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La Grèce : plus ça change plus c’est pareil

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La Grèce, petit pays de 11 millions d’habitants croulant sous le poids d’une dette écrasante et d’une récession sans équivalent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, vient de se choisir un Premier ministre. Réélu le 20 septembre dernier, Aléxis Tsípras devra assumer la mise en œuvre du nouveau plan d’aide (le 3e) négocié cet été avec les créanciers du pays, le Memorandum of Understanding 2015 (MOU). Mais l’Europe n’a plus l’air de s’inquiéter. 

Le Huffington Post a récemment publié un article intitulé La crise portoricaine est-elle semblable à la crise grecque? Quelle crise grecque?  La Grèce n’est presque plus un sujet. Alors que depuis des mois la zone euro était aux abois, lors de l’Eurogroupe du 12 septembre elle n’a fait que l’objet d’un ‘point d’étape’ sur la mise en place des réformes et sur les élections à venir. On ne parle plus d’échéancier. Avec le retour de Tsípras, aucune raison que cette approche plutôt relaxe ne change. Surtout si George Chouliarkis, ministre des Finances du gouvernement par intérim et très apprécié par Bruxelles, conserve ce ministère.

Mais peu importe la place qu’occupe ou occupera la Grèce sur l’agenda ou dans les médias. Pour les Grecs, rien n’a changé. La situation n’est pas meilleure qu’il y a deux mois. Après des années d’austérité, le pays est exsangue. Le secteur public est décapité, la couverture sociale détruite. Le gouvernement a fermé, en 2013, la Hellenic Broadcasting Corporation (ERT), la radio-télévision publique en ondes depuis 75 ans.  Décision sans précédent dans les pays démocratiques.

C’est la vente de garage. En 2014, Stelios Stavidres, ancien président de Hellenic Republic Asset Development Fund (TAIPED) responsable de la privatisation du secteur public, déclarait : « Nous vendons tout, tous les biens de l’État : aéroports, routes, édifices, terrains, îles, même des plages». On peut même se procurer tout ça en ligne. Pendant ce temps, la dette croit, les inégalités sociales aussi.

Sans-abri et suicides

En 2009, la dette de la Grèce représentait 129,7% du PIB (produit intérieur brut). Aujourd’hui, elle est d’environ 180%. 22,7% de la population vit sous le seuil de la pauvreté (9% au Canada), le taux de chômage avoisine le 27% (6,8% au Canada). Au Pirée, premier port et premier centre industriel du pays, il est de 60%. Entre 2009 et 2013, le taux de sans-abri issus de la classe moyenne (éducation moyenne et supérieure) a augmenté de plus de 25%. Pour la même période, le taux de suicide a grimpé de 27%.

Mais ça ne va pas mal pour tout le monde. Entre 2007 et 2014, la richesse collective aux mains du 1% est passée de 48,6 à 56,1%.

Pour l’économiste de Harvard Richard Parker, « la Grèce n’était pas le problème. Si les ministères des finances du nord ont paniqué cet été, c’est qu’ils craignaient que la situation grecque ne provoque un examen plus approfondi des actifs des banques, surtout françaises et allemandes. C’était ça le problème ».

Nous assistons à la faillite d’un système au cœur duquel règnent les banques. Comme l’explique le sociologue et politologue britannique Colin Crouch, « les banques savent que quoi qu’elles fassent, les gouvernements et l’argent des contribuables les tireront toujours d’affaire ». Ainsi, sur chaque 100 euros versés par le Fonds monétaire international (FMI) et l’Union européenne sur le compte d’Athènes, seulement 1,80 euros se retrouve dans l’économie grecque. Le reste est retourné aux banques et autres prêteurs.

D’après Naomi Klein, auteure de The Shock Doctrine, après l’Europe du sud (Grèce, Espagne, Italie, Portugal), ce sera au tour de l’Allemagne, puis de la France. Ce n’est qu’une question de temps.

Retour à la case départ

Aléxis Tsípras, élu une première fois en janvier 2015, a démissionné le 20 août, confronté à une fronde de l’aile gauche de son parti après avoir accepté toutes les conditions exigées par les créanciers à la mi-juillet pour l’adoption du MOU.  Lors de sa campagne pour sa réélection, il a défendu ce plan d’aide qu’il a signé et que les Grecs avaient pourtant rejeté lors du référendum du 5 juillet.

Le résultat des élections législatives de dimanche est presque une copie conforme du résultat des législatives de janvier : victoire de Tsípras et du parti de gauche Syriza avec 35% des voix, alliance avec le parti des Grecs indépendants (ANEL), parti anti-austérité et formation d’une coalition qui assure une majorité à Tsípras. Les mêmes joueurs sont en place et la même partie continue. 

Vous m’avez bien suivie?  Un parti de gauche a accepté un plan d’aide dont personne ne voulait. Ça lui a coûté sa majorité. Il a refait campagne en défendant le plan dont personne ne voulait. Il a gagné.  Grâce à l’appui d’un parti anti-austérité, il a la majorité. Il pourra donc mettre en place le plan dont personne ne voulait. Il y a de quoi en perdre son… grec.

 

Mychèle Fortin

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