire acadienne et inversement.»
Il regrette également la difficulté des hommes politiques à débattre publiquement de dualité ou de droits linguistiques. «Ils n’osent pas en parler, la discussion ne se fait que derrière des portes closes. Le sujet est jugé trop explosif. On a tendance à mettre les problèmes sous le tapis.»
«Arrêtons de blâmer le gouvernement qui ne bougera jamais, propose Carl Richard, étudiant. Créons un mouvement populaire pour unir les communautés.»
Paulette Thériault, conseillère municipale, le rejoint. «Ce sont des événements comme ce soir qui peuvent nous aider à nous rapprocher.»
Jennel Bourgeois, membre du club Rotary, suggère quant à elle de multiplier ce type de rencontre, entre jeunes francophones et anglophones.
Mathieu Wade ajoute que le dialogue est entravé par l’absence de médias communs.
«Il n’y a pas de plateforme pour représenter les francophones et leurs enjeux auprès des anglophones. Les débats se font dans deux mondes différents et séparés. On n’a pas les outils pour communiquer dans un même espace», a-t-il souligné.
Certains membres du public se sont levés pour rappeler les avantages du bilinguisme. Selon Aldéa Landry, l’existence de deux langues ouvre des possibilités dans le monde des affaires et attire certaines entreprises.
Taha Maarous, originaire du Maroc, raconte que le bilinguisme était l’élément essentiel quand il a choisi de venir au Nouveau-Brunswick. «Travaillons ensemble pour une communauté unie et un meilleur futur», lance-t-il.
L’idée de la généralisation de l’affichage bilingue a également été soulevée.
Les deux invités ont analysé le débat animé sur les autobus scolaires bilingues.
«Si j’étais à la place du ministre, je mettrais les enseignants avant les autobus, explique Dominic Cardy. On ne peut pas vouloir protéger la langue et supprimer des postes en éducation.»
Pour le sociologue, les francophones ont des compromis à faire sur ce terrain-là.
«Ce n’est pas le rôle de l’autobus de nous permettre de vivre ensemble.»
Jennyfer Kay, une participante, juge que le système éducatif anglophone ne permet pas d’apprendre correctement le français et ferme l’accès aux postes bilingues.
«Pourquoi ne pas ouvrir les portes des écoles françaises aux anglophones?»
Mathieu Wade répond qu’un système universel menacerait la viabilité du français.
«La dualité crée des espaces de vie où le français est la langue unique et qui permettent à la communauté de s’épanouir. Plutôt que de vouloir supprimer des droits, il faudrait se concentrer sur l’éducation.»